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14/12/2022 | FRANCE | N°19-26137

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 2022, 19-26137


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1342 F-D

Pourvoi n° C 19-26.137

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

Mme [S] [L], domicilié

e [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 19-26.137 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1342 F-D

Pourvoi n° C 19-26.137

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

Mme [S] [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 19-26.137 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Rue du commerce, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [L], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Rue du commerce, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2019), Mme [L] a été engagée par la société Rue du commerce le 10 juillet 2012 et exerçait en dernier lieu les fonctions de chargée d'animation commerciale.

2. Elle a été licenciée le 12 mai 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de rappel de salaires pour heures supplémentaires, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en l'espèce, Mme [L] indiquait avoir réalisé chaque semaine, cinq jours par semaine, les horaires minimums suivants : 9h15 - 12h30 et 14h20 - 20h ; que pour démontrer l'amplitude horaire, elle versait notamment aux débats des courriels qu'elle avait envoyés à des heures tardives ; qu'elle indiquait précisément la durée hebdomadaire de travail qu'elle disait avoir réalisée et produisait aux débats des éléments de preuve pour l'étayer ; qu'en ces circonstances, il importait peu qu'elle ait restreint ses demandes d'heures supplémentaires à hauteur de dix heures par mois dès lors qu'elle n'en indiquait pas moins les horaires précis qu'elle soutenait avoir effectués chaque mois ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que la salariée présente une réclamation sur une base mensuelle répétitive de dix heures par mois, sans en préciser le détail, et invoque à l'appui de sa demande des courriers électroniques qui ont été envoyés après 18h et certains à 00h01, 22h59, 01h19, 23h51, sans précision sur leur lieu d'expédition et la nécessité de leur envoi à cette heure tardive, sans déduire ses prises de congés, ses RTT ou ses arrêts maladie, et que ces éléments ne sont pas suffisamment précis et fiables pour permettre un débat contradictoire et vérifier ainsi l'existence de l'accomplissement d'heures supplémentaires restées impayées.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée précisait ses horaires journaliers et soutenait travailler un minimum de quarante-cinq heures par semaine en étant rémunérée sur une base de trente-sept heures et présentait ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétendait avoir accomplies pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que l'employeur soit condamné à lui payer une somme à titre de dommage-intérêts pour dépassement des durées maximales de travail, alors « que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; qu'en l'espèce, la salariée sollicitait la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice consécutif au manquement de l'employeur à son obligation de respecter les durées maximales de travail et les durées minimales de repos ; que la cour d'appel a considéré que ''les éléments communiqués par la salariée ne sont pas suffisamment précis et fiables pour permettre un débat contradictoire et vérifier ainsi l'existence de l'accomplissement d'heures supplémentaires restées impayées'', et ''qu'il s'ensuit'' qu'il y aurait lieu de la débouter ''de ses prétentions relatives aux manquements par l'employeur du respect des durées maximales de travail et minimales de repos journalier qu'elle n'établit pas'' ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et a violé les articles L. 3121-31, L. 3121-34 et L. 3121-35 du code du travail, ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

11. Selon ce texte, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

12. Il en résulte que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.

13. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail, l'arrêt retient que les éléments communiqués par celle-ci ne sont pas suffisamment précis et fiables pour permettre un débat contradictoire et vérifier ainsi l'existence de l'accomplissement d'heures supplémentaires restées impayées.

14. En statuant ainsi, sans constater que l'employeur justifiait avoir respecté les durées maximales de travail prévues par le droit interne, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [L] de ses demandes de rappel de salaires pour heures supplémentaires, de dommages-intérêts pour dépassement de la durée maximale de travail, et de paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il la condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 11 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Rue du commerce aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Rue du commerce et la condamne à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour Mme [L]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [L] fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté la demande de nullité du licenciement, et la demande de dommages et intérêts pour discrimination liée à l'état de grossesse, d'avoir dit que le licenciement pour faute grave de Mme [S] [L] est justifié, et de l'avoir déboutée de toutes ses demandes ;

1/ ALORS QU'aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté sauf s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de l'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ; que la date du licenciement est celle à laquelle est expédiée la lettre de licenciement ; qu'en conséquence, le juge ne peut exclure tout lien entre le licenciement et l'état de grossesse de la salariée au seul prétexte que la déclaration de l'état de grossesse, antérieure à l'envoi de la lettre de licenciement, a été postérieure à l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté qu' « il est établi que le certificat de grossesse a bien été reçu par l'employeur le 29 avril 2015 » (arrêt, p. 4, pénultième alinéa), que l'entretien préalable à un éventuel licenciement s'est tenu le 4 mai 2015 et que « Mme [L] a été licenciée le 12 mai 2015 » (arrêt, p. 2, alinéa 6) ; qu'à la date du licenciement, l'employeur était donc informé de l'état de grossesse de l'exposante ; qu'en retenant pourtant que « le lien entre l'état de grossesse et la procédure de licenciement n'est pas établi » au seul prétexte que « la preuve n'est pas rapportée de la connaissance par l'employeur de l'état de grossesse de Mme [L] le 21 avril 2015, jour où la convocation à un entretien préalable pour faute grave lui a été adressée » (arrêt, p. 4, dernier alinéa), la cour d'appel a violé les articles L. 1225-4 et L. 1225-5 du code du travail ;

