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30/11/2022 | FRANCE | N°21-85698

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 novembre 2022, 21-85698


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° J 21-85.698 F-D

N° 01482

ECF
30 NOVEMBRE 2022

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 NOVEMBRE 2022

MM. [P] [I] [V] et [Z] [F] [I] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 9 septembre 2021

, qui a condamné, le premier, pour destruction par un moyen dangereux, à trois ans d'emprisonnement, le second, pour compli...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° J 21-85.698 F-D

N° 01482

ECF
30 NOVEMBRE 2022

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 NOVEMBRE 2022

MM. [P] [I] [V] et [Z] [F] [I] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 9 septembre 2021, qui a condamné, le premier, pour destruction par un moyen dangereux, à trois ans d'emprisonnement, le second, pour complicité de ce délit, à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire commun aux demandeurs a été produit.

Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [P] [I] [V] et M. [Z] [F] [I], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Un incendie s'est déclaré, le 28 février 2019, dans un garage exploité par M. [P] [I] [V] et son fils, M. [Z] [F] [I].

3. Tous deux ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel, le premier, pour incendie volontaire, le second, pour complicité de ce délit.

4. Par jugement du 28 mars 2019, ils ont été relaxés.

5. Le ministère public et les parties civiles ont relevé appel.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur les troisième et quatrième moyens

Enoncé des moyens

7. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [F] [I] à une peine de deux ans d'emprisonnement dont un an assorti du sursis simple et a ordonné, à titre de peine complémentaire, la confiscation des scellés, alors :

« 1°/ que les juges ne peuvent prononcer une peine d'emprisonnement ferme que pour autant qu'une telle mesure s'avère indispensable au regard de la gravité des faits, de la personnalité du prévenu et de sa situation personnelle, familiale et sociale ; que, pour condamner M. [F] [I] à une peine de deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis simple et ordonner, à titre de peine complémentaire, la confiscation des scellés, la cour d'appel a, après avoir relevé qu'il déclarait travailler et qu'il avait fait l'objet d'une condamnation pour violences en réunion ayant entraîné une ITT de moins de huit jours, avant les faits visés à la prévention, a considéré que la gravité des faits et une « personnalité inquiétante » du prévenu justifiaient une peine en partie ferme ; que, faute d'avoir précisé si la condamnation pour des faits antérieurs qu'elle relevait était définitive, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-19 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'après avoir décidé de prononcer une peine de deux ans d'emprisonnement dont un an assorti du sursis simple, la cour d'appel a estimé n'être pas en mesure d'aménager la peine d'emprisonnement ferme ; que, si elle estimait n'être pas en possession d'éléments suffisants sur la situation du prévenu, il lui appartenait d'interroger celui-ci, présent à l'audience, afin d'obtenir ces éléments pour apprécier si un aménagement de sa peine pouvait être prononcé et, le cas échéant, d'ordonner des investigations complémentaires sur ceux-ci, en précisant quels éléments lui manquaient ; que faute de l'avoir fait, la cour d'appel a violé les articles 132-19 et 132-70-1 du code pénal ;

3°/ qu'en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction ; qu'en ordonnant la confiscation des scellés à titre de peine complémentaire, sans préciser quel était l'objet des scellés et en quoi une telle confiscation s'imposait, ne permettant pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 et 131-21, 322-15-1 du code pénal et 485-1 du code de procédure pénale. »

8. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [I] [V] à une peine de trois ans d'emprisonnement et a ordonné, à titre de peine complémentaire, la confiscation des scellés, alors :

« 1°/ que les juges ne peuvent prononcer une peine d'emprisonnement ferme que pour autant qu'une telle mesure s'avère indispensable au regard de la gravité des faits, de la personnalité du prévenu et de sa situation personnelle, familiale et sociale ; que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; que, pour condamner M. [I] [V] à une peine de trois ans d'emprisonnement ferme et ordonner, à titre de peine complémentaire, la confiscation des scellés, la cour d'appel a, après avoir relevé que le prévenu mentionnait être à la retraite et qu'il avait déjà fait l'objet de deux condamnations pour des violences et destructions de biens pour des faits antérieurs aux faits visés à la prévention, malgré l'absence de mention au casier judiciaire au moment des faits, la cour d'appel a considéré que les faits étaient d'une particulière gravité et que « [P] [I] [V], dans sa posture de déni, ne semble pas avoir intégré la Loi au vu de son attitude récurrente à l'égard des propriétaires du local loué par sa société », estimant toute autre peine inadéquate ; que, faute d'avoir précisé si la condamnation pour des faits antérieurs qu'elle relevait était définitive, permettant d'apprécier la personnalité du prévenu, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-19 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction ; que la cour d'appel qui a ordonné la confiscation des scellés, sans préciser quel était l'objet des scellés et en quoi une telle confiscation s'imposait, elle n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 et 131-21, 322-15-1 du code pénal et 485-1 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Les moyens sont réunis.

