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16/11/2022 | FRANCE | N°21-15713

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 novembre 2022, 21-15713


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 novembre 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1222 F-D

Pourvoi n° P 21-15.713

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 NOVEMBRE 2022

M. [C] [V], domicilié [Ad

resse 1], a formé le pourvoi n° P 21-15.713 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dan...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 novembre 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1222 F-D

Pourvoi n° P 21-15.713

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 NOVEMBRE 2022

M. [C] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-15.713 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Teddy Smith, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Teddy Smith, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 décembre 2020), M. [V] a été engagé le 10 février 1991 par la société Teddy Smith dans le cadre d'un contrat de travail en qualité de voyageur, représentant ou placier (VRP) multicartes.

2. Par acte du 6 novembre 2013, le salarié a cédé, avec l'autorisation de son employeur, à la société Diffusion la valeur de la clientèle qu'il avait apportée, créée ou développée dans le cadre de son contrat de travail, à l'exclusion toutefois de la clientèle des magasins appartenant à la société Standard exploités sous l'enseigne Blue Box et Teddy Smith.

3. Par acte séparé du même jour, les sociétés Teddy Smith et Diffusion ont conclu un contrat d'agence commerciale par lequel la première donnait mandat à la seconde de la représenter sur un secteur géographique déterminé pour la commercialisation et la promotion commerciale des articles textiles de la marque Teddy Smith.

4. Par lettre du 25 novembre 2013, l'employeur a notifié au salarié que la cession de la valeur de la clientèle qu'il avait apportée, créée ou développée, dans le cadre de son contrat de travail le liant à la société Teddy Smith, mettait un terme au contrat de travail.

5. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture du contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la rupture de son contrat de travail est consécutive à la cession de sa carte à la société Diffusion et non pas à un licenciement et de le débouter, en conséquence, de l'ensemble de ses demandes de condamnation de l'employeur au paiement de rappels de salaire, indemnités de rupture et dommages-intérêts, alors « qu'aux termes de l'article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord dans les conditions prévues au présent titre ; que la rupture à l'initiative du salarié constitue une démission entendue comme un acte unilatéral par lequel il manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; qu'il appartient au juge, en cas de contestation, de déterminer si la cession par un VRP dont le contrat de travail est suspendu par la maladie, de la valeur de la clientèle apportée à son employeur, avec l'autorisation de celui-ci, caractérise, à l'intention de cet employeur, sa volonté non équivoque de rompre le contrat de travail ; qu'en déduisant cette rupture de ce que, par l'effet de la cession, ‘'le contrat de VRP a[vait] perdu sa cause et son objet'‘ la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, n'a pas donné de base légale à sa décision. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 7311-1, L. 7313-1 et L. 1231-1 du code du travail :

7. Selon le premier de ces textes, les dispositions du code du travail sont applicables au voyageur, représentant ou placier, sous réserve des dispositions particulières du présent titre.

8. Aux termes du deuxième, toute convention dont l'objet est la représentation, conclu entre un voyageur, représentant ou placier et un employeur, est, nonobstant toute stipulation expresse du contrat ou en son silence, un contrat de travail.

9. Selon le troisième, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.

10. Pour dire que la rupture du contrat de travail était consécutive à la cession de la carte de VRP du salarié à la société Diffusion et non pas à un licenciement et de le débouter de ses demandes, l'arrêt constate que la cession totale de la valeur de la clientèle résultait de l'article 3 de l'acte de cession, conclu entre la société Diffusion et le salarié, dans lequel il déclarait expressément être en longue maladie depuis le 10 février 2012 et ne plus exercer son activité après la signature de cet acte. Il énonce que le salarié avait vendu la valeur de toute la clientèle à laquelle se rattachait son statut de VRP, avait déclaré ne plus exercer cette activité après la cession et n'avait effectivement jamais plus travaillé pour son employeur après celle-ci. Il retient que le contrat de VRP ayant perdu sa cause et son objet, c'est à bon droit que l'employeur en avait tiré les conséquences en notifiant, par lettre du 25 novembre 2013, que la cession du 6 novembre 2013 avait mis un terme au contrat de VRP. Il en déduit que cette rupture, qui était à la seule initiative du salarié, ne pouvait pas recevoir la qualification de licenciement et encore moins de licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

11. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans caractériser, à la date de la rupture, une volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin au contrat de travail qui le liait à son employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la rupture du contrat de travail de M. [V] est consécutive à la cession de sa carte à la société Diffusion et non pas à un licenciement, et en ce qu'il déboute M. [V] de ses demandes de rappel de salaire pour la période du 11 février 2015 au 1er mars 2016 outre congés payés afférents, de licenciement nul et/ou abusif, de dommages-intérêts pour nullité ou absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, ainsi que celle au titre des frais irrépétibles et en ce qu'il statue sur la demande de la société Teddy Smith sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens, l'arrêt rendu le 9 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Teddy Smith aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Teddy Smith et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Flores, conseiller le plus ancien, en ayant délibéré en remplacement du président empêché, en l'audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [V]

M. [C] [V] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR « dit ...que la rupture du contrat de travail de M. [C] [V] est consécutive à la cession de la carte à la SA Diffusion et non pas à un licenciement », et de l'AVOIR en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes de condamnation de la société Teddy Smith au paiement de rappels de salaire, indemnités de rupture et dommages et intérêts ;

1°) ALORS QU'aux termes de l'article L.1231-1 du code du travail, le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ou d'un commun accord dans les conditions prévues au présent titre ; que la rupture à l'initiative du salarié constitue une démission entendue comme un acte unilatéral par lequel il manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; qu'il appartient au juge, en cas de contestation, de déterminer si la cession par un VRP dont le contrat de travail est suspendu par la maladie, de la valeur de la clientèle apportée à son employeur, avec l'autorisation de celui-ci, caractérise, à l'intention de cet employeur, sa volonté non équivoque de rompre le contrat de travail ; qu'en déduisant cette rupture de ce que, par l'effet de la cession, « le contrat de VRP a[vait] perdu sa cause et son objet » la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

2°) ALORS QUE les juges du fond ne doivent pas dénaturer les écrits clairs et précis qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, l'acte du 6 novembre 2013 par lequel M. [V] a cédé à la société SA Diffusion la valeur d'exploitation de la clientèle développée par lui pour le compte de la société Teddy Smith stipulait, en son article 3 : « M. [V] déclare qu'il exerce la fonction de VRP salarié pour la SA Teddy Smith, qu'il est en longue maladie depuis le 10 février 2012 et qu'il n'exercera plus son activité après la signature du présent acte en raison de sa maladie » ; qu'en retenant à l'appui de sa décision décidant que cette cession avait « mis terme au contrat de VRP...de la seule initiative de M. [C] [V] », que dans « ...l'article 3 de l'acte de cession, M. [C] [V] déclarait expressément être en longue maladie depuis le 10 février 2012 et ne plus exercer son activité après la signature de l'acte de cession du 6 novembre 2013 » la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de cession imputant la cessation d'activité à la maladie du salarié, a violé le principe susvisé ;

3°) ALORS QUE la démission du salarié suppose la manifestation, à l'intention de l'employeur, de sa volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail ; que la maladie du salarié n'emporte pas de plein droit rupture du contrat de travail mais en suspend uniquement l'exécution ; qu'à l'issue de cette suspension, si le salarié est déclaré définitivement inapte à son emploi après la visite de reprise, il appartient à l'employeur de le reclasser et, en cas d'impossibilité de reclassement, de le licencier ; que dès lors un VRP, dont le contrat de travail est suspendu en raison d'une longue maladie rendant prévisible son inaptitude totale à la reprise de son emploi, et qui, cédant à un tiers la valeur de la clientèle qu'il a développée, déclare au cessionnaire qu'il ne reprendra pas son activité de représentation « en raison de cette maladie », ne manifeste pas sans équivoque, à l'intention de l'employeur à qui il demande d'autoriser la cession dans ces termes, sa volonté de rompre le contrat de travail suspendu ; qu'en retenant à l'appui de sa décision concluant que cette cession avait « mis terme au contrat de VRP...de la seule initiative de M. [C] [V] », que dans « ...l'article 3 de l'acte de cession, M. [C] [V] déclarait expressément être en longue maladie depuis le 10 février 2012 et ne plus exercer son activité après la signature de l'acte de cession du 6 novembre 2013 » quand la déclaration, par M. [V], VRP atteint d'une pathologie le rendant médicalement inapte à son emploi, de ce qu'il ne reprendrait pas son activité « en raison de sa maladie » ne pouvait être assimilée à la manifestation sans équivoque de sa volonté de démissionner, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble les articles L.1226-2 et L.1226-4 du code du travail


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-15713
Date de la décision : 16/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 09 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 nov. 2022, pourvoi n°21-15713


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.15713
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