LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 novembre 2022
Cassation
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1282 F-D
Pourvoi n° K 21-17.849
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 NOVEMBRE 2022
M. [K] [B] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-17.849 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à l'association BTP CFA Centre, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller doyen, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association BTP CFA Centre, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, M. Rouchayrole, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 janvier 2021), M. [V] a été engagé à compter du 22 février 2016 en qualité d'animateur par l'association BTP CFA Centre (l'association) suivant contrat à durée déterminée de remplacement de M. [E], animateur, absent pour congé individuel de formation. La relation contractuelle a pris fin le 16 décembre 2016.
2. Le 6 mars 2017, M. [V] a saisi la juridiction prud'homale à l'effet de contester la régularité de la rupture de son contrat et d'obtenir paiement de dommages-intérêts de ce chef.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts et de le condamner au paiement d'une indemnité de procédure et aux dépens, alors « que le contrat de travail à durée déterminée conclu pour remplacer un salarié absent ne prend fin qu'au retour de ce salarié ou au terme autrement fixé dans le contrat de travail ; que l'employeur ne peut mettre un terme anticipé au contrat de travail à durée déterminée au regard du retour prévu ou prévisible de l'employé remplacé qui ne reprend pas son poste ; qu'en disant que si le salarié remplacé, Monsieur [E], n'a pas repris son poste comme prévu le 2 janvier 2017, l'employeur était néanmoins bien fondé à mettre fin au contrat de travail dès le 16 décembre 2016, en raison de la période de congés de fins d'années et du retour prévisible de Monsieur [E] le 2 janvier 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1242-7 et L. 1243-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1242-7 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
4. Selon ce texte, le contrat de travail à durée déterminée comporte un terme fixé avec précision dès sa conclusion. Il peut, toutefois, ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu dans un cas de remplacement d'un salarié absent. Le contrat de travail à durée déterminée est alors conclu pour une durée minimale. Il a pour terme la fin de l'absence de la personne remplacée ou la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu.
5. Pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt, constate d'abord qu'il ressort du contrat à durée déterminée que le salarié était embauché à compter du 22 février 2016 pour une durée minimale expirant le 15 novembre 2016, afin d'assurer le remplacement temporaire de M. [E], animateur, absent pour congé individuel de formation et que si l'absence de ce dernier se prolongeait au-delà de la durée minimale prévue par l'engagement, celui-ci se poursuivrait jusqu'à la date du retour de l'intéressé qui constituerait le terme automatique de cet engagement. Il relève, ensuite, qu'après avoir été en congé formation du 22 février 2016 au 15 novembre 2016, M. [E] a posé des congés jusqu'au 1er janvier 2017, son retour étant prévu le 2 janvier 2017. Il ajoute que compte tenu de son activité, l'établissement au sein duquel étaient exercées les fonctions d'animateur devait fermer durant les congés de fin d'année, à compter du 16 décembre 2016 et jusqu'au 1er janvier 2017. Il conclut que les conditions objectives ayant présidé à la conclusion du contrat à durée déterminée n'étaient à cette date plus réunies et en déduit que l'employeur, qui pensait pouvoir compter sur le retour de M. [E] le 2 janvier 2017, était légitime à mettre fin au contrat du salarié le 16 décembre 2016, ledit contrat étant parvenu à son terme.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que le contrat de travail à durée déterminée, conclu pour remplacer le salarié absent pour congé individuel de formation, s'était poursuivi au-delà de la durée minimale prévue par l'engagement, ce dont il résultait qu'il avait pour terme la fin de l'absence du salarié remplacé, d'autre part, qu'à la date de rupture du contrat, le salarié remplacé n'avait pas repris son poste, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne l'association BTP CFA Centre aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association BTP CFA Centre et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. [V]
Monsieur [K] [B] [V] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de l'intégralité de ses demandes, outre condamnation aux frais irrépétibles et dépens ;
Alors que 1°) le contrat de travail à durée déterminée conclu pour remplacer un salarié absent ne prend fin qu'au retour de ce salarié ou au terme autrement fixé dans le contrat de travail ; que l'employeur ne peut mettre un terme anticipé au contrat de travail à durée déterminée au regard du retour prévu ou prévisible de l'employé remplacé qui ne reprend pas son poste ; qu'en disant que si le salarié remplacé, Monsieur [E], n'a pas repris son poste comme prévu le 2 janvier 2017, l'employeur était néanmoins bienfondé à mettre fin au contrat de travail dès le 16 décembre 2016, en raison de la période de congés de fins d'années et du retour prévisible de Monsieur [E] le 2 janvier 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1242-7 et L. 1243-5 du code du travail ;
Alors que 2°) le contrat de travail à durée déterminée conclu pour remplacer un salarié absent ne prend fin qu'au retour de ce salarié ou au terme autrement fixé dans le contrat de travail ; que si le contrat de travail prévoit un terme indéterminé par le retour du salarié remplacé, le contrat doit se poursuivre en cas de prolongation de l'absence de ce salarié, quelle que la cause de cette nouvelle absence ; qu'en l'espèce, le contrat de travail à durée déterminée conclu avec Monsieur [V] stipulait que si le salarié remplacé ne revient pas à la date fixée, le contrat se poursuit « jusqu'à la date de retour de l'intéressé qui constitue le terme automatique de cet engagement » ; qu'il est constant que Monsieur [E] n'est revenu ni au terme initial expirant le 15 novembre 2016, ni le 2 janvier 2017 à l'issue de ses congés ; qu'en considérant que l'employeur pouvait mettre un terme au contrat le 16 décembre 2016 et proposer un nouveau contrat à durée déterminée aux fins de remplacement du salarié malade à terme fixé au 2 février 2017, la cour d'appel a violé l'article 1134 (antérieur à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, désormais article 1103) du code civil, ensemble les articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1242-7 et L. 1243-5 du code du travail.