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16/11/2022 | FRANCE | N°21-14061

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 novembre 2022, 21-14061


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 novembre 2022

Cassation partielle sans renvoi

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1206 F-D

Pourvoi n° T 21-14.061

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 NOVEMBRE 2022

La société

BT Lec Est, société coopérative de commerçants détaillants à forme anonyme, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a f...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 novembre 2022

Cassation partielle sans renvoi

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1206 F-D

Pourvoi n° T 21-14.061

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 NOVEMBRE 2022

La société BT Lec Est, société coopérative de commerçants détaillants à forme anonyme, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-14.061 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [D] [K], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société BT Lec Est, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 27 janvier 2021), M. [K] a été engagé par la société BT Lec Est en qualité d'agent polyvalent de magasinage le 15 juin 2010. L'employeur applique dans son entreprise la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

2. Revendiquant l'application de la convention collective nationale du commerce de gros, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire applicable au contrat de travail du salarié la convention collective nationale de gros, d'accueillir en son principe la demande en paiement de prime d'ancienneté formée par le salarié et de le condamner à lui payer une somme à titre de rappel de cette prime, alors « que l'application d'une convention collective dépend de l'activité réelle et principale de l'entreprise ; que les conventions collectives déterminent leur champ d'application professionnel en termes d'activités économiques ; que la convention collective des commerces de gros (IDCC 573) ne vise pas, dans son article 1er relatif à son champ d'application l'activité de centrale d'achat non alimentaires", ni même celle de commerce de gros d'appareils électroménagers ; que l'activité économique de commerce de gros de matériel électrique et électronique" visée par ladite convention collective, ne correspond qu'au commerce de gros de fils et câbles, conduits et chemins de câbles, éclairage, génie climatique, appareillages domestiques et petit tertiaire (exemple interrupteurs), appareillage industriel et grand tertiaire, mesures, piles, outillages, fixations?", ainsi que cela résulte de l'intention des parties signataires de la convention, dont le secteur d'activité en cause est représenté par la Fédération nationale des syndicats de grossistes en matériel électrique et électronique, devenue la Fédération des distributeurs de matériels électriques (FDME) ; qu'en retenant cependant, par motifs adoptés, que l'activité d'achats d'appareils électroménagers par la société BT Lec Est relève du commerce de gros et donc de la convention collective des commerces de gros, aux motifs que parmi les conventions collectives applicables à cette activité principale de centrale d'achats non alimentaires figure celle du commerce de gros" et que cette convention ne précise nullement que la mention ‘commerce de gros de matériel électrique et électronique' ne se rapporterait qu'aux composants électriques et électroniques comme des diodes, des câbles, des prises?", la cour d'appel a violé l'article 1er de la convention collective nationale des commerces de gros du 23 juin 1970, ensemble l'article L. 2261-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1er de la convention collective nationale du commerce de gros :

4. Selon ce texte, la présente convention règle sur l'ensemble du territoire national les rapports entre employeurs et salariés des professions dont l'activité exclusive ou principale est le commerce de gros et dont le champ d'application professionnel, défini en termes d'activité économique, est le suivant : (...)
732-2 58-04 Commerce de gros de matériel électrique et électronique,
(...)
Les numéros INSEE et les codes APE sont donnés à titre indicatif. Dans le cas d'entreprises à activités multiples (activités de commerces de gros, de prestations de services, de production ou de détail, commercialisant des articles relevant de branches différentes), la convention collective s'appliquera en fonction de l'activité principale déterminée selon les règles de la jurisprudence de la Cour de cassation.

5. Le commerce de gros de matériel électrique et électronique est relatif au commerce de gros de fils, d'interrupteurs et d'autres matériels d'installation électrique à usage professionnel ainsi que d'autres matériels électriques tels que les moteurs et les transformateurs et non au commerce de gros d'appareils électroménagers.

6. Pour dire la convention collective nationale du commerce de gros applicable et condamner l'employeur au paiement d'un rappel de prime d'ancienneté, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la convention collective ne précise nullement que la mention commerce de gros de matériel électrique et électronique" ne se rapporte qu'à des composants électriques et électroniques comme des diodes, des câbles, des prises... et que les appareils électroménagers achetés par la société BT Lec Est Witry, et de ce fait l'activité principale de la société, relèvent bien du commerce de gros, et donc de la convention collective nationale du commerce de gros.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte sus-visé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. La convention collective nationale du commerce de gros n'étant pas applicable à la relation de travail, le salarié doit être débouté de ses demandes en paiement d'une prime d'ancienneté et de remise de bulletin de salaire conforme.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit la convention collective nationale du commerce de gros applicable au contrat de travail de M. [K], fait droit, en son principe à la demande en paiement de prime d'ancienneté formée par M. [K], condamne la société BT Lec Est à payer à M. [K] la somme de 941,76 euros au titre du rappel de prime d'ancienneté et celles de 500 euros et 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ordonne la remise, par la société coopérative BT Lec Est à M. [K] d'un bulletin de paie conforme aux termes de la décision et condamne l'employeur aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 27 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que la convention collective nationale du commerce de gros ne s'applique pas au contrat de travail de M. [K] ;

Déboute M. [K] de ses demandes relatives à l'application de cette convention collective ;

Condamne M. [K] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes de Reims et la cour d'appel de Reims ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Dumont, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société BT Lec Est

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société B.T. Lec-Est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Reims du 8 août 2019 en ce qu'il avait dit applicable au contrat de travail du salarié la convention collective des commerces de gros et en ce qu'il avait fait droit, en son principe, à la demande en paiement de prime d'ancienneté formée par le salarié et de l'avoir condamnée à payer au salarié la somme de 941,76 euros au titre de rappel de prime d'ancienneté ;

