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23/11/2022 | FRANCE | N°20-22586

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 novembre 2022, 20-22586


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 novembre 2022

Cassation partielle sans renvoi

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1241 F-D

Pourvoi n° P 20-22.586

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022

M. [X] [K], d

omicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 20-22.586 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 novembre 2022

Cassation partielle sans renvoi

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1241 F-D

Pourvoi n° P 20-22.586

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022

M. [X] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 20-22.586 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société l'Atelier des compagnons, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société l'Atelier des compagnons, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2020), M. [K] a été engagé par la société l'Atelier des compagnons à compter du 15 novembre 2010 en qualité de chargé d'affaires au sein du service sinistre.

2. Il a été licencié pour faute lourde Ie 27 mars 2014.

3. Le 14 avril 2014, l'employeur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnisation à I'encontre de son salarié pour violation de ses obligations de discrétion, de loyauté et de non concurrence et faute dans l'exécution du contrat de travail.

4. Le 16 avril 2014, le salarié a saisi la même juridiction pour contester son licenciement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde :

7. Pour condamner le salarié à payer à la société l'Atelier des compagnons des sommes à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'il ressort des motifs exposés dans le cadre de la rupture et des pièces versées aux débats qu'en violation des dispositions contractuelles, l'intéressé a durant la période d'exécution de son contrat de travail exercé des activités au sein d'une société concurrente à celles qu'il occupait au sein de la société qui l'employait.

8. Il ajoute qu'en réparation de son préjudice, la société sollicite 20 000 euros pour le défaut de loyauté et 35 294,44 euros représentant les salaires et charges du salarié au titre du défaut d'exclusivité et que sur ce dernier point, il convient de relever que si le salarié a consacré une partie de son temps et de ses moyens de travail à ses propres affaires, il a également exécuté partie de ses fonctions pour le compte de son employeur et aucune mesure disciplinaire n'a été prononcée par ce dernier pour la période considérée, de sorte qu'il y a lieu de minorer les montants sollicités et de condamner le salarié à payer à la société la somme de 1 500 euros pour le défaut de loyauté et 2 500 euros au titre du défaut d'exclusivité.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle a décidé, par un chef de dispositif que le rejet du premier moyen rend définitif, que le licenciement du salarié était fondé, non pas sur une faute lourde mais sur une faute grave, la cour d'appel, qui n'a pas retenu l'existence de faits, distincts de ceux visés par la lettre de licenciement, susceptibles de caractériser une faute lourde, a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

12. La responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne pouvant résulter que de sa faute lourde, le licenciement fondé sur une faute grave ne permet pas d'engager la responsabilité pécuniaire du salarié de sorte qu'il convient de débouter l'employeur de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect par le salarié de ses obligations de loyauté et d'exclusivité.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne le salarié à payer à la société L'Atelier des compagnons les sommes de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de son obligation de loyauté et 2 500 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de son obligation d'exclusivité, l'arrêt rendu le 24 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DEBOUTE la société l'Atelier des compagnons de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect par le salarié de ses obligations de loyauté et d'exclusivité ;

Condamne la société l'Atelier des compagnons aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société l'Atelier des compagnons et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [K]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Monsieur [X] [K] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir requalifié son licenciement prononcé pour faute lourde en un licenciement pour faute grave et de l'avoir débouté de ses demandes ;

1° ALORS QU'il n'est pas interdit au salarié d'une société de se porter acquéreur d'actions d'une autre société ; qu'il s'ensuit que ne constitue pas une faute grave, la participation du salarié à une société dont l'objet social est identique à celui de son employeur ; qu'en décidant que le licenciement de Monsieur [K] procédait d'une faute grave quand elle avait pourtant admis que les statuts de la société 2DSI BÂTIMENT désignaient Monsieur [K] comme actionnaire à hauteur d'un quart du capital, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1. L 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2° ALORS QUE seuls les faits imputables à la personne du salarié, et commis dans le cadre des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail peuvent constituer une faute justifiant un licenciement ; qu'en énonçant, pour retenir la faute grave du salarié, que Monsieur [K] avait eu connaissance et contribué à la commission d'acte de concurrence déloyale au prétexte qu'il aurait à la demande de Monsieur [H], son supérieur hiérarchique au sein de la société L'ATELIER DES COMPAGNONS, imprimé pour le compte de la société 2DSI BÂTIMENT, la copie d'un devis à Monsieur [R] et à la société AFT Design qui était déjà cliente de la société L'ATELIER DES COMPAGNONS, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi le salarié aurait commis un fait fautif justifiant son licenciement immédiat, a violé les articles L. 1234-1. L 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3° ALORS QUE seuls les faits imputables à la personne du salarié, et commis dans le cadre des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail peuvent constituer une faute justifiant un licenciement ; qu'en se fondant, pour dire que Monsieur [K] avait commis une faute grave, sur l'attestation de Madame [S] qui indiquait que, dès le 6 décembre 2013, Monsieur [H] s'était présenté en qualité de représentant de la société 2DSI BATIMENT, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi le salarié aurait commis un fait fautif justifiant son licenciement immédiat, a violé les articles L. 1234-1. L 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

