La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2022 | FRANCE | N°21-17974

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 30 novembre 2022, 21-17974


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 novembre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 827 F-D

Pourvoi n° W 21-17.974

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022

Mme [E] [R], domiciliée [Adresse 1], a formé l

e pourvoi n° W 21-17.974 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 novembre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 827 F-D

Pourvoi n° W 21-17.974

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022

Mme [E] [R], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-17.974 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [C] [X],

2°/ à M. [N] [X],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [R], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. et Mme [X], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 18 mars 2021), M. et Mme [P] sont propriétaires d'une maison d'habitation qui jouxte la propriété de Mme [R], les deux fonds étant séparés par un mur mitoyen.

2. Se plaignant de nuisances occasionnées par un marronnier [D], âgé de cent cinquante ans, planté sur la propriété voisine, dont les branches dépassaient sur leur propriété, M. et Mme [P] ont exercé une action sur le fondement de l'article 673 du code civil et du trouble anormal du voisinage pour obtenir la condamnation de Mme [R] à l'élagage de cet arbre et au paiement de dommages et intérêts.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. Mme [R] fait grief à l'arrêt de la condamner à élaguer le marronnier [D], alors « que l'article 673 n'étant pas d'ordre public, les prérogatives qu'il offre au propriétaire du fonds sur lequel dépassent les branches de l'arbre situé sur le fonds du voisin peuvent être limitées par différents dispositifs légaux qui visent notamment à protéger l'environnement ; qu'en l'espèce, Mme [Y] a soutenu que « le règlement du plan local d'urbanisme de [Localité 3] (?) dispose que les arbres répertoriés ne peuvent être supprimés ou modifiés que pour des raisons sanitaires ou dans le cadre d'un projet d'aménagement qualitatif portant sur un ensemble paysager cohérent (parcelle , domaine) » et que « l'arbre litigieux figure en planche 12 de l'annexe « patrimoine de [Localité 3] » ; qu'en affirmant dès lors qu'« à défaut d'un commun accord ou d'un classement particulier au sens du code de l'urbanisme, aucune restriction ne peut être apportée au droit d'élagage issu de l'article 673 du code civil », sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si le classement du marronnier litigieux dans le PLU en tant qu'arbre remarquable n'avait pas vocation à le faire bénéficier d'une protection, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 151-19 et L. 151-23 du code de l'urbanisme, et 673 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L.151-23 du code de l'urbanisme et l'article 673 du code civil :

5. Il résulte du premier de ces textes que le règlement du plan local d'urbanisme peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation.

6. Il résulte du second que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper et que ce droit est imprescriptible.

7. Pour dire qu'aucune restriction ne peut être apportée au droit d'élagage de M. et Mme [P], l'arrêt retient que les deux plans de la commune de [Localité 3] produits par Mme [R] ne constituent pas une preuve suffisante d'un classement particulier de l'arbre au plan local d'urbanisme.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, s'il ne résultait pas du règlement du plan local d'urbanisme auquel les plans étaient annexés une protection spécifique accordée au marronnier identifié comme arbre isolé remarquable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [R] à élaguer le marronnier [D] dans le délai de douze mois à compter de la signification de l'arrêt et dans le futur, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour Mme [R]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [Y] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à élaguer le marronnier [D] et les branches qui dépassent sur la propriété de M. et Mme [X] dans un délai de 12 mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai ;

1°) ALORS QUE le juge doit se placer à la date à laquelle il statue pour trancher le litige ; qu'en l'espèce, Mme [Y] a produit, en cause d'appel, des plans annexés au PLU de la ville de [Localité 3] datés du mois de septembre 2019 desquels il résultait que l'arbre litigieux avait fait l'objet d'un classement au PLU de Grand [Localité 3] en tant qu'« arbre remarquable » ; qu'en se fondant dès lors sur un mail du 25 février 2019 de la direction de l'urbanisme de la ville de Poitiers pour retenir qu'« à cette date, il [l'arbre] n'était pas classé », quand il importait de savoir si, au jour où elle statuait, l'arbre avait fait l'objet d'un classement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 151-19 et L. 151-23 du code de l'urbanisme, et 673 du code civil ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, Mme [Y] a régulièrement versé aux débats (pièce n°36) le PLU de septembre 2019 et ses annexes constituées par des plans faisant apparaître le classement de l'arbre litigieux au PLU de la ville de [Localité 3] ; qu'en tant qu'annexes au PLU, ces plans en faisaient partie intégrante ; qu'en énonçant dès lors que « ces plans ne constituent pas une preuve suffisante d'un classement au plan local d'urbanisme », la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

