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30/11/2022 | FRANCE | N°20-23680

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 novembre 2022, 20-23680


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 novembre 2022

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1286 F-D

Pourvoi n° C 20-23.680

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 NOVEMBRE 2022

Mme [M] [J], domiciliée [Ad

resse 2], a formé le pourvoi n° C 20-23.680 contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 novembre 2022

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1286 F-D

Pourvoi n° C 20-23.680

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 NOVEMBRE 2022

Mme [M] [J], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 20-23.680 contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Roy-Massel et Soyer, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [J], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Roy-Massel et Soyer, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Lecaplain-Morel, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 septembre 2020), Mme [J] a été engagée le 3 septembre 2007 par la société Ghyoot et Roy-Massel en qualité de clerc d'huissier de justice, aux droits de laquelle se trouve la société Roy-Massel et Soyer.

2. Licenciée le 27 mars 2012, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre des heures supplémentaires et de l'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en considérant, pour débouter Mme [J] de ses demandes, que le décompte récapitulatif établi semaine après semaine, mois après mois de ces heures entre 2007 et 2010, ainsi que les calendriers annuels qu'elle produisait, étaient insuffisamment précis dans la mesure où ils ne fournissaient aucune information sur les horaires effectivement réalisés par la salariée (heures de début ou de fin d'activité et pauses méridiennes), quand il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en produisant un élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a en réalité fait peser sur la seule salariée la charge de la preuve des heures supplémentaires, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient qu'elle produit des attestations de deux autres anciens salariés de l'étude ainsi que des copies de constats qu'elle soutient avoir réalisés à domicile et des plannings annuels couvrant toute la période d'exécution du travail, sur lesquels est détaillé le nombre d'heures supplémentaires effectuées. Il relève que l'employeur produit en réponse un avenant au contrat de la salariée sur lequel figurent ses heures de fin de travail, le contrat de travail d'un autre salarié sur lequel figurent ses heures de fin de travail ainsi que des attestations d'autres salariés de l'étude, une facture de professionnels du déménagement relative au déménagement de l'étude, des calendriers résumant les périodes de congés de la salariée et de deux autres salariés de l'étude, des agendas 2009 et 2010 comportant les dates des audiences « sdr » (saisie des rémunérations).

9. L'arrêt énonce qu'en l'état des pièces produites de part et d'autre, force est de constater que, s'agissant des heures supplémentaires réalisées au-delà de 17h00 par la salariée, les témoins, qui ne revendiquent pas dans leurs témoignages être eux-mêmes restés à l'étude au-delà de leurs propres horaires contractuels, quittaient l'étude à 17h00 et au plus tard à 17h30 certaines semaines, ne pouvaient donc pas avoir assisté aux faits rapportés.

10. Il ajoute, d'une part, que s'agissant des heures supplémentaires réalisées chaque mercredi d'absence de l'associée, l'employeur, qui admet seulement que la salariée était venue à l'étude un mercredi unique en 2009 afin d'ouvrir le courrier, démontre que les deux témoins n'avaient pu matériellement constater que celle-ci travaillait à l'étude les mercredis pendant les congés d'été de l'huissier associée, d'autre part, que les constats produits ne révèlent pas qu'ils auraient été réalisés au domicile de la salariée et non à l'étude et que la charge de travail de la salariée était disproportionnée, tout en lui imposant de prolonger son travail à domicile, enfin, que les calendriers annuels produits par la salariée, manifestement établis pour les besoins de la procédure et non au jour le jour tout au long de la relation de travail, ne sont aucunement explicites puisque la salariée n'y mentionne pas les heures de début ou de fin d'activité, ni la déduction des pauses méridiennes. Il écarte encore les deux témoignages aux motifs qu'ils ne sont corroborés par aucun élément matériel et sont contredits par les attestations versées aux débats par l'employeur.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de Mme [J] tendant à la condamnation de la société Roy-Massel et Soyer en paiement de la somme de 10 040,45 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, y compris les congés payés afférents, outre la somme de 16 752 euros de dommages-intérêts au titre du travail dissimulé, l'arrêt rendu le 23 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Roy-Massel et Soyer aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Roy-Massel et Soyer et la condamne à payer à Mme [J] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme [J]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [J] fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir rejeté sa demande au titre des heures supplémentaires et de l'indemnité au titre d'un travail dissimulé,

1°) Alors que, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.; qu'en considérant, pour débouter Mme [J] de ses demandes, que le décompte récapitulatif établi semaine après semaine, mois après mois de ces heures entre 2007 et 2010, ainsi que les calendriers annuels qu'elle produisait, étaient insuffisamment précis dans la mesure où ils ne fournissaient aucune information sur les horaires effectivement réalisés par la salariée (heures de début ou de fin d'activité et pauses méridiennes), quand il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en produisant un élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a en réalité fait peser sur la seule salariée la charge de la preuve des heures supplémentaires, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°) Alors que, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en énonçant, pour débouter Mme [J] de ses demandes, que les décomptes et calendriers annuels qu'elle produisait n'étaient pas explicites puisque la salariée n'y mentionnait pas les heures de début ou de fin d'activité ni la déduction des pauses méridiennes, quand cette dernière produisait également son contrat de travail qui mentionnait ses horaires de travail en sorte que la cour d'appel disposait de l'ensemble des éléments utiles à l'appréciation de l'amplitude horaire de la salariée, l'employeur devant alors produire en réfutation un élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail, ensemble, l'article 1315 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Mme [J] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait dit qu'elle avait été victime d'un harcèlement moral de la part de la SCP Ghyoot et Roy-Massel devenue la SCP Roy-Massel et Soyer, en ce qu'il avait dit que le licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement notifié le 27 mars 2012 était nul, et en ce qu'il avait condamné la SCP Ghyoot et Roy-Massel devenue la SCP Roy-Massel et Soyer à paiement de dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral et de la perte illicite de son emploi, et d'avoir rejeté ses demandes de ces chefs ;

Alors que, les juges du fond doivent répondre aux conclusions des parties ; qu'en jugeant que Mme [J] n'avait pas fait l'objet d'un harcèlement moral et que son inaptitude n'était pas liée au comportement harcelant de son employeur sans répondre à ses écritures (conclusions récapitulatives d'appel, p.11 à 13) par lesquelles elle justifiait de ce que la SCP Ghyoot et Roy-Massel devenue la SCP Roy-Massel et Soyer avait systématiquement payé avec retard ses salaires pendant ses congés maladie, après que son époux ou elle-même en réclame le paiement, ce qui était une manifestation supplémentaire de sa volonté de lui nuire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-23680
Date de la décision : 30/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 23 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 nov. 2022, pourvoi n°20-23680


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.23680
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