LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 21-86.860 F-D
N° 01542
GM
7 DÉCEMBRE 2022
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 DÉCEMBRE 2022
M. [Y] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 18 novembre 2021, qui, pour abus de confiance aggravé, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et trente-six mois d'interdiction de gérer et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [Y] [P], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 28 juin 2019, le tribunal correctionnel a condamné M. [Y] [P] pour abus de confiance par personne recouvrant des fonds ou des valeurs pour le compte de tiers à vingt-quatre mois d'emprisonnement avec sursis et trente-six mois d'interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société et, sur l'action civile, l'a condamné à réparer le préjudice subi par Mme [U], partie civile.
3. M. [P] et le procureur de la République ont relevé appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens et le deuxième moyen pris en ses première et deuxième branches
4. Il ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le deuxième moyen pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. Il critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [P] à une peine de 24 mois d'emprisonnement avec sursis et à l'interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pendant 3 ans, alors « que l'abus de confiance fait encourir à titre de peine complémentaire l'interdiction de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ; qu'en condamnant le prévenu à une interdiction de diriger ou gérer toute entreprise ou société, seraient-elles civiles, la cour d'appel a méconnu les articles 111-3 et 314-10 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 111-3 du code pénal :
6. Selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi.
7. Après avoir déclaré M. [P] coupable d'abus de confiance aggravé, l'arrêt attaqué le condamne, notamment, à l'interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pendant trente-six mois.
8. En prononçant ainsi une interdiction de gérer toute entreprise ou toute société, alors que l'article 314-10 du code pénal, applicable au délit reproché, limite une telle interdiction aux entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
9. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation, qui sera limitée aux dispositions relatives à la peine complémentaire d'interdiction de gérer prononcée, aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 novembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la peine complémentaire d'interdiction de gérer prononcée, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT que l'interdiction de gérer prononcée à titre de peine complémentaire contre M. [P] est limitée à la direction, à l'administration, au contrôle ou à la gestion, directes ou indirectes, d'une entreprise commerciale ou industrielle ou d'une société commerciale ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept décembre deux mille vingt-deux.