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09/11/2022 | FRANCE | N°21-18914

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 novembre 2022, 21-18914


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 novembre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 771 F-D

Pourvoi n° T 21-18.914

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022

Mme [S] [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le

pourvoi n° T 21-18.914 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 novembre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 771 F-D

Pourvoi n° T 21-18.914

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2022

Mme [S] [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-18.914 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [P], domicilié [Adresse 3],

2°/ à M. [V] [I], domicilié [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [E], de la SARL Corlay, avocat de MM. [P] et [I], après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 6 avril 2021), Mme [E] a acquis les parcelles cadastrées [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 15] par un acte du 21 mars 2007 mentionnant, au titre du rappel des servitudes, que les parties sud-ouest et sud de la parcelle [Cadastre 6] servent de chemin d'accès, respectivement, au fonds cadastré [Cadastre 10] à [Cadastre 12] et aux propriétés attenantes, notamment, aux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9].

2. Mme [E] a assigné en dénégation de servitude et en interdiction de passage M. [I], propriétaire de plusieurs terrains agricoles et, notamment, de la parcelle cadastrée [Cadastre 14], ainsi que M. [P] qui les exploite en qualité de preneur à bail rural.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

3. Mme [E] fait grief à l'arrêt de constater que M. [I] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], alors « que le juge ne peut retenir l'existence d'un fait spécialement contesté par l'une des parties par voie de simple affirmation, sans viser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde pour justifier son existence ; qu'en se bornant à affirmer qu'un jugement d'adjudication de 1853 avait créé, au profit de la parcelle [Cadastre 14] appartenant à M. [I], une servitude de passage affectant la parcelle cadastrée [Cadastre 6] de Mme [E], quand ce jugement grevait d'une servitude de passage les cinquième, sixième et septième divisions (de l')article treize de la métairie et de la dépendance de la Cour de Souil, sans viser aucun élément de preuve duquel il serait ressorti que l'une de ces divisions de l'immeuble adjugé, fonds servants, était devenue la parcelle cadastrée [Cadastre 6] sur laquelle le passage était revendiqué, ce que l'exposante contestait, rappelant que l'expert avait tenu ce jugement pour inexploitable en raison de l'impossibilité d'identifier les fonds en cause, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

5. Pour reconnaître l'existence d'une servitude conventionnelle grevant la parcelle [Cadastre 6], l'arrêt relève qu'un acte d'adjudication du 16 janvier 1853 a institué un droit de passage dans les termes suivants : « article 19 Les cinquième, sixième et septième divisions du dit article treize souffriront au bout du midi un droit de passage de six mètres de largeur au profit [...] 4°) de l'article 33 le pré des chambres section D n° 376 » et en déduit que cet acte prévoit que ces divisions supportent une servitude de passage en leur midi pour permettre l'accès notamment à la parcelle [Cadastre 13], aujourd'hui cadastrée [Cadastre 14] tel qu'il ressort de l'examen des plans cadastraux et appartenant à M. [I].

6. En statuant ainsi, sans donner aucun motif établissant que la parcelle [Cadastre 6] est issue des divisions supportant la servitude de passage instituée par l'acte du 16 janvier 1853, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. Mme [E] fait le même grief à l'arrêt, alors « que, dans ses dernières conclusions, Mme [E] soutenait que la parcelle cadastrée [Cadastre 6] ne pouvait être grevée de la servitude de passage rappelée dans son acte d'acquisition au profit des parcelles de M. [I] dès lors qu'aucune n'y était attenante ; qu'en se fondant, pour juger que M. [I] bénéficiait d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], sur le rappel, dans l'acte d'acquisition de Mme [E], d'une servitude, ainsi rédigée : la partie sud de la parcelle [Cadastre 6] sert de chemin d'accès aux propriétés attenantes, notamment aux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 2], sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

9. Pour reconnaître l'existence d'une servitude conventionnelle grevant la parcelle [Cadastre 6], l'arrêt retient que les termes de l'acte 21 mars 2007 mentionnant, au titre du rappel des servitudes, que sa partie sud sert de chemin d'accès aux propriétés attenantes, notamment aux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9], ne restreignent pas aux deux parcelles désignées l'usage de la parcelle [Cadastre 6] en tant que chemin d'accès.

10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [E], qui soutenait que les terres appartenant à M. [I] ne sont pas attenantes à la parcelle [Cadastre 6] dont elle est propriétaire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate que M. [I] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6] appartenant à Mme [N], l'arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;

Condamne MM. [I] et [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [I] et [P] et les condamne à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [E]

Mme [E] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté que M. [V] [I] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], propriété de Mme [S] [E] ;

1°) ALORS QUE le titre récognitif doit faire référence au titre constitutif de la servitude ; qu'en se fondant, pour juger M. [I] bénéficiait d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], sur le rappel, dans l'acte d'acquisition de Mme [E], d'une servitude, ainsi rédigé : « la partie sud de la parcelle [Cadastre 6] sert de chemin d'accès aux propriétés attenantes, notamment aux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 2] » (cet acte, p. 8, reproduit par l'arrêt, p. 10, al. 5) cependant qu'il résultait de ses propres constatations que cet acte ne faisait pas référence au titre constitutif de cette servitude, de sorte qu'il ne pouvait valoir titre recognitif de la servitude revendiquée, la cour d'appel a violé l'article 695 du code civil ;

2°) ALORS QUE, dans ses dernières conclusions, Mme [E] soutenait que la parcelle cadastrée [Cadastre 6] ne pouvait être grevée de la servitude de passage rappelée dans son acte d'acquisition au profit des parcelles de M. [I] dès lors qu'aucune n'y était « attenante » ; qu'en se fondant, pour juger que M. [I] bénéficiait d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], sur le rappel, dans l'acte d'acquisition de Mme [E], d'une servitude, ainsi rédigée : « la partie sud de la parcelle [Cadastre 6] sert de chemin d'accès aux propriétés attenantes, notamment aux parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 2] », sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par un titre, qui ne peut être remplacé que par un titre recognitif ; qu'en se fondant, pour juger M. [I] bénéficiait d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], sur un passage du rapport d'expertise, relatant l'opinion que l'expert s'était faite de la configuration et de l'usage des lieux (arrêt, p. 10, al. 7), quand de telles considérations, au demeurant imprécises, étaient impropres à établir l'existence de la servitude revendiquée, la cour d'appel a violé les articles 691 et 695 du code civil ;

4°) ALORS QUE le juge ne peut retenir l'existence d'un fait spécialement contesté par l'une des parties par voie de simple affirmation, sans viser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde pour justifier son existence ; qu'en se bornant à affirmer qu'un jugement d'adjudication de 1853 avait créé, au profit de la parcelle [Cadastre 14] appartenant à M. [I], une servitude de passage « affectant » la parcelle cadastrée [Cadastre 6] de Mme [E] (arrêt, p. 11), quand ce jugement grevait d'une servitude de passage les « cinquième, sixième et septième divisions (de l')article treize » de « la métairie et de la dépendance de la Cour de Souil » (ce jugement p. 6 et 1), sans viser aucun élément de preuve duquel il serait ressorti que l'une de ces « divisions » