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24/11/2022 | FRANCE | N°21-17410

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 novembre 2022, 21-17410


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2022

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1202 F-D

Pourvoi n° G 21-17.410

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022

Mme [H] [V], épouse [K], domiciliée [Adresse 1], a formé

le pourvoi n° G 21-17.410 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la s...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2022

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1202 F-D

Pourvoi n° G 21-17.410

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022

Mme [H] [V], épouse [K], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-17.410 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], aux droits de laquelle vient la société Cardif IARD, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de Mme [V], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société BNP Paribas, et après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 6 avril 2021), et les productions, Mme [V] a souscrit, en juillet 2011, un contrat d'assurance habitation auprès de la société BNP Paribas, aux droits de laquelle vient la société Cardif IARD (l'assureur), pour sa maison d'habitation située à [Localité 3] (03). La prime annuelle était payable par fractions mensuelles.

2. Un incendie s'est déclaré, le 17 octobre 2015, dans cette maison et Mme [V] a sollicité la prise en charge du sinistre par l'assureur qui a refusé sa garantie au motif que son contrat d'assurance était résilié, en raison d'un défaut de paiement des primes.

3. Mme [V], estimant que la résiliation unilatérale du contrat d'assurance revêtait un caractère illicite et que la garantie du sinistre lui était acquise, a assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance afin, notamment, qu'il soit condamné à prendre en charge le coût de la remise en état du bien sinistré.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [V] fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes alors « qu'une mise en demeure régulière au sens de l'article L.113-3 du code des assurances doit permettre à l'assuré de comprendre à quoi correspondent les sommes qui lui sont réclamées ; que, au cas présent, il ressort de l'arrêt attaqué que l'assureur demandait dans la mise en demeure paiement de l'échéance de juillet 2014, mais que la somme réclamée (83,90 euros) ne correspondait ni à la somme indiquée pour juillet 2014 sur l'échéancier, ni à la somme prélevée par l'assureur à cette date, ni à la différence entre le montant porté sur l'échéancier et la somme réellement prélevée ; qu'en retenant néanmoins que l'assureur avait régulièrement résilié le contrat le 18 avril 2015, après expiration du délai de 40 jours rappelé dans la lettre de mise en demeure, la cour d'appel a violé l'article L.113-3 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 113-3 du code des assurances :

6. Il résulte de ce texte qu'à défaut de paiement d'une prime ou d'une fraction de prime, dans les dix jours de son échéance, la garantie peut être suspendue trente jours après la mise en demeure de l'assuré. L'assureur a le droit de résilier le contrat dix jours après l'expiration de ce délai de trente jours et, en cas de fractionnement de la prime annuelle, le contrat non encore résilié reprend pour l'avenir ses effets, à midi le lendemain du jour où ont été payées à l'assureur les fractions de prime ayant fait l'objet de la mise en demeure.

7. Pour débouter Mme [V] de l'intégralité de ses demandes, l'arrêt constate que la prime annuelle du contrat d'assurance habitation, qui arrivait à échéance le 30 juin de chaque année, était fractionnée en échéances mensuelles.

8. L'arrêt énonce que par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 février 2015, l'assureur a mis en demeure Mme [V] de lui payer la somme de 83,90 euros en règlement de l'échéance du 1er juillet 2014, en l'informant qu'à défaut du règlement de cette somme dans le délai de 30 jours, les garanties seraient suspendues et que, passé le délai de 40 jours, le contrat serait résilié.

9. L'arrêt relève ensuite que Mme [V] produit un extrait de son relevé de compte qui retranscrit, à la date du 4 juillet 2014, un prélèvement d'un montant de 45,23 euros au profit de l'assureur, au lieu de la somme de 84,83 euros, telle qu'elle ressortait de l'échéancier du 8 mai 2014.