2/ ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE l'employeur peut résilier le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constatée, s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à son état de grossesse ; que si le licenciement a été prononcé pour faute grave, le juge doit expressément constater que les faits reprochés à la salariée sont dépourvus de tout lien avec son état de grossesse, qu'en l'espèce, Mme [L] soutenait expressément que l'erreur qui lui était imputée dans la codification des offres promotionnelles en date du 17 avril 2015, alors qu'elle était en état de grossesse; avait été commise par d'autres salariés à l'encontre desquels aucune sanction n'avait été prise ; qu'elle en déduisait que c'est en raison de son état de grossesse que l'employeur avait pris la décision de la licencier pour faute grave à ce titre (conclusions, p. 21) ; qu'en s'abstenant totalement de rechercher, comme elle y était pourtant ainsi invitée, si les faits reprochés à la salariée étaient en lien avec l'état de grossesse déclaré de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1225-4 du code du travail ;

3/ ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE l'employeur peut résilier le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constatée, s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à son état de grossesse ; que si le licenciement a été prononcé pour faute grave, le juge doit expressément constater que les faits reprochés à la salariée sont dépourvus de tout lien avec son état de grossesse ; qu'en l'espèce, Mme [L] soutenait expressément que l'agressivité dont elle aurait prétendument fait preuve à l'encontre de ses collaborateurs et des interlocuteurs externes entre les 23 février et 17 avril 2015, alors qu'elle était en état de grossesse, n'était attestée que par quelques salariés, et qu'en réalité l'employeur ne s'en prévalait que pour rompre le contrat de travail d'une salariée qu'il savait enceinte (conclusions, p. 23) ; qu'en s'abstenant totalement de rechercher, comme elle y était pourtant ainsi invitée, si les faits reprochés à la salariée étaient en lien avec l'état de grossesse déclaré de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1225-4 du code du travail ;

4/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QUE l'erreur commise par une salariée dans la codification d'une offre promotionnelle, tâche qui lui incombe au titre de son contrat de travail, relève de l'insuffisance professionnelle, laquelle n'est constitutive d'une faute grave qu'à la condition d'avoir été délibérée ; qu'en l'espèce, pour dire que Mme [L] aurait commis une faute grave, la cour d'appel a retenu que « la salariée, qui était garante du processus de contrôle de la codification au sein de son équipe, conteste sans l'étayer être à l'origine de ce sinistre, alors que l'employeur établit que le code de la manipulation était bien celui de Mme [L] ; que cette manipulation litigieuse relevait de son coeur de métier dans lequel elle avait acquis de l'expérience et pour lequel elle avait suivi des formations, et alors qu'il n'est établi par aucune pièce que le 17 avril 2015, ses conditions de travail avaient été particulièrement inhabituelles et stressantes, au point d'omettre une phase essentielle de sa tâche du jour » (arrêt, p. 5, pénultième alinéa) ; qu'en statuant de la sorte sans aucunement caractériser en quoi cette manipulation imputée à l'exposante relèverait, de sa part, d'une quelconque mauvaise volonté délibérée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1225-4 du code du travail ;

5/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QU'en énonçant péremptoirement que « l'employeur établit un comportement agressif et déplacé de la salariée à l'égard de ses collaborateurs et des interlocuteurs externes, tel qu'il le démontre par les courriels versés aux débats, dans la période du 23 février 2015 au 17 avril 2015 » (arrêt, p. 6, alinéa 2), sans aucunement préciser sur quelle pièce elle appuyait cette affirmation, quand Mme [L] soutenait au contraire expressément que les pièces versées aux débats par l'employeur étaient anciennes et concernaient des faits prescrits (conclusions, p. 22 et 23), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [L] fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté ses demandes de rappel de salaires pour heures supplémentaires ;

1/ ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en l'espèce, Mme [L] indiquait avoir réalisé chaque semaine, cinq jours par semaine, les horaires minimums suivants : 9h15-12h30 et 14h20-20h ; que pour démontrer l'amplitude horaire, elle versait notamment aux débats des courriels qu'elle avait envoyés à des heures tardives (conclusions, p. 29 et 30) ; qu'elle indiquait précisément la durée hebdomadaire de travail qu'elle disait avoir réalisée et produisait aux débats des éléments de preuve pour l'étayer ; qu'en ces circonstances, il importait peu qu'elle ait restreint ses demandes d'heures supplémentaires à hauteur de 10 heures par mois dès lors qu'elle n'en indiquait pas moins les horaires précis qu'elle soutenait avoir effectués chaque mois ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2/ ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE Mme [L] soutenait expressément qu'elle avait dû accomplir des horaires déraisonnables tant en raison de l'impréparation de l'employeur dans l'organisation de sa promotion que du sous-effectif criant dont souffrait le service auquel elle avait été affectée (conclusions, p. 6 et 7) ; qu'en retenant pourtant que l'exposante ne s'expliquait pas sur la nécessité et le lieu de l'envoi tardif des courriels litigieux, sans rechercher si cette nécessité ne résultait pas de la désorganisation de l'employeur, rendant inutile la recherche du lieu d'envoi de ces courriels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [L] fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté sa demande tendant à ce que la société Rue du Commerce soit condamnée à lui payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; qu'en l'espèce, Mme [L] sollicitait la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice consécutif au manquement de l'employeur à son obligation de respecter les durées maximales de travail et les durées minimales de repos (conclusions, p. 32) ; que la cour d'appel a considéré que « que les éléments communiqués par la salariée ne sont pas suffisamment précis et fiables pour permettre un débat contradictoire et vérifier ainsi l'existence de l'accomplissement d'heures supplémentaires restées impayées », et « qu'il s'ensuit » qu'il y aurait lieu de la débouter « de ses prétentions relatives aux manquements par l'employeur du respect des durées maximales de travail et minimales de repos journalier qu'elle n'établit pas » (arrêt, p. 7, deux premiers alinéa) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et a violé les articles L. 3121-31, L. 3121-34 et L. 3121-35 du code du travail, ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-26137
Date de la décision : 14/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 déc. 2022, pourvoi n°19-26137


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Delamarre et Jehannin

Origine de la décision
Date de l'import : 20/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.26137
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