LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 novembre 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 802 FS-B
Pourvoi n° S 22-12.753
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022
La société Réside études apparthôtels, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 16], a formé le pourvoi n° S 22-12.753 contre l'arrêt rendu le 9 février 2022 par la cour d'appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [MC] [T],
2°/ à Mme [FG] [T],
tous deux domiciliés [Adresse 8],
3°/ à M. [X] [J], domicilié [Adresse 21],
4°/ à M. [KJ] [P], domicilié [Adresse 9],
5°/ à M. [XI] [A], domicilié [Adresse 19],
6°/ à Mme [VF] [P], domiciliée [Adresse 9],
7°/ à Mme [UU] [A], domiciliée [Adresse 19],
8°/ à M. [ZX] [R],
9°/ à Mme [C] [R],
tous deux domiciliés [Adresse 10],
10°/ à M. [MY] [B],
11°/ à Mme [GN] [B],
tous deux domiciliés [Adresse 20],
12°/ à M. [Y] [F],
13°/ à Mme [D] [AM],
tous deux domiciliés [Adresse 22],
14°/ à Mme [HV] [O], domiciliée [Adresse 2],
15°/ à Mme [CG] [E],
16°/ à M. [SF] [E],
tous deux domiciliés [Adresse 23],
17°/ à M. [M] [TB],
18°/ à Mme [HJ] [TB],
tous deux domiciliés [Adresse 18],
19°/ à M. [DZ] [PM],
20°/ à Mme [I] [WX],
tous deux domiciliés [Adresse 12],
21°/ à M. [W] [GC],
22°/ à Mme [U] [GC],
tous deux domiciliés [Adresse 24] (Suisse),
23°/ à M. [LR] [GC],
24°/ à Mme [D] [GC],
tous deux domiciliés [Adresse 5],
25°/ à M. [G] [RU], domicilié [Adresse 14],
26°/ à M. [TM] [EV], domicilié [Adresse 15],
27°/ à Mme [C] [RU], domiciliée [Adresse 14],
28°/ à M. [WB] [PY], domicilié [Adresse 4],
29°/ à Mme [JC] [VP], domiciliée [Adresse 3],
30°/ à M. [L] [H], domicilié [Adresse 7],
31°/ à Mme [D] [K], domiciliée [Adresse 17],
32°/ à M. [N] [ZB], domicilié [Adresse 6],
33°/ à Mme [Z] [S], domiciliée [Adresse 1],
34°/ à Mme [YP] [OF], domiciliée [Adresse 11],
35°/ à M. [V] [VE], domicilié [Adresse 13],
36°/ à la société Vivanim, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Réside études apparthôtels, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [MC] [T], de Mme [FG] [T], de M. [J], de M. [KJ] [P], de Mme [VF] [P], de M. [XI] [A], de Mme [UU] [A], de M. [ZX] [R], de Mme [C] [R], de M. [MY] [B], de Mme [GN] [B], de M. [F], de Mme [AM], de Mme [O], de M. [JY] [E], de Mme [CG] [E], de M. [M] [TB], de Mme [HJ] [TB], de M. [PM], de Mme [WX], de M. [W] [GC], de Mme [U] [GC], de M. [LR] [GC], de Mme [D] [GC], de M. [EV], de M. [G] [RU], de Mme [C] [RU], de M. [PY], de Mme [VP], de M. [H], de Mme [K], de M. [ZB], de Mme [S], de Mme [OF], de M. [VE] et de la société Vivanim, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents : Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 février 2022), rendu en référé, et les productions, M. [MC] [T], Mme [FG] [T], M. [J], M. [KJ] [P], Mme [VF] [P], M. [XI] [A], Mme [UU] [A], M. [ZX] [R], Mme [C] [R], M. [MY] [B], Mme [GN] [B], M. [F], Mme [AM], Mme [O], M. [JY] [E], Mme [CG] [E], M. [M] [TB], Mme [HJ] [TB], M. [PM], Mme [WX], M. [W] [GC], Mme [U] [GC], M. [LR] [GC], Mme [D] [GC], M. [EV], M. [G] [RU], Mme [C] [RU], M. [PY], Mme [VP], M. [H], Mme [K], M. [ZB], Mme [S], Mme [OF], M. [VE] et la société Vivanim (les bailleurs) ont, entre 2003 et 2016, consenti à la société Réside études apparthôtels (la locataire) des baux commerciaux portant sur des appartements et parkings situés dans une résidence de tourisme.
2. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a, du 17 mars au 2 juin 2020, cessé son activité dans la résidence concernée puis a enregistré un taux d'occupation en forte diminution avant une nouvelle fermeture décidée par le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.
3. Les 9 et 12 juillet 2020, la locataire a informé les bailleurs de sa décision de suspendre le paiement des loyers des deuxième et troisième trimestres 2020.
