LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 décembre 2022
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1335 F-D
Pourvoi n° W 20-19.074
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [W], veuve [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 juin 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
Mme [C] [W], veuve [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-19.074 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société ACNA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [T], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société ACNA, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2019), Mme [T] a été engagée le 21 avril 1994 par la société Acna en qualité d'agent d'entretien.
2. A l'issue de deux examens par le médecin du travail en date des 21 février et 19 mars 2013, la salariée a été déclarée « inapte à son poste mais apte à un autre, type administratif sédentaire à mi-temps. »
3. Licenciée le 10 juin 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, elle a saisi la juridiction prud'homale de demande relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour manquement à l'obligation de sécurité et pour préjudice moral, alors « qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement de l'employeur qui l'a provoquée ; que pour débouter Mme [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, manquement à l'obligation de sécurité et préjudice moral, la cour d'appel a retenu que la salariée ne démontrait pas la faute inexcusable de l'employeur ni que son préjudice excéderait celui qui a déjà été réparé au titre de la sécurité sociale ; qu'en statuant ainsi quand Mme [T] contestait la rupture de son contrat de travail et précisait que sa demande au titre de l'obligation de sécurité n'était pas circonscrite à sa maladie professionnelle, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :
5. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si la salariée précise que sa demande au titre de l'obligation de sécurité n'est pas circonscrite à sa maladie professionnelle, elle ne démontre pas de faute inexcusable ni d'ailleurs, ne s'en prévaut, pas plus qu'elle ne démontre que ce préjudice excède celui qui a déjà été réparé au titre de la protection sociale.
6. En statuant ainsi, alors que la salariée fondait sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse non sur la faute inexcusable de l'employeur mais sur un manquement à l'obligation de sécurité telle qu'elle résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
7. La cassation prononcée est limitée au chef de dispositif par lequel la cour d'appel déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, seul critiqué par le moyen et n'atteint pas les autres chefs de dispositif visés par ce moyen.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée par Mme [T], l'arrêt rendu le 16 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société ACNA aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société ACNA à payer à la SCP Didier et Pinet la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux, et par Mme Jouanneau, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme [W], veuve [T]
Mme [T] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour manquement à l'obligation de sécurité et pour préjudice moral.
ALORS QU'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement de l'employeur qui l'a provoquée ; que pour débouter Mme [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, manquement à l'obligation de sécurité et préjudice moral, la cour d'appel a retenu que la salariée ne démontrait pas la faute inexcusable de l'employeur ni que son préjudice excéderait celui qui a déjà été réparé au titre de la sécurité sociale ; qu'en statuant ainsi quand Mme [T] contestait la rupture de son contrat de travail et précisait que sa demande au titre de l'obligation de sécurité n'était pas circonscrite à sa maladie professionnelle (conclusions, p. 18 et conclusions après réouverture des débats pp. 3 et 4), la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.