LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 novembre 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1228 F-D
Pourvoi n° M 21-20.035
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [B].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 juin 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 NOVEMBRE 2022
Mme [Z] [B], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-20.035 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Riu Aublet et compagnie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [B], de la SCP Spinosi, avocat de la société Riu Aublet et compagnie, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2020), Mme [B] a été engagée en qualité de vendeuse par la société Riu Aublet et compagnie (la société) suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel, à compter du 26 mars 2013, après l'avoir été suivant plusieurs contrats à durée déterminée.
2. Licenciée, elle a, le 10 mai 2016, saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir, notamment, la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps complet et le paiement d'un rappel de salaire et de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et de sa demande de rappel de salaire subséquent, alors :
« 1°/ qu'en cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié, le contrat est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition ; que la salariée faisait valoir que le programme indicatif ne lui avait jamais été communiqué, que ce soit oralement ou par écrit, et qu'elle n'avait eu connaissance de ses horaires que par l'intermédiaire des plannings affichés chaque début de semaine sur la porte de la réserve du magasin, en méconnaissance de l'accord d'entreprise du 23 juin 1999 ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société s'était conformée à ses obligations conventionnelles quant à la communication des plannings indicatifs annuels et des programmes hebdomadaires de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3123-14 et L. 3123-25 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;
2°/ qu'en retenant que la salariée échouait à démontrer qu'elle s'était constamment tenue à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Il résulte de l'effet combiné de ces textes qu'en cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié, le contrat est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
6. Pour débouter la salariée de sa demande en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et de ses demandes de rappel de salaire subséquentes, l'arrêt retient qu'il est justifié d'un accord d'entreprise du 23 juin 1999, modifié les 3, 30 août 1999 et 10 juillet 2000 et que le contrat de travail de la salariée comporte les indications requises pour ce type de contrat. Il ajoute que la responsable des ressources humaines atteste que les accords d'entreprise sont disponibles en magasin à l'aide d'un classeur et sur l'intranet de la société et que deux salariées attestent que les horaires de travail étaient affichés en magasin pendant la période de modulation. Il relève que l'employeur démontre que les bulletins de paie permettent de connaître le suivi du temps de travail sur la période de modulation. Il en déduit qu'au regard des plannings disponibles et lui permettant d'organiser ses temps d'activité, la salariée ne démontre pas qu'elle s'est tenue à la disposition de l'employeur pour bénéficier d'une requalification à temps plein.
7. En se déterminant ainsi, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si l'employeur avait communiqué à la salariée les programmes indicatifs de la répartition de la durée du travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [B] de sa demande en requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps complet et de ses demandes en paiement de rappel de salaire subséquentes, l'arrêt rendu le 2 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Riu Aublet et compagnie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Riu Aublet et compagnie à payer à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Monge, conseiller le plus ancien, en ayant délibéré en remplacement du président empêché, en l'audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour Mme [B]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Mme [B] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et de sa demande de rappels de salaires subséquents ;
1/ ALORS QU'en cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié, le contrat est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition ; que Mme [B] faisait valoir que le programme indicatif ne lui avait jamais été communiqué, que ce soit oralement ou par écrit, et qu'elle n'avait eu connaissance de ses horaires que par l'intermédiaire des plannings affichés chaque début de semaine sur la porte de la réserve du magasin, en méconnaissance de l'accord d'entreprise du 23 juin 1999 ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Riu Aublet et compagnie s'était conformée à ses obligations conventionnelles quant à la communication des plannings indicatifs annuels et des programmes hebdomadaires de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3123-14 et L. 3123-25 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;
2/ ALORS QU'en retenant que Mme [B] échouait à démontrer qu'elle s'était constamment tenue à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Mme [B] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral et, subséquemment, de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de licenciement ;
1/ ALORS QUE, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que l'arrêt attaqué admet qu'il existait une présomption que Mme [B] ait été victime de harcèlement moral à raison des manques de respect, des insultes et d'un manque de considération de la part de ses collègues et à raison d'une sanction injustifiée ; qu'en néanmoins déboutant Mme [B] de ses demandes, sans rechercher si la société Riu Aublet et compagnie avait, pour l'ensemble de ces faits, démontré qu'ils n'étaient pas constitutifs de harcèlement et en se bornant à retenir que la présomption était renversée par les éléments produits par l'employeur desquels il résultait que l'insulte proférée par Mme [U] ne l'avait pas été en présence de Mme [B], que celle-ci n'avait pas acquis les procédures d'encaissement, que le refus de laisser Mme [B] procéder à un encaissement s'expliquait du fait que son licenciement était déjà notifié et que les attestants n'avaient constaté aucune altercation ni harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
2/ ALORS QUE Mme [B] faisait valoir que le grief d'insubordination à l'égard de Mme [L] qui lui était adressé ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors que les faits dénoncés s'inscrivaient dans le contexte du harcèlement moral dont elle faisait l'objet ; qu'ainsi, la cassation à intervenir sur la base de la première branche du moyen entraînera cassation par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation des dispositions de l'arrêt la déboutant de ses prétentions au titre du licenciement.