LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 novembre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1135 F-D
Pourvoi n° N 20-23.482
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2022
M. [D] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-23.482 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de M. [O], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 octobre 2020), M. [O], médecin généraliste (le professionnel de santé) a fait l'objet d'un contrôle de facturation portant sur la période du 1er janvier 2013 au 29 avril 2016, à l'issue duquel la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin (la caisse) lui a notifié un indu.
2. Le professionnel de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches
Enoncé du moyen
4. Le professionnel de santé fait grief à l'arrêt de rejeter le recours, alors :
« 1°/ que le médecin peut pratiquer un test initial d'évaluation de la dépression coté ALQP003, puis un ou plusieurs examens de contrôle au cours de la même année lorsqu'il l'estime nécessaire ; qu'en décidant néanmoins que la tarification de l'acte coté ALQP003 était limitée à un diagnostic initial et à un éventuel examen annuel de contrôle, soit au maximum deux actes remboursables la première année, puis un acte par an les années suivantes, bien que la classification commune des actes médicaux n'ait pas exclu la facturation par le médecin de plusieurs examens de contrôle au cours de la même année, la Cour d'appel a violé l'article L. 162-1-7 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 01.01.13 relatif aux tests neuropsychologiques de la Classification commune des actes médicaux résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;
2°/ que le médecin peut pratiquer un test d'évaluation initial d'un déficit cognitif coté ALQP006, puis au moins un examen de contrôle lorsqu'il l'estime nécessaire au cours de l'année, soit au minimum deux actes remboursables la première année ; qu'en décidant néanmoins que, s'agissant de la cotation ALQP006, le Docteur [O] ne pouvait procéder qu'à une cotation par an, la cour d'appel a violé l'article L. 162-1-7 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 01.01.13 relatif aux tests neuropsychologiques de la Classification commune des actes médicaux résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;
5°/ que le médecin peut pratiquer un test d'évaluation initial d'un déficit cognitif coté ALQP006 ou d'un trouble dépressif coté ALQP003, puis un examen de contrôle lorsqu'il l'estime nécessaire au cours de l'année, soit deux actes par an ; qu'en décidant néanmoins que la pratique de facturation par le professionnel de santé n'était pas conforme à la classification commune des actes médicaux, après avoir pourtant constaté que, s'agissant de Monsieur [H], le professionnel de santé avait facturé des actes les 9 et 24 mai 2014, pour Monsieur [T], les 21 octobre et 25 novembre 2014, et pour Madame [K], les 3 février et 26 février 2015, ce dont il résultait que, pour ces patients, le Docteur [O] avait facturé seulement deux actes au cours de la même année, la Cour d'appel, qui a méconnu les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constations, a violé les articles L. 162-1-7 du Code de la sécurité sociale et 01.01.13 relatif aux tests neuropsychologiques de la Classification commune des actes médicaux résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie d'un acte réalisé par un professionnel de santé est subordonnée à son inscription sur une liste établie dans les conditions fixées par ce texte.
6. Aux termes de l'article 01.01.13 de la Classification commune des actes médicaux résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, les tests neuropsychologiques doivent être facturés selon les modalités suivantes : « Diagnostic initial et éventuel examen annuel de contrôle ».
7. Il en résulte que les tests d'évaluation d'une dépression, cotés ALQP003, et les tests d'évaluation d'un déficit cognitif, cotés ALQP006, ne peuvent être facturés à l'assurance maladie qu'une fois par an.
8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
9. Le professionnel de santé formule le même grief, alors :
« 3°/ qu'il appartient à l'organisme social qui agit en répétition de l'indu de rapporter la preuve du caractère indu des sommes versées ; qu'en décidant néanmoins, pour condamner le professionnel de santé à restituer à la caisse la somme qu'elle lui avait versée, qu'il ne démontrait pas que les tableaux établis par la caisse étaient erronés, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble la Classification commune des actes médicaux résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;
4°/ que le médecin peut pratiquer un test d'évaluation initial d'un déficit cognitif coté ALQP006 ou d'un trouble dépressif coté ALQP003, puis un examen de contrôle lorsqu'il l'estime nécessaire au cours de l'année ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner le professionnel de santé à restituer à la caisse la somme qu'elle lui avait versée, que la pratique de facturation par celui-ci n'était pas conforme à la classification commune des actes médicaux, sans constater que ce dernier avait, pour chacun des patients, méconnu les règles de facturation qu'elle décidait d'appliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 162-1-7 du Code de la sécurité sociale et 01.01.13 relatif aux tests neuropsychologiques de la Classification commune des actes médicaux résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. »
Réponse de la Cour
10. Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation issues de la classification commune des actes médicaux, de rapporter la preuve du caractère indu des sommes versées.
11. L'arrêt constate, après avoir énoncé que c'est à bon droit que la pratique de la facturation par le professionnel de santé a été déclarée non conforme à la classification commune des actes médicaux par la caisse, que cette dernière produit des tableaux détaillant l'indu réclamé acte par acte. Il ajoute qu'au soutien de sa contestation, le professionnel de santé produit ces mêmes tableaux sur lesquels ont été surlignées les analyses prétendument erronées, sans aucune indication de la nature de l'erreur relevée, en sorte que la cour ne peut se livrer à aucune vérification.
12. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [O] et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. [O]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Monsieur [D] [O] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir déclarer la procédure de recouvrement irrégulière et à voir annuler la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin lui enjoignant de restituer la somme de 31.994,70 euros, puis de l'avoir condamné à payer à celle-ci la somme prétendument indue de 31.994,70 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2017, et 3.199,47 euros à titre de majoration ;
1°) ALORS QUE la notification de payer précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, et mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ou présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie ; qu'en décidant néanmoins que la notification de payer adressée au Docteur [O] était suffisamment motivée, dès lors qu'elle faisait référence au contrôle des conditions de facturation et au constat de la facturation à tort d'actes techniques cotés ALQP003 et ALQP006, induisant un indu d'un montant de 31.994,70 euros, après avoir pourtant constaté que les tableaux permettant d'identifier les actes contestés n'avaient pas été joints à la lettre de notification de payer, la Cour d'appel, qui a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-4, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, et R. 133-9-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-147 du 27 février 2019 ;
2°) ALORS QUE la notification de payer précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, et mentionne l'existence d'un délai de deux mois à compter de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ou présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie ; que l'irrégularité affectant la notification de payer ayant privé l'intéressé de la possibilité de présenter ses observations dans le délai de deux mois à compter de la notification, la connaissance de la cause et de la nature des sommes réclamées par l'assuré au cours de la procédure judiciaire n'est pas de nature à régulariser la notification d'indu ; qu'en décidant néanmoins que la procédure de recouvrement de l'indu était régulière, dès lors que les tableaux permettant d'identifier les actes contestés, qui avaient été omis lors de l'envoi de la notification de payer, avaient été finalement transmis par la Caisse au Docteur [O] après la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale, la Cour d'appel a violé les articles L. 133-4, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, et R. 133-9-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-147 du 27 février 2019 ;
3°) ALORS QUE la notification de payer irrégulière ne peut servir de base au recouvrement des sommes litigieuses ; qu'en décidant néanmoins, qu'en toute hypothèse, l'article L. 133-4 du Code de la sécurité sociale ne prévoit pas la nullité de la procédure de recouvrement de l'indu en présence d'une notification de payer irrégulière, bien que l'irrégularité de la notification de payer ait entraîné l'irrégularité de la procédure de recouvrement de l'indu, de sorte que la notification ne pouvait servir de base au recouvrement de l'indu, la Cour d'appel a violé les articles L. 133-4, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, et R. 133-9-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-147 du 27 février 2019.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Monsieur [D] [O] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir annuler la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin lui enjoignant de restituer la somme de 31.994,70 euros, puis de l'avoir condamné à payer à celle-ci la somme prétendument indue de 31.994,70 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2017, et 3.199,47 euros à titre de majoration ;
1°) ALORS QUE le médecin peut pratiquer un test initial d'évaluation de la dépression coté ALQP003, puis un ou plusieurs examens de contrôle au cours de la même année lorsqu'il l'estime nécessaire ; qu'en décidant néanmoins que la tarification de l'acte coté ALQP003 était limitée à un diagnostic initial et à un éventuel examen annuel de contrôle, soit au maximum deux actes remboursables la première année, puis un acte par an les années suivantes, bien que la classification commune des actes médicaux n'ait pas exclu la facturation par le médecin de plusieurs examens de contrôle au cours de la même année, la Cour d'appel a violé l'article L. 162-1-7 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 01.01.13 relatif aux tests neuropsychologiques de la Classification commune des actes médicaux résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;
2°) ALORS QUE le médecin peut pratiquer un test d'évaluation initial d'un déficit cognitif coté ALQP006, puis au moins un examen de contrôle lorsqu'il l'estime nécessaire au cours de l'année, soit au minimum deux actes remboursables la première année ; qu'en décidant néanmoins que, s'agissant de la cotation ALQP006, le Docteur [O] ne pouvait procéder qu'à une cotation par an, la Cour d'appel a violé l'article L. 162-1-7 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 01.01.13 relatif aux tests neuropsychologiques de la Classification commune des actes médicaux résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;
3°) ALORS QU'il appartient à l'organisme social qui agit en répétition de l'indu de rapporter la preuve du caractère indu des sommes versées ; qu'en décidant néanmoins, pour condamner le Docteur [O] à restituer à la Caisse la somme qu'elle lui avait versée, qu'il ne démontrait pas que les tableaux établis par la caisse étaient erronés, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble la Classification commune des actes médicaux résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;
4°) ALORS QUE le médecin peut pratiquer un test d'évaluation initial d'un déficit cognitif coté ALQP006 ou d'un trouble dépressif coté ALQP003, puis un examen de contrôle lorsqu'il l'estime nécessaire au cours de l'année ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner le Docteur [O] à restituer à la Caisse la somme qu'elle lui avait versée, que la pratique de facturation par le Docteur [O] n'était pas conforme à la classification commune des actes médicaux, sans constater que ce dernier avait, pour chacun des patients, méconnu les règles de facturations qu'elle décidait d'appliquer, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 162-1-7 du Code de la sécurité sociale et 01.01.13 relatif aux tests neuropsychologiques de la Classification commune des actes médicaux résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;
5°) ALORS QUE le médecin peut pratiquer un test d'évaluation initial d'un déficit cognitif coté ALQP006 ou d'un trouble dépressif coté ALQP003, puis un examen de contrôle lorsqu'il l'estime nécessaire au cours de l'année, soit deux actes par an ; qu'en décidant néanmoins que la pratique de facturation par le Docteur [O] n'était pas conforme à la classification commune des actes médicaux, après avoir pourtant constaté que, s'agissant de Monsieur [H], le Docteur [O] avait facturé des actes les 9 et 24 mai 2014, pour Monsieur [T], les 21 octobre et 25 novembre 2014, et pour Madame [K], les 3 février et 26 février 2015, ce dont il résultait que, pour ces patients, le Docteur [O] avait facturé seulement deux actes au cours de la même année, la Cour d'appel, qui a méconnu les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constations, a violé les articles L. 162-1-7 du Code de la sécurité sociale et 01.01.13 relatif aux tests neuropsychologiques de la Classification commune des actes médicaux résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.