10. L'arrêt relève encore que Mme [V] verse aux débats un historique des prélèvements qui mentionne quatre rejets de prélèvement de la « cotisation » mensuelle, les 6 et 23 février 2015, puis les 6 et 23 mars 2015.

11. Il constate que l'assureur a informé Mme [V], le 17 avril 2015, de ce que le contrat était résilié pour non paiement à effet du 18 avril 2015 à 0h00, et qu'entre la lettre de mise en demeure et le sinistre, l'assurée n'a ni versé de cotisation ni pris contact avec l'assureur pour lui indiquer qu'elle ne comprenait pas le montant réclamé en juillet 2014.

12. Il retient que Mme [V] n'a pas versé la somme de 83,90 euros réclamée dans la mise en demeure au titre de la cotisation annuelle 2014-2015 et qu'elle n'a pas honoré cinq échéances, pour un montant total de 209,75 euros. Il en déduit que l'assureur a régulièrement résilié le contrat le 18 avril 2015, à l'expiration du délai de 40 jours rappelé dans la lettre de mise en demeure.

13. En statuant ainsi, sans constater que la somme présentée par l'assureur comme impayée au titre du mois de juillet 2014, objet de la mise en demeure du 27 février 2015 prévue à l'article L. 113-3 du code des assurances, qui avait été partiellement honorée le 4 juillet 2014, constituait en son intégralité une fraction de la prime annuelle due au titre de l'année correspondante, et alors qu'elle ne pouvait se fonder, pour rejeter la demande de garantie, sur l'absence de paiement de fractions de primes pour lesquelles aucune mise en demeure n'avait été adressée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

14. Mme [V] fait le même grief à l'arrêt alors « que l'assureur est débiteur d'une obligation d'information à l'égard de l'assuré, à qui il doit remettre, avant la conclusion du contrat, un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties, assorties des exclusions ainsi que les obligations de l'assuré ; que la charge de la preuve quant à l'exécution de cette obligation pèse sur l'assureur ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de Mme [V] fondée sur un manquement de l'assureur à son obligation d'information, que Mme [V] ne rapportait pas la preuve que l'assureur avait manqué à son obligation d'information, la cour d'appel a violé l'article L.112-2 du code des assurances, ensemble l'article R.112-3 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 112-2, alinéas 1 et 2, et R. 112-3 du code des assurances, dans leurs versions applicables au litige :

15. Il résulte du premier de ces textes qu'avant la conclusion du contrat, l'assureur doit obligatoirement fournir une fiche d'information sur le prix et les garanties. Il doit également remettre à l'assuré un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions ainsi que les obligations de l'assuré.

16. Selon le second, la remise des documents visés au deuxième alinéa de l'article L.112-2 est constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police, par laquelle celui-ci reconnaît avoir reçu au préalable ces documents et précisant leur nature et la date de leur remise.

17. Il s'induit de ces dispositions que pour satisfaire au devoir d'information qui lui incombe, l'assureur doit démontrer que l'assuré a eu connaissance, en temps utile, des conditions générales et particulières du contrat d'assurance l'informant de façon claire et précise sur l'étendue des garanties et qu'il a signé ces dernières en pleine connaissance de cause.

18. Pour débouter Mme [V] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'assureur à son obligation d'information, l'arrêt après avoir relevé, dans l'exposé du litige, que l'assureur soutenait que l'incendie s'était déclaré dans une dépendance non désignée par le contrat d'assurance qui, dans l'hypothèse où elle aurait comporté des pièces habitables, n'aurait pas pu ouvrir droit à garantie, faute de pouvoir être qualifiée de dépendance, au sens de la police, énonce que Mme [V] fait valoir qu'elle n'a jamais été en possession d'un exemplaire de la police d'assurance habitation et n'a pas même eu connaissance de l'étendue des garanties.