1°) Alors que l'application d'une convention collective dépend de l'activité réelle et principale de l'entreprise, la mention de son code NAF/APE attribué par l'Insee sur les bulletins de paie du salarié n'ayant qu'une valeur indicative ; qu'en l'espèce, pour retenir que la société BT Lec Est avait pour activité principale celle d'une centrale d'achat non alimentaires, la cour d'appel s'est contentée de relever, par motifs adoptés, que les bulletins de paie du salarié et les informations légales publiées concernant la société indiquaient que cette dernière relevait du code NAF/APE 4619A, correspondant à l'activité de centrale d'achats non alimentaires (jugement p. 5, § 12 à 14, p. 6, § 4 à 9) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme elle le devait, quelle était l'activité réelle et principale exercée par la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2261-2, alinéa 1er, du code du travail ;

2°) Alors que l'application d'une convention collective dépend de l'activité réelle et principale de l'entreprise ; que les conventions collectives déterminent leur champ d'application professionnel en termes d'activités économiques ; que la convention collective des commerces de gros (IDCC 573) ne vise pas, dans son article 1er relatif à son champ d'application l'activité de « centrale d'achat non alimentaires », ni même celle de commerce de gros d'appareils électroménagers ; que l'activité économique de « commerce de gros de matériel électrique et électronique » visée par ladite convention collective, ne correspond qu'au commerce de gros de « fils et câbles, conduits et chemins de câbles, éclairage, génie climatique, appareillages domestiques et petit tertiaire (exemple interrupteurs), appareillage industriel et grand tertiaire, mesures, piles, outillages, fixations? », ainsi que cela résulte de l'intention des parties signataires de la convention, dont le secteur d'activité en cause est représenté par la Fédération nationale des syndicats de grossistes en matériel électrique et électronique, devenue la Fédération des distributeurs de matériels électriques (FDME) ; qu'en retenant cependant, par motifs adoptés, que l'activité d'achats d'appareils électroménagers par la société BT Lec Est relève du commerce de gros et donc de la convention collective des commerces de gros (jugement p. 6, § 13), aux motifs que « parmi les conventions collectives applicables à cette activité principale de centrale d'achats non alimentaires figure celle du commerce de gros (IDCC 573) » (jugement p. 6, § 8) et que cette convention « ne précise nullement que la mention ‘commerce de gros de matériel électrique et électronique' ne se rapporterait qu'aux composants électriques et électroniques comme des diodes, des câbles, des prises? » (jugement p. 6, § 12), la cour d'appel a violé l'article 1er de la convention collective nationale des commerces de gros du 23 juin 1970, ensemble l'article L. 2261-2 du code du travail ;

3°) Alors que l'application d'une convention collective dépend de l'activité réelle et principale de l'entreprise ; que les conventions collectives déterminent leur champ d'application professionnel en termes d'activités économiques ; que la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 (IDCC 2216) vise, en son article 1.1 relatif à son champ d'application, les « activités de commerce de gros », parmi lesquelles les « centrales d'achats de produits de grande consommation appartenant aux entreprises du commerce de détail à prédominance alimentaire (alimentations générales, supérettes, supermarchés, hypermarchés) » ; que la convention précise, en son article 1.1 que « les codes NAF de l'INSEE mentionnés au regard des descriptifs d'activités économiques sont donnés à titre indicatif » ; qu'en retenant cependant, par motifs adoptés, que le code NAF 4619A ne rentrait pas dans l'application de la convention collective du commerce de gros à prédominance alimentaire (jugement p. 6, § 2 et 3) et que « la société BT Lec Est Witry ne [pouvait] valablement soutenir (?) que son activité principale [relevait] de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, étant donné qu'elle ne traite pas de produits alimentaires » (jugement p. 6, § 14), la cour d'appel a violé l'article 1.1 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 (IDCC 2216), ensemble l'article L. 2261-2 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

La société B.T. Lec-Est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Reims du 8 août 2019 en ce qu'il avait fait droit, en son principe, à la demande en paiement de prime d'ancienneté formée par le salarié et de l'avoir condamnée à payer au salarié la somme de 941,76 euros au titre de rappel de prime d'ancienneté ;

1°) Alors que, l'article IV.A de l'accord de branche du 5 mai 1992 relatif aux classifications dans la branche du commerce de gros prévoit une rémunération globale minimale calculée en fonction de l'ancienneté du salarié mais n'institue pas au profit de ce dernier une prime d'ancienneté ; qu'en faisant cependant droit à la demande du salarié en paiement d'une prime d'ancienneté, la cour d'appel a violé l'article IV.A de l'accord de branche du 5 mai 1992 relatif aux classifications dans la branche du commerce de gros ;

2°) Alors que, pour apprécier le montant des rappels de salaires dus au salarié au titre de la garantie d'ancienneté, il convient de se référer aux salaires mensuels conventionnels, la garantie d'ancienneté étant égale à la somme des douze salaires mensuels conventionnels de l'année civile écoulée, majorée d'un pourcentage dont le taux évolue en fonction de l'ancienneté acquise par le salarié ; qu'en faisant droit à la demande du salarié sans avoir déterminé le montant de la rémunération minimale conventionnelle, comme elle y était pourtant invitée par la société BT Lec Est (conclusions d'appel de la société BT Lec Est p. 12, § 1 et 2), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article IV.A de l'accord de branche du 5 mai 1992 relatif aux classifications dans la branche du commerce de gros


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-14061
Date de la décision : 16/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 27 janvier 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 nov. 2022, pourvoi n°21-14061


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.14061
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