Copies exécutoires délivrées aux parties le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2021
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/13329 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEB6P
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2021 -Juge de l'exécution de BOBIGNY - RG no19/12977
APPELANTE
S.C.I. AetL IMMO
[Adresse 3]
[Localité 6]
No SIRET : 524 044 609 00021
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Denis HUBERT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Elise BARANIACK de la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB 173
Ayant pour avocat plaidant Me Frédérique LEPOUTRE, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE
Composition de la cour :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Gilles MALFRE, conseiller faisant fonction de président et M. Bertrand GOUARIN, conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Gilles MALFRE, conseiller
M. Bertrand GOUARIN, conseiller
Mme Patricia GRANDJEAN, président de chambre
Greffier lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
Arrêt :
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Gilles MALFRE, conseiller faisant fonction de président et par Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Par jugement du 12 décembre 2014, signifié le 13 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a, notamment, condamné la société civile immobilière AetL Immo (la société civile immobilière) à payer à la Société générale (la banque) la somme de 338 517,67 euros à titre de restitution des sommes prêtées en vertu du prêt conclu entre les parties le 29 août 2010.
Suivant arrêt du 10 novembre 2016, signifié le 13 décembre 2016, la cour d'appel de Versailles a confirmé ce jugement.
En exécution de cette décision, la banque a fait délivrer à la société civile immobilière, le 25 juillet 2019, un commandement de payer valant saisie immobilière, publié le 19 septembre 2019.
Suivant acte d'huissier du 18 novembre 2019, la banque a fait assigner la société civile immobilière devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny aux fins, notamment, de voir ordonner la vente forcée des biens immobiliers appartenant au saisi.
Par jugement du 29 juin 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny a, notamment, mentionné que le montant retenu pour la créance de la banque est de 434 897,07 euros en principal, intérêts, frais et accessoires au 8 février 2019, outre les intérêts postérieurs, ordonné la vente forcée des droits et biens immobiliers visés au commandement, fixé l'audience d'adjudication au 28 septembre 2021 et dit que les dépens seront compris dans les frais taxés de vente.
Selon déclaration du 19 juillet 2021, la société civile immobilière a interjeté appel de cette décision.
Le 26 juillet 2021, l'appelante a été autorisée à faire assigner à jour fixe pour l'audience de la cour d'appel de Paris du 27 octobre 2021.
Par acte d'huissier du 6 août 2021, la société civile immobilière a fait assigner à jour fixe la banque devant cette cour.
Une copie de cette assignation a été remise au greffe de la cour avant la date de l'audience.
Par dernières conclusions du 26 octobre 2021, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de prononcer la nullité de la saisie immobilière, d'en ordonner la mainlevée, de débouter l'intimée de toutes ses demandes et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 22 octobre 2021, la Société générale demande à la cour de déclarer la société civile immobilière mal fondée en son appel et de l'en débouter, déclarer la procédure de saisie immobilière régulière, ordonner en conséquence la vente forcée des biens immobiliers visés au commandement, renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny à l'effet de procéder à l'adjudication des biens immobiliers saisis et condamner l'appelante à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé du litige, il est référé aux dernières écritures des parties.
SUR CE
Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a estimé régulière la signification, le 13 décembre 2016, de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 10 novembre 2016, aux motifs que celle-ci avait été effectuée dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile au [Adresse 4], adresse du siège social de la société civile immobilière mentionnée à cette date au registre du commerce et des sociétés, cette adresse n'ayant été modifiée qu'en 2021 audit registre, que l'huissier instrumentaire avait indiqué les diligences entreprises pour rechercher un nouveau siège social et que le destinataire de cet acte avait antérieurement eu connaissance de cet arrêt, notifié préalablement à son avocat qui avait informé la banque de l'impossibilité pour sa cliente de l'exécuter dans l'immédiat, ce qui excluait tout grief.
L'appelante soutient que la signification de l'arrêt fondant les poursuites est irrégulière en ce que l'huissier instrumentaire s'est contenté de constater que la société civile immobilière n'avait plus son siège à l'adresse indiquée au registre du commerce et des sociétés, qu'aucun transfert de ce siège n'était mentionné audit registre, alors qu'il aurait dû faire signifier cette décision au domicile du gérant de cette société, M. [D], dont l'adresse située [Adresse 2] figurait au registre du commerce et des sociétés à la date du 13 décembre 2016 et était connue du créancier qui lui y avait envoyé une lettre en sa qualité de caution le 8 mars 2016.
Elle conclut à titre principal à l'inexistence de l'acte de signification critiqué et, subsidiairement, à sa nullité.
La société civile immobilière fait valoir qu'il ne saurait être déduit de sa proposition de régler les causes de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 10 novembre 2016 par un paiement échelonné, laquelle a été rejetée par la banque, un quelconque acquiescement à cette décision au sens de l'article 410 du code de procédure civile, ni une exécution volontaire au sens de l'article 503 du même code.
Elle affirme avoir subi un grief de l'irrégularité de la signification de l'arrêt dont l'exécution est poursuivie, consistant pour elle en l'impossibilité de former un recours contre celui-ci.
La banque soutient qu'après avoir constaté que la société civile immobilière n'avait plus son siège à l'adresse indiquée au registre du commerce et des sociétés, l'huissier instrumentaire n'était pas tenu de tenter de signifier la décision en cause au gérant de cette société, que l'appelante ne pouvait se prévaloir de sa propre turpitude consistant à ne pas tenir à jour les mentions figurant audit registre et qu'elle ne justifiait d'aucun grief.
Cependant, selon l'article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement et, à défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir.
En l'espèce, l'arrêt rendu le 10 novembre 2016 par la cour d'appel de Versailles a été signifié à la société civile immobilière le 13 décembre 2016 suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, l'huissier instrumentaire indiquant que le nom de la destinataire ne figurait sur aucune boîte aux lettres, que des voisins lui avaient indiqué que cette société était inconnue à cette adresse et qu'aucun transfert de siège social n'était mentionné au registre du commerce et des sociétés.
En se bornant à constater que la société civile immobilière destinataire de l'acte n'avait plus d'activité ni de lieu d'établissement à l'adresse de son siège social mentionnée au registre du commerce et des sociétés sans effectuer aucune diligence en vue de la signification de l'acte à la personne d'un représentant de cette société dont le nom et l'adresse figuraient audit registre et étaient connus de la banque qui lui avait préalablement adressé une lettre le 8 mars 2019, l'huissier de justice n'a pas valablement signifié l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 10 novembre 2016.
L'acte de signification du 13 décembre 2016 se trouve donc entaché de nullité et non d'inexistence comme prétendu par l'appelante, sans qu'il soit nécessaire d'établir un grief dès lors que la nullité invoquée de l'acte de signification tend à remettre en cause le titre exécutoire dont se prévaut le créancier et constitue une défense au fond, qui tend à contester le caractère exécutoire des décisions de justice servant de fondement aux poursuites.
Ainsi, l'arrêt rendu le 10 novembre 2016 par la cour d'appel de Versailles ne saurait constituer un titre exécutoire au sens des articles L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution et 503 du code de procédure civile, si bien que la procédure de saisie immobilière sera annulée, comme demandé par l'appelante.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
La banque, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité de la procédure de saisie immobilière engagée suivant commandement du 25 juillet 2019 par la Société générale à l'encontre de la société civile immobilière AetL Immo ;
Ordonne la mainlevée de cette saisie immobilière ;
Condamne la Société générale aux dépens de première instance et d'appel ;
Dit n'y avoir lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,