19. L'arrêt ajoute que Mme [V] a souscrit un contrat d'assurance en juillet 2011, comme le démontrent le paiement mensuel des cotisations, l'attestation d'assurance responsabilité civile et les avis d'échéances pour les années 2012 à 2015, que la rencontre des volontés a eu lieu sur tous les éléments de la garantie, et retient que Mme [V] ne rapporte pas la preuve contraire dont elle a la charge.

20. En statuant ainsi, alors qu'il incombait à l'assureur de justifier de ce qu'il avait porté à la connaissance de Mme [V] les conditions générales et particulières du contrat afin de l'informer sur l'étendue de la garantie, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Cardif IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cardif IARD et la condamne à payer à Mme [V] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour Mme [V]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [V] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

1) Alors qu' une mise en demeure régulière au sens de l'article L.113-3 du code des assurances doit permettre à l'assuré de comprendre à quoi correspondent les sommes qui lui sont réclamées ; que, au cas présent, il ressort de l'arrêt attaqué que l'assureur demandait dans la mise en demeure paiement de l'échéance de juillet 2014, mais que la somme réclamée (83,90€) ne correspondait ni à la somme indiquée pour juillet 2014 sur l'échéancier, ni à la somme prélevée par l'assureur à cette date, ni à la différence entre le montant porté sur l'échéancier et la somme réellement prélevée ; qu'en retenant néanmoins que la société BNP Paribas avait régulièrement résilié le contrat le 18 avril 2015, après expiration du délai de 40 jours rappelé dans la lettre de mise en demeure, la cour d'appel a violé l'article L.113-3 du code des assurances ;

2) Alors que le non-paiement d'une échéance de prime d'assurance ne peut entraîner la résiliation du contrat d'assurance qu'après une mise en demeure préalable enjoignant à l'assuré de régulariser cette échéance dans le délai légal imparti ; qu'au cas présent, l'échéance qui était visée dans la mise en demeure était celle de juillet 2014, de sorte que le non-paiement des cotisations de février et mars 2015 ne pouvait être pris en compte dans l'appréciation de la régularité de la résiliation, celle de mars étant même postérieure à l'envoi de la mise en demeure ; qu'en retenant néanmoins, pour apprécier la régularité de la résiliation du contrat d'assurance, que les prélèvement de février et mars 2015 avaient été rejetés, la cour d'appel a violé l'article L.113-3 du code des assurances ;

3) Alors qu'un échéancier des prélèvements à venir ne constitue pas une réclamation, la seule réclamation étant l'avis d'échéance ou le prélèvement lui-même effectué par le créancier ; que, au cas présent, la cour d'appel a constaté que le prélèvement fait par la société BNP Paribas en juillet 2014 s'élevait à 45,23€, de sorte que la somme réclamée à cette date ne s'élevait pas à 84,83€ ; qu'en relevant, pour juger que la mise en demeure était régulière, que Mme [V] produisait un extrait de relevé de compte qui faisait état d'un prélèvement le 4 juillet 2014 d'un montant de 45,23€ au profit de Avanssur, « au lieu de la somme réclamée de 84,83€ telle qu'elle ressortait de l'échéancier en date du 8 mai 2014 produit par l'intimée », la cour d'appel a dénaturé l'échéancier du 8 mai 2014 (pièce [V] n°25), et ainsi violé le principe suivant lequel le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Mme [V] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Alors que l'assureur est débiteur d'une obligation d'information à l'égard de l'assuré, à qui il doit remettre, avant la conclusion du contrat, un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties, assorties des exclusions ainsi que les obligations de l'assuré ; que la charge de la preuve quant à l'exécution de cette obligation pèse sur l'assureur ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de Mme [V] fondée sur un manquement de l'assureur à son obligation d'information, que Mme [V] ne rapportait pas la preuve que l'assureur avait manqué à son obligation d'information, la cour d'appel a violé l'article L.112- du code des assurances, ensemble l'article R.112-3 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 21-17410
Date de la décision : 24/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 06 avril 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 nov. 2022, pourvoi n°21-17410


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.17410
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