LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
OR
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 novembre 2022
Cassation
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1190 F-D
Pourvoi n° C 21-19.590
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022
1°/ M. [S] [X], domicilié [Adresse 1],
2°/ la Fédération nationale des industries chimiques CGT (FNIC CGT), dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° C 21-19.590 contre le jugement rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant à la société Continental France, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [X] et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT (FNIC CGT), de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Continental France, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Sommé, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Sarreguemines, 6 juillet 2021), par une lettre du 27 janvier 2021 dont il a été accusé réception le 1er février 2021 et par un message électronique, la Fédération nationale des industries chimiques CGT (la FNIC-CGT) a informé la société Continental France (la société), une entreprise employant moins de 2 000 salariés, de la désignation de M. [X] en qualité de délégué syndical central.
2. Par requête du 16 février 2021, la société a saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de cette désignation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. La FNIC-CGT et le salarié font grief au jugement d'annuler la désignation de celui-ci comme délégué syndical central, alors « que le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, le syndicat CGT indiquait dans son courrier du 27 janvier 2021 que M. [X] était remplacé dans son mandat de délégué syndical d'établissement à compter du 1er février 2021 seulement ; qu'en jugeant qu'il a cessé ses fonctions le 27 janvier 2021, le tribunal a dénaturé cette pièce en violation de l'interdiction de dénaturer les pièces soumises à son examen. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci n'est pas dirigé contre le chef du jugement rejetant les demandes et moyens du salarié et de la FNIC-CGT.
5. Cependant le moyen critique le jugement en ce qu'il annule la désignation du salarié.
6. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause :
7. Pour annuler la désignation du salarié, l'arrêt retient que celui-ci « a été nommé délégué central le 28. 01. 21, après avoir cessé ses fonctions de délégué d'établissement le 27. 01. 21 (date de la lettre de retrait de désignation du syndicat) ».
8. En statuant ainsi, alors que, dans cette lettre, il était écrit « nous vous informons que nous désignons Monsieur [M] [T] en remplacement de Monsieur [X] [S] comme délégué syndical de Continental Pneus Sarreguemines à compter du 01/ 02 /2021 », le tribunal judiciaire en a dénaturé les termes clairs et précis.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 6 juillet 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Sarreguemines ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Metz ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [X], la Fédération nationale des industries chimiques CGT (FNIC CGT)
La fédération syndicale FNIC-CGT et M. [X] font grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé la désignation de M. [X] comme délégué syndical central CGT.
1° ALORS QUE le point de départ du délai de contestation de la désignation d'un délégué syndical est, pour l'employeur, le jour suivant où il a eu connaissance certaine de cette désignation ; que la notification de la désignation d'un délégué syndical à l'employeur peut se faire par tout moyen lui conférant date certaine, la notification par lettre recommandée avec avis de réception n'étant qu'un moyen de preuve ; qu'en l'espèce, il est constant que la fédération syndicale a notifié à l'employeur, par courriel du 29 janvier 2021 lu le même jour, la désignation d'un délégué syndical central ; qu'en jugeant que « l'envoi d'un e-mail en parallèle de la LRAR n'a pas avancé la date de notification car la loi ne donne qu'à la LRAR valeur de notification », sans rechercher, comme il y était invité, si l'employeur avait eu connaissance certaine de la désignation syndicale au jour de l'envoi du courriel, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2143-7, L. 2143-8 et D. 2143-4 du code du travail et 641 et 642 du code de procédure civile.
2° ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, le syndicat CGT indiquait dans son courrier du 27 janvier 2021 (pièce n° 2 versée par la société) que M. [X] était remplacé dans son mandat de délégué syndical d'établissement à compter du 1er février 2021 seulement ; qu'en jugeant qu'il a cessé ses fonctions le 27 janvier 2021, le tribunal a dénaturé cette pièce en violation de l'interdiction de dénaturer les pièces soumises à son examen.