Sur les troisième et quatrième moyens, pris en leur première branche

10. Pour condamner M. [I] [V] à trois ans d'emprisonnement, la cour d'appel relève que, si son casier judiciaire ne mentionnait aucune condamnation à la date des faits, l'intéressé a été condamné en appel, le 17 décembre 2020, d'une part, à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des violences en réunion ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours, commises le 24 avril 2017, d'autre part, à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour des dégradations commises le 22 janvier 2019 et s'inscrivant dans le différend qui l'opposait aux propriétaires des murs de son garage.

11. Pour condamner M. [F] [I] à deux ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis, la cour d'appel retient que, si son casier judiciaire ne mentionnait aucune condamnation à la date des faits, l'intéressé a été condamné en appel, le 17 décembre 2020, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, pour des violences en réunion ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours, commises le 24 avril 2017.

12. En cet état, si la cour d'appel n'a pas constaté que les condamnations ainsi prononcées contre les demandeurs, le 17 décembre 2020, avaient un caractère définitif, l'absence de cette indication dans la décision entreprise ne leur a pas fait grief, dès lors qu'ils ne soutiennent pas, à l'appui de leur pourvoi, que ces condamnations n'étaient pas définitives à la date du prononcé de l'arrêt attaqué.

13. Le grief ne peut donc être accueilli.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Vu les articles 132-19 et 132-25 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale :

14. Il résulte de ces textes que si la peine d'emprisonnement ferme est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an au sens de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, son aménagement est le principe et le juge ne peut l'écarter que s'il constate que la situation ou la personnalité du condamné ne permettent pas son prononcé ou s'il relève une impossibilité matérielle de le faire. Dans ce cas, le juge doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.

15. Il s'ensuit que le juge ne peut refuser d'aménager la peine au motif qu'il ne serait pas en possession d'éléments lui permettant d'apprécier la mesure d'aménagement adaptée ; dans ce cas, il doit ordonner, d'une part, l'aménagement de la peine, d'autre part, la convocation du prévenu devant le juge de l'application des peines qui déterminera cette mesure, en application de l'article 464-2, I, 1° et 2°, du code de procédure pénale.

16. Pour ne pas aménager la partie ferme de la peine prononcée à l'égard de M. [F] [I], la cour d'appel, après avoir énoncé que les faits revêtent une particulière gravité en raison de la dangerosité de cet incendie dans un garage comportant des produits inflammables ou explosifs, que le casier judiciaire de l'intéressé ne comporte, à la date des faits, aucune condamnation, mais que ce dernier a été condamné par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Metz, le 17 décembre 2020, à deux mois d'emprisonnement assorti du sursis, pour violences en réunion ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à huit jours, commises le 24 avril 2017, qu'il déclare exercer la profession de mécanicien et carrossier au Luxembourg, rémunérée à hauteur de 2 200 euros par mois, qu'il a été le soutien indéfectible de son père de la commission des faits jusqu'à l'audience devant la cour d'appel, et que toute autre peine que celle de deux ans d'emprisonnement dont un an assorti du sursis simple est manifestement inadéquate au regard de la gravité des faits et de la personnalité inquiétante du condamné, relève qu'elle n'est pas en mesure, au terme des débats, d'ordonner un tel aménagement.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

18. En effet, dès lors que la cour d'appel estimait que ni la situation ou la personnalité du condamné, ni une impossibilité matérielle empêchaient l'aménagement de la peine, il lui appartenait, d'une part, de l'ordonner explicitement, dans son principe, et, d'autre part, soit de déterminer la forme de cet aménagement si elle obtenait les éléments d'appréciation nécessaires à cette fin, en interrogeant le prévenu présent à l'audience, soit, dans le cas inverse, d'ordonner sa convocation devant le juge de l'application des peines pour qu'il en règle les modalités conformément aux dispositions de l'article 464-2, I, 1° et 2°, précité.

19. D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef.

Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, ainsi que sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche

Vu les articles 131-21 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale :

20. Selon le premier de ces textes, la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. La confiscation porte alors sur les biens qui ont servi à commettre l'infraction, ou étaient destinés à la commettre, et sur ceux qui sont l'objet ou le produit de l'infraction, et ne peuvent être restitués. Si la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné.

21. Selon le deuxième, en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction. Il en résulte qu'à l'exception de ces cas, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.

22. Selon le troisième, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

23. L'arrêt attaqué se borne à ordonner la confiscation des scellés sans énoncer le fondement, la nécessité et les motifs de cette peine complémentaire, ni préciser la nature et l'origine des objets placés sous scellés dont la confiscation est ordonnée.

24. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision.

25. La cassation est, par conséquent, de nouveau encourue.

Portée et conséquences de la cassation

26. La cassation ne concernera que la peine prononcée à l'égard de M. [F] [I] et la peine de confiscation, toutes autres dispositions de l'arrêt étant expressément maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 9 septembre 2021, mais en ses seules dispositions concernant la peine prononcée à l'égard de M. [F] [I], et la mesure de confiscation, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente novembre deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-85698
Date de la décision : 30/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 09 septembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 nov. 2022, pourvoi n°21-85698


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.85698
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