3°) ALORS QUE l'article 673 n'étant pas d'ordre public, les prérogatives qu'il offre au propriétaire du fonds sur lequel dépassent les branches de l'arbre situé sur le fonds du voisin peuvent être limitées par différents dispositifs légaux qui visent notamment à protéger l'environnement ; qu'en l'espèce, Mme [Y] a soutenu que « le règlement du plan local d'urbanisme de [Localité 3] (?) dispose que les arbres répertoriés ne peuvent être supprimés ou modifiés que pour des raisons sanitaires ou dans le cadre d'un projet d'aménagement qualitatif portant sur un ensemble paysager cohérent (parcelle , domaine) » et que « l'arbre litigieux figure en planche 12 de l'annexe « patrimoine de [Localité 3] » (concl. d'appel p. 8 et 9) ; qu'en affirmant dès lors qu'« à défaut d'un commun accord ou d'un classement particulier au sens du code de l'urbanisme, aucune restriction ne peut être apportée au droit d'élagage issu de l'article 673 du code civil », sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si le classement du marronnier litigieux dans le PLU en tant qu'arbre remarquable n'avait pas vocation à le faire bénéficier d'une protection, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 151-19 et L. 151-23 du code de l'urbanisme, et 673 du code civil ;

4°) ALORS QU'ENFIN Mme [Y] a fait valoir, pièces à l'appui, que « la santé de l'arbre sera mise en péril par l'élagage de son volume total d'un tiers à un quart »(conclusions d'appel p. 7) ; qu'à cet égard, tout en admettant que compte tenu de son caractère exceptionnel et de ses caractéristiques (« essences anciennes et majestueuses »), le marronnier ne pouvait pas subir une « taille drastique », la cour d'appel a constaté que « les branches du marronnier litigieux s'étendent sur la propriété des époux [X] » (arrêt p. 5) et qu'elles « empiètent largement » sur leur propriété (jugement p. 5) ; qu'en condamnant dès lors Mme [Y] à faire élaguer le marronnier [D] et les branches dépassant sur la propriété des époux [X], sans établir que cet élagage ne conduisait pas à une taille drastique de l'arbre remarquable, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 151-19 et L.151-23 du code de l'urbanisme, et 673 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Mme [Y] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer aux époux [X] la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement du trouble anormal de voisinage ;

1°) ALORS QUE le trouble doit, pour engendrer la responsabilité de son auteur, être « anormal » ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour retenir l'existence d'un trouble anormal de voisinage, à relever que « les feuilles et fleurs du marronnier tombent en abondance sur la toiture des époux [X] » (arrêt p. 7), la cour d'appel n'a pas caractérisé l'anormalité du trouble et, partant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du Code civil, ensemble le principe suivant lequel nul ne doit pas causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;

2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Mme [Y] a fait valoir que les époux [X] avaient « sciemment acquis leur maison il y a une quarantaine d'années, auprès d'un arbre centenaire », de sorte que « reprocher en 2018 un trouble de voisinage à leur énième voisine relève de l'intention de nuire » (concl. p. 10) ; qu'après avoir admis que lors de l'achat de leur propriété, les époux [X] « ont pu appréhender la présence de cet arbre au volume considérable, âgé d'une centaine d'années avec les conséquences inhérentes », la cour d'appel a cependant retenu l'existence d'un trouble anormal de voisinage constitué par la chute abondante des feuilles et des fleurs sur la toiture de leur bien ; qu'en statuant de la sorte, sans répondre au moyen tiré de ce que l'allégation d'un trouble anormal de voisinage sans aucune manifestation en ce sens depuis 40 ans relevait de l'intention de nuire, circonstance exclusive de l'existence et, a fortiori, de l'anormalité du trouble allégué, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-17974
Date de la décision : 30/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 18 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 30 nov. 2022, pourvoi n°21-17974


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.17974
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award