LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 novembre 2022
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1204 F-B
Pourvoi n° Q 21-17.255
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 NOVEMBRE 2022
Le Syndicat mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-17.255 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2021 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [O] [R], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du Syndicat mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 avril 2021), M. [R], engagé le 3 mars 2008 en qualité de référent formation par le Syndicat mixte de Baie de Somme Grand Littoral Picard, a été placé en arrêt de travail pour maladie du 17 janvier au 11 juin 2017, puis à compter du 9 octobre 2017.
2. Le 4 décembre 2017, le médecin du travail a émis l'avis suivant :
«inapte - étude de poste et étude des conditions de travail réalisées le 15/11/2017
échange avec l'employeur - l'état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi».
3. Le 26 décembre 2017, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'au remboursement des indemnités de chômage dans la limite de trois mois, alors « qu'il résulte de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et de l'article L. 1226-2-1 du code du travail issu de cette même loi, que l'employeur n'est pas tenu de consulter les représentants du personnel lorsque le médecin du travail l'a dispensé de toute recherche de reclassement en mentionnant expressément, dans l'avis d'inaptitude, que "tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé", ou que "l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi" ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'avis d'inaptitude du salarié en date du 4 décembre 2017 mentionnait expressément que "l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi" ; qu'en retenant, pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle ni sérieuse, qu'il résultait de la combinaison des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail dans leur rédaction précitée, que "la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l'employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, peu important que le médecin du travail ait dispensé l'employeur de toute recherche de reclassement", la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article L. 1226-2-1 du code du travail issu de cette même loi. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et que cette proposition doit prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.
6. Selon le second, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
7. Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel.
8. Pour dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l'employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, peu important que le médecin du travail ait dispensé l'employeur de toute recherche de reclassement.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'avis du médecin du travail mentionnait que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel a violé les textes sus-visés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la nullité du licenciement, l'arrêt rendu le 14 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.
Condamne M. [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par le président, en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Dumont, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour le Syndicat mixte Baie de Somme Grand Littoral Picard
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le SYNDICAT MIXTE BAIE DE SOMME GRAND LITTORAL PICARD fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné l'exposant à lui payer la somme de 21.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de l'AVOIR condamné au remboursement des indemnités de chômage dans la limite de trois mois ;
ALORS QU'il résulte de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et de l'article L. 1226-2-1 du code du travail issu de cette même loi, que l'employeur n'est pas tenu de consulter les représentants du personnel lorsque le médecin du travail l'a dispensé de toute recherche de reclassement en mentionnant expressément, dans l'avis d'inaptitude, que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé », ou que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'avis d'inaptitude de Monsieur [R] en date du 4 décembre 2017 mentionnait expressément que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » ; qu'en retenant, pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle ni sérieuse, qu'il résultait de la combinaison des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail dans leur rédaction précitée, que « la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l'employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, peu important que le médecin du travail ait dispensé l'employeur de toute recherche de reclassement », la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article L. 1226-2-1 du code du travail issu de cette même loi.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le SYNDICAT MIXTE BAIE DE SOMME GRAND LITTORAL PICARD fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, de l'AVOIR condamné à payer à Monsieur [R] les sommes de 10.380 € à titre d'indemnité de préavis et de 1.038 € à titre de congés payés afférents ;
1. ALORS QUE la cour d'appel s'étant fondée, pour condamner l'exposant au paiement d'une indemnité de préavis et congés payés afférents, sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, la cassation à intervenir sur le fondement du précédent moyen entraînera celle du chef de dispositif attaqué, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2. ET ALORS en tout état de cause QUE le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice d'un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, à moins que le licenciement ne soit sans cause réelle ni sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement ; qu'en conséquence, il ne peut prétendre à une telle indemnité lorsque le médecin du travail a, en application de l'article L. 1226-2-1 du code du travail, dispensé l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en retenant, pour condamner l'exposant au paiement d'une indemnité de préavis et congés payés afférents, que « si le salarié en peut en principe prétendre au paiement d'un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur au respect des règles sur la consultation des représentants du personnel dans le cadre de son obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude, peu important la dispense accordée par le médecin du travail », la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, L. 1226-2-1 du code du travail issu de cette même loi, L. 1226-4 et L. 1234-5 du même code.