4. Les bailleurs ont assigné la locataire en paiement de provisions correspondant à l'arriéré locatif.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à verser des provisions d'un certain montant au titre des loyers impayés arrêtés au quatrième trimestre 2021, alors « que saisi d'une demande de condamnation à provision, le juge des référés ne dispose pas du pouvoir d'interpréter les termes d'un contrat ou d'une de ses clauses ; qu'en l'espèce les baux commerciaux conclus entre la société Réside études apparthôtels et chacun des propriétaires bailleurs contenait une clause de suspension du versement des loyers qui stipulait à l'article "dispositions diverses" que "Dans le cas où la non sous-location du bien résulterait (...) soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'incendie de l'immeuble, etc...) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le loyer, défini ci-avant, ne sera pas payé jusqu'au mois suivant la fin du trouble de jouissance" ; qu'en application de ces stipulations, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, entraient dans les prévisions contractuelles ainsi stipulées en tant qu'elles interdisaient la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que, pour refuser cependant de faire application de ces stipulations contractuelles, la cour d'appel a retenu que les circonstances exceptionnelles ainsi visées devaient être intrinsèques au bien lui-même, c'est-à-dire à l'immeuble ou bâtiment, entendu stricto sensu ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a interprété la notion contractuelle de circonstances exceptionnelles affectant le bien en excluant que ces circonstances pussent affecter la sous-location du bien, objet du contrat, pour la rendre impossible, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse relative à la portée de la clause de suspension du versement du loyer et violé l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Ayant relevé, d'une part, que la clause précise de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible soit par le fait ou la faute du bailleur, soit en raison de désordres de nature décennale ou de la survenance de circonstances exceptionnelles affectant le bien loué lui-même, d'autre part, que la locataire ne caractérisait pas en quoi les mesures prises pendant la crise sanitaire constituaient une circonstance affectant le bien, la cour d'appel, qui n'a pas interprété le contrat, n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société Réside études apparthôtels aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Réside études apparthôtels et la condamne à payer à M. [MC] [T], à Mme [FG] [T], à M. [J], à M. [KJ] [P], à Mme [VF] [P], à M. [XI] [A], à Mme [UU] [A], à M. [ZX] [R], à Mme [C] [R], à M. [MY] [B], à Mme [GN] [B], à M. [F], à Mme [AM], à Mme [O], à M. [JY] [E], à Mme [CG] [E], à M. [M] [TB], à Mme [HJ] [TB], à M. [PM], à Mme [WX], à M. [W] [GC], à Mme [U] [GC], à M. [LR] [GC], à Mme [D] [GC], à M. [EV], à M. [G] [RU], à Mme [C] [RU], à M. [PY], à Mme [VP], à M. [H], à Mme [K], à M. [ZB], à Mme [S], à Mme [OF], à M. [VE] et à la société Vivanim la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
Le conseiller rapporteur le président
Le greffier de chambre
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Réside études apparthôtels
La société Réside Etudes Apparthôtels fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser une provision d'un certain montant à chacun des propriétaires bailleurs recevables de la résidence Nancy-Lorraine au titre des loyers impayés de mars 2020 au quatrième trimestre 2021 inclus,
1. Alors que, saisi d'une demande de condamnation à provision, le juge des référés ne dispose pas du pouvoir d'interpréter les termes d'un contrat ou d'une de ses clauses ; qu'en l'espèce les baux commerciaux conclus entre la société Réside Etudes Apparthôtels et chacun des propriétaires bailleurs contenait une clause de suspension du versement des loyers qui stipulait à l'article « dispositions diverses » que « Dans le cas où la non sous-location du bien résulterait (...) soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'incendie de l'immeuble, etc...) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le loyer, défini ci-avant, ne sera pas payé jusqu'au mois suivant la fin du trouble de jouissance » ; qu'en application de ces stipulations, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, entraient dans les prévisions contractuelles ainsi stipulées en tant qu'elles interdisaient la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que, pour refuser cependant de faire application de ces stipulations contractuelles, la cour d'appel a retenu que les circonstances exceptionnelles ainsi visées devaient être intrinsèques au bien lui-même, c'est-à-dire à l'immeuble ou bâtiment, entendu stricto sensu ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a interprété la notion contractuelle de circonstances exceptionnelles affectant le bien en excluant que ces circonstances pussent affecter la sous-location du bien, objet du contrat, pour la rendre impossible, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse relative à la portée de la clause de suspension du versement du loyer et violé l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile,
2. Alors en tout état de cause qu‘au sens de l'article 1722 du code civil, la perte de la chose louée, qui s'entend de toute circonstance en diminuant sensiblement l'usage, peut résulter d'une décision administrative imposant la fermeture de la chose louée et n'être que temporaire ; qu'en l'espèce, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l'état d'urgence sanitaire, avaient entraîné l'interdiction de la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que la société Réside Etudes Apparthotels a subi une perte partielle de la chose louée puisqu'elle n'a pu ni jouir de la chose louée ni en user conformément à sa destination pendant les périodes de fermeture administrative ; que les demandes de provisions se heurtaient donc à une contestation sérieuse sur son obligation au paiement de l'intégralité des loyers pendant les périodes de fermeture administrative ; que pour l'exclure, la cour d'appel a considéré que les dispositions de l'article 1722 du code civil ne visaient qu'une situation de destruction définitive de la chose louée, qu'elle soit totale ou partielle, ce qui n'aurait pas été le cas en l'espèce ; qu'en statuant ainsi, elle a violé ce texte, ensemble l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile.
Le greffier de chambre