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23/11/2022 | FRANCE | N°21-16388

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 novembre 2022, 21-16388


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 novembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1242 F-D

Pourvoi n° X 21-16.388

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022

M. [M] [H], domicilié [Adr

esse 2], a formé le pourvoi n° X 21-16.388 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 novembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1242 F-D

Pourvoi n° X 21-16.388

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022

M. [M] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-16.388 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à la société Form'A, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [H], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Form'A, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 mars 2021), M. [H] a été engagé par la société Form'A à compter du 1er septembre 2014 en qualité de directeur du développement.

2. Convoqué par courrier recommandé du 23 mars 2016, à un entretien préalable qui s'est tenu le 5 avril 2016 et mis à pied à titre conservatoire, il a été licencié pour faute grave le 8 avril 2016.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de contester son licenciement et de faire condamner la société Form'A au paiement de diverses sommes.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement pour faute grave est fondé sur des causes réelles et sérieuses et de le débouter de l'intégralité de ses demandes, alors « que la faute grave justifiant le licenciement immédiat du salarié implique que l'employeur engage la procédure disciplinaire dans un délai restreint à compter de la connaissance des faits ; qu'en l'espèce, à supposer même que l'employeur n'ait eu connaissance des faits litigieux que fin février 2016, la cour d'appel ne s'est aucunement expliquée, comme elle y était invitée, sur le laps de temps écoulé entre cette-prétendue-découverte et l'engagement de la procédure disciplinaire seulement le 23 mars suivant ; qu'elle a, ce faisant, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

5. La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

6. Pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que l'employeur n' ayant eu connaissance des faits que par des investigations menées fin février 2016 lors de la revue des notes de ce mois, le salarié ne saurait lui opposer une prescription de la procédure entreprise le 23 mars 2016.

7. En se déterminant ainsi, sans vérifier, comme elle y était invitée, si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint après la constatation des faits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Form'A aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Form'A et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [H]

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR jugé que le licenciement de M. [H] par la société Form'A pour faute grave est fondé sur des causes réelles et sérieuses et d'AVOIR débouté M. [H] de l'intégralité de ses demandes ;

1) ALORS QUE l'employeur ne peut sanctionner un salarié pour faute grave en se prévalant de la répétition de faits qu'il a antérieurement tolérés, ce qui est de nature à leur retirer le caractère de gravité sans lequel le salarié ne peut faire l'objet d'un licenciement immédiat ; qu'en l'espèce, en jugeant fondé le licenciement pour faute grave de M. [H] tiré d'une prétendue déloyauté du salarié qui se serait fait rembourser depuis juin 2015 des frais de parking de manière indue, pour un montant de 1.445 euros, tandis qu'il n'était pas contesté que ces notes de frais avaient toujours fait l'objet d'une validation par la direction et qu'elles avaient été intégralement remboursées par l'employeur, ce dont il s'évinçait à tout le moins une tolérance de l'employeur, excluant la faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

2) ALORS QUE lorsque la prescription des faits fautifs est invoquée, c'est à l'employeur de prouver qu'il en a eu connaissance moins de deux mois avant l'engagement des faits fautifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le licenciement pour faute grave reposait sur un grief tiré de la présentation de notes de frais censément injustifiées à compter du mois de juin 2015, soit plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire le 23 mars 2016 ; qu'il était par ailleurs constant que toutes les notes de frais litigieuses avaient été validées et remboursées par l'employeur ; que pour écarter néanmoins la prescription, la cour d'appel a relevé que «la société Form'A n'a eu la connaissance de ces éléments que par des investigations menées fin février 2016 lors de la revue des notes de ce mois, le salarié ne saurait lui opposer une prescription de la procédure entreprise le 23 mars 2016» ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser la preuve par l'employeur qu'il n'avait pas pu avoir connaissance du caractère litigieux ou injustifié des notes de frais en cause plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire, nonobstant leur remboursement antérieur attestant de ce que l'employeur avait toléré la situation pendant plusieurs mois, ni que cette connaissance n'avait pu être acquise que par l'enquête dont il excipait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

3) ALORS QUE la faute grave justifiant le licenciement immédiat du salarié implique que l'employeur engage la procédure disciplinaire dans un délai restreint à compter de la connaissance des faits ; qu'en l'espèce, à supposer même que l'employeur n'ait eu connaissance des faits litigieux que fin février 2016, la cour d'appel ne s'est aucunement expliquée, comme elle y était invitée, sur le laps de temps écoulé entre cette -prétendue- découverte et l'engagement de la procédure disciplinaire seulement le 23 mars suivant ; qu'elle a, ce faisant, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

4) ALORS QUE la charge de la preuve de la faute grave repose entièrement sur l'employeur, de sorte qu'il n'appartient pas au salarié de prouver qu'il n'a pas commis la faute reprochée et que tout doute doit a fortiori lui profiter ; qu'en l'espèce, en considérant, pour retenir la faute grave, que le salarié n'explicitait pas suffisamment les justifications sollicitées par l'employeur de certains frais de parking dont il avait demandé le remboursement, tandis qu'il appartenait à l'employeur de démontrer de manière certaine le caractère déloyal ou controuvé des notes de frais en litige, la cour d'appel a inversé la charge de la privé et violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble l'article L. 1234-9 du code du travail ;

5) ALORS QU'il incombe aux juges de vérifier la cause exacte du licenciement sans être tenus par les motifs énoncés par l'employeur ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (cf. p. 8, production), M. [H] faisait valoir que son licenciement avait en réalité été prononcé opportunément quand il avait demandé le paiement des commissions dues sur les contrats apportés ; qu'en se bornant à rappeler ce moyen du salarié, sans avoir recherché, comme elle y était pourtant invitée, si le licenciement notifié le 8 avril 2016 n'avait pas été en réalité uniquement motivé par une volonté d'écarter le salarié de l'entreprise afin de ne pas procéder au paiement des commissions dues et pour lequel il a finalement reçu un acompte de 4.000 euros en janvier 2016 (arrêt p. 4, §6) , la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-16388
Date de la décision : 23/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 11 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 nov. 2022, pourvoi n°21-16388


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.16388
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