4° ALORS QU'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits qu'il reproche au salarié que dans les deux mois précédant l'engagement de poursuites disciplinaires ; qu'en énonçant que si l'entretien du 12 décembre 2013 avec Monsieur [H] avait permis d'informer l'employeur de son projet d'entreprenariat et d'un possible débauchage de plusieurs salariés, il ne prouvait pas que la société ATELIER DES COMPAGNONS avait eu connaissance des faits avant mars 2014 et encore moins qu'elle y ait acquiescé, la cour d'appel a fait peser sur le salarié la charge de la preuve que l'employeur n'avait eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits qu'il reprochait au salarié que dans les deux mois précédant l'engagement de poursuites disciplinaires en violation de l'article 1315, devenu l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 1234-1. L 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

5° ALORS QUE la création, par un ancien salarié, d'une entreprise concurrente de celle dans laquelle il était auparavant employé n'est pas constitutive d'actes de concurrence illicite ou déloyale, dès lors que cette création n'était pas interdite par une clause contractuelle et qu'elle n'a pas été accompagnée de pratiques illicites de débauchage de personnel, de détournement de clientèle et/ou d'acte de concurrence déloyale ; que la portée des actes reprochés de concurrence s'apprécie par rapport à l'activité réelle de l'entreprise et non par rapport à son objet social défini dans les statuts ; qu'en énonçant, pour dire que Monsieur [K] avait commis une faute grave que « L'extrait du RCS de Meaux indique la création de la société 2DSI BÂTIMENT en octobre 2013 alors qu'aucune procédure de rupture n'est encore engagée. Elle a une activité principale concurrente de celle de la société ATELIER DES COMPAGNONS puisqu'il s'agit d'une entreprise générale de bâtiment, de promotion immobilière, de maîtrise d'oeuvre et de maîtrise d'ouvrage » quand elle aurait dû apprécier l'activité réelle de l'entreprise et non par rapport à l'objet social tel que défini dans les statuts, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1. L 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

6° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que Monsieur [K] faisait valoir que le service sinistre de la société L'ATELIER DES COMPAGNONS avait disparu dès le mois de juin 2013 (cf. conclusions d'appel de l'exposant p. 12 § 1er), qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen de nature à démontrer qu'il ne pouvait être reproché au salarié d'avoir commis des actes de déloyauté, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Monsieur [X] [K] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à la société L'ATELIER DES COMPAGNONS les sommes de 1 500 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de son obligation de loyauté et 2 500 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de son obligation d'exclusivité ;

1° ALORS QUE par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attachera au chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant requalifié le licenciement de Monsieur [X] [K] prononcé pour faute lourde en un licenciement pour faute grave, entraînera, par voie de conséquence, en l'état d'un lien de dépendance nécessaire, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant condamné Monsieur [K] à payer à la société L'ATELIER DES COMPAGNONS les sommes de 1 500 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de son obligation de loyauté et 2 500euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de son obligation d'exclusivité ;

2° ALORS QU'il appartient aux juges du fond de mettre en évidence l'existence d'un lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice allégué ; qu'en énonçant, pour faire droit aux demandes de dommages et intérêts formées par l'employeur, d'une part que Monsieur [K] avait consacré une partie de son temps et de ses moyens de travail à ses propres affaires pour en déduire qu'il y avait lieu de minorer les montants sollicités par l'employeur aux sommes de 1 500 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de son obligation de loyauté et 2 500 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de son obligation d'exclusivité sans caractériser l'existence d'un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice prétendument subi, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas se prononcer par des motifs contradictoires ; qu'en énonçant, pour faire droit aux demandes de dommages et intérêts formées par l'employeur, que Monsieur [K] avait consacré une partie de son temps et de ses moyens de travail à ses propres affaires (cf. arrêt attaqué p. 6 § antépénultième) quand elle avait pourtant constaté que Monsieur [K] s'était borné, à la demande de Monsieur [H], son supérieur hiérarchique au sein de la L'ATELIER DES COMPAGNONS, à imprimer pour le compte de la société 2DSI BÂTIMENT, la copie d'un devis à Monsieur [R] et à la société AFT Design qui était déjà cliente de la société ATELIER DES COMPAGNONS (cf. arrêt attaqué p. 6 § 1er), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4° ALORS QUE le juge, qui ne peut statuer par voie d'affirmation, doit préciser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en affirmant, pour faire droit aux demandes de dommages et intérêts formées par l'employeur que Monsieur [K] avait consacré une partie de son temps et de ses moyens de travail à ses propres affaires, sans pour autant indiquer sur quels éléments de preuve elle s'était fondée pour déduire un tel motif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-22586
Date de la décision : 23/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 nov. 2022, pourvoi n°20-22586


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.22586
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