LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 21-86.811 F-D
N° 01475
ECF
30 NOVEMBRE 2022
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 NOVEMBRE 2022
M. [C] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, en date du 23 septembre 2021, qui, pour viols et agressions sexuelles aggravés, incestueux, consultation habituelle de sites présentant des images à caractère pornographique de mineurs, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle et dix ans de suivi socio-judiciaire, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, ampliatif et personnel, et un mémoire en défense ont été produits.
Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [C] [B], les observations de Me Balat, avocat de M. [H] [U] en son nom personnel et en qualité de représentant légal de [G] [U], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par arrêt du 14 novembre 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a renvoyé M. [C] [B] devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes, sous l'accusation de viols et agressions sexuelles sur mineure de quinze ans à caractère incestueux et consultation habituelle de sites présentant des images à caractère pornographique de mineurs.
3. Par arrêt du 4 novembre 2020, cette juridiction a condamné M. [B] à dix-huit ans de réclusion criminelle et cinq ans de suivi socio-judiciaire avec injonction de soins. Par arrêt distinct du même jour, la cour a statué sur les intérêts civils.
4. M. [B] a relevé appel de ces décisions et le ministère public a formé appel incident.
Examen de la recevabilité du mémoire personnel de M. [B]
5. Le mémoire personnel du demandeur, transmis directement à la Cour de cassation et parvenu au greffe le 26 novembre 2021, soit plus d'un mois après la date du pourvoi, formé le 24 septembre 2021, n'est pas, à défaut de dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, recevable au regard de l'article 585-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce que, statuant sur les intérêts civils, il a reçu Mme [X] [T] et M. [H] [U] en leurs constitutions de partie civile en leur noms et ès qualités et a confirmé l'ensemble des dispositions de l'arrêt civil du 4 novembre 2020 rendu par la cour d'assises des Alpes-Maritimes, alors « que la cour d'assises, statuant en appel, procède à un réexamen de l'affaire et doit statuer elle-même sur les demandes qui lui sont faites au titre de l'action civile et ne peut ni confirmer ni infirmer la décision rendue en premier ressort ; qu'en l'espèce la cour d'assises d'appel s'est bornée à confirmer l'ensemble des dispositions de l'arrêt civil rendu le 4 novembre 2020 par la cour d'assises des Alpes-Maritimes violant ainsi les articles 380-1, alinéa 2, et 380-14. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 380-1 et 380-14 du code de procédure pénale :
8. Il résulte des dispositions combinées de ces textes que la cour d'assises, statuant en appel, procède à un réexamen de l'affaire.
9. La cour doit statuer elle-même sur les demandes qui lui sont faites au titre de l'action civile. Elle ne peut ni confirmer ni infirmer la décision rendue en premier ressort, ni renvoyer aux premiers juges l'examen d'une demande sur laquelle ils n'avaient pas définitivement statué.
10. L'arrêt attaqué statuant en appel, sur les demandes en dommages-intérêts formées par Mme [X] [T] et M. [H] [U], parties civiles constituées, en leur nom personnel et en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure [G] [U], a confirmé l'ensemble des dispositions de l'arrêt rendu le 4 novembre 2020, en première instance, par la cour d'assises des Alpes-Maritimes et, y ajoutant, a condamné l'accusé à payer une somme complémentaire à M. [U] en réparation de son préjudice personnel ainsi qu'une indemnité au titre des frais exposés en appel.
11. En confirmant ainsi la décision rendue sur intérêts civils prononcée par la cour d'assises en première instance, la cour d'assises, statuant en appel, a méconnu les textes susvisés.
12. La cassation est, dès lors, encourue.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation ne concernera que les dispositions de l'arrêt civil ayant confirmé l'arrêt civil prononcé par la cour d'assises des Alpes-Maritimes, le 4 novembre 2020. Les autres dispositions civiles de l'arrêt civil, qui ont accordé à M. [U] des indemnités pour le préjudice subi depuis le prononcé de la première décision et une somme sur le fondement de l'article 375 du code de procédure pénale pour les frais qu'il a exposés en cause d'appel, seront maintenues. Elles ne sont pas contestées par le moyen et satisfont aux exigences de l'article 380-6 du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, en date du 23 septembre 2021, mais en ses seules dispositions ayant confirmé la décision prononcée le 4 novembre 2020 relatives aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente novembre deux mille vingt-deux.