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23/11/2022 | FRANCE | N°21-21867

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 novembre 2022, 21-21867


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 novembre 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 804 FS-B

Pourvoi n° C 21-21.867

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022

La société Odalys résidences, société par actions simpli

fiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-21.867 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambr...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 novembre 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 804 FS-B

Pourvoi n° C 21-21.867

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022

La société Odalys résidences, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-21.867 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [X] [Z], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société BCAR, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Odalys résidences, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Z] et de la société BCAR, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, MM. Jessel, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 29 juin 2021), rendu en référé, M. [Z] et la société BCAR (les bailleurs) ont consenti trois baux commerciaux à la société Odalys résidences (la locataire) portant sur divers lots situés dans deux résidences de tourisme.

2. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a cessé son activité dans les résidences concernées du 14 mars au 2 juin 2020 et informé les bailleurs de sa décision d'interrompre le paiement du loyer et des charges pendant cette période.

3. Les bailleurs ont assigné la locataire en paiement de provisions correspondant à l'arriéré locatif.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à chacun des bailleurs une provision, alors :

« 1°/ que juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui interprète un contrat pour écarter l'exception d'inexécution invoquée par le défendeur ; que la société Odalys Résidence soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'utiliser les locaux conformément à leur destination contractuelle ; qu'en considérant cependant qu'aucune perte des lieux loués n'était survenue à compter de l'interdiction gouvernementale, seuls les exploitants s'étant vu interdire de recevoir leurs clients dans les locaux pour des raisons étrangères à ceux-ci, pour en déduire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles respectives des parties et les circonstances permettant au preneur d'invoquer l'exception d'inexécution, a violé l'article 835 du code de procédure civile ;

2°/ que la société Odalys invoquait également la perte partielle de la chose louée, laquelle constituait une contestation sérieuse de son obligation de payer les loyers ; qu'en énonçant seulement, pour écarter ce moyen, que les locaux n'étaient pas en cause, quand c'est au contraire à raison de la nature des locaux, à destination de résidence de tourisme, que leur usage était devenu impossible, la cour d'appel a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile, ensemble l'article 1722 du code civil ;

3°/ que la société Odalys faisait valoir qu'il résultait des stipulations du bail qu'en cas d'indisponibilité du bien loué à raison notamment de circonstances exceptionnelles ne permettant pas une occupation effective et normale du bien, le versement du loyer serait suspendu, mais serait couvert soit par la garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l'immeuble, soit par la garantie perte d'exploitation du preneur ; qu'en énonçant que cette clause ne visait que des manquements personnels du bailleur, ou des circonstances affectant le bien, ce qui n'était pas le cas, et qu'elle mentionnait clairement que la suspension des loyers était conditionnée par la couverture des loyers par les assureurs et que cette condition n'était pas remplie, la cour d'appel qui a interprété la portée de cette clause qui nécessitait une interprétation, a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. L'effet de la mesure gouvernementale d'interdiction de recevoir du public, générale et temporaire et sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil (3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.127, publié au bulletin).

6. Après avoir relevé que seuls les exploitants se sont vu interdire de recevoir leurs clients pour des raisons étrangères aux locaux loués qui n'avaient subi aucun changement, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que les mesures d'interdiction d'exploitation, qui ne sont ni du fait ni de la faute du bailleur, ne constituent pas une circonstance affectant le bien, emportant perte de la chose louée.

7. Elle a ensuite constaté, sans interpréter le contrat, que la clause de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible par le fait ou la faute du bailleur ou en raison d'un désordre ou d'une circonstance exceptionnelle affectant le bien loué et que la condition de suspension, clairement exigée, de couverture des loyers par les assureurs, n'était pas remplie.

8. Elle n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne la société Odalys résidences aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Odalys résidences et la condamne à payer à la société BCAR et M. [Z] la somme globale de 3000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Odalys résidences

La société Odalys résidences fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à titre provisionnel à la société BCAR la somme de 23 192,75 euros à valoir sur les loyers exigibles au titre des premier et deuxième trimestres 2020, et à M. [Z] celle de 6 763,71 euros au titre de la même période ;

1) ALORS QUE le juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui interprète un contrat pour écarter l'exception d'inexécution invoquée par le défendeur ; que la société Odalys Résidence soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'utiliser les locaux conformément à leur destination contractuelle ; qu'en considérant cependant qu'aucune perte des lieux loués n'était survenue à compter de l'interdiction gouvernementale, seuls les exploitants s'étant vu interdire de recevoir leurs clients dans les locaux pour des raisons étrangères à ceux-ci, pour en déduire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles respectives des parties et les circonstances permettant au preneur d'invoquer l'exception d'inexécution, a violé l'article 835 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE la société Odalys invoquait également la perte partielle de la chose louée, laquelle constituait une contestation sérieuse de son obligation de payer les loyers ; qu'en énonçant seulement, pour écarter ce moyen, que les locaux n'étaient « pas en cause », quand c'est au contraire à raison de la nature des locaux, à destination de résidence de tourisme, que leur usage était devenu impossible, la cour d'appel a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile, ensemble l'article 1722 du code civil ;

3) ALORS QUE la société Odalys faisait valoir qu'il résultait des stipulations du bail qu'en cas d'indisponibilité du bien loué à raison notamment de circonstances exceptionnelles ne permettant pas une occupation effective et normale du bien, le versement du loyer serait suspendu, mais serait couvert soit par la garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l'immeuble, soit par la garantie perte d'exploitation du preneur ; qu'en énonçant que cette clause ne visait que des manquements personnels du bailleur, ou des circonstances affectant le bien, ce qui n'était pas le cas, et qu'elle mentionnait clairement que la suspension des loyers était conditionnée par la couverture des loyers par les assureurs et que cette condition n'était pas remplie, la cour d'appel qui a interprété la portée de cette clause qui nécessitait une interprétation, a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-21867
Date de la décision : 23/11/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

REFERE - Provision - Attribution - Conditions - Obligation non sérieusement contestable - Applications diverses - Bail commercial - Mesures sanitaires relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 - Clause de suspension du paiement des loyers - Application - Exclusion

REFERE - Contestation sérieuse - Exclusion - Applications diverses - Bail commercial - Mesures sanitaires relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 - Clause de suspension du paiement des loyers - Application - Exclusion

La cour d'appel statuant en matière de référé ne tranche aucune contestation sérieuse en allouant une provision au bailleur d'un logement situé dans une résidence de tourisme sur les loyers impayés par le locataire qui se prévalait, suite aux mesures sanitaires relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, d'une stipulation du bail commercial selon laquelle le paiement des loyers est suspendu dans les cas où « l'indisponibilité du bien » résulterait « soit du fait ou d'une faute du bailleur, soit de l'apparition de désordres de nature décennale soit de la survenance de circonstances exceptionnellement graves ( telles qu'incendie de l'immeuble, etc...) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale ». En effet, c'est sans interpréter cette clause, claire et précise, que la cour d'appel a constaté qu'elle ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible soit par le fait ou la faute du bailleur, soit en raison de désordres de nature décennale ou de la survenance de circonstances exceptionnelles affectant le bien loué lui-même


Références :

Article 835 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 29 juin 2021

3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20127, Bull., (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 23 nov. 2022, pourvoi n°21-21867, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 20/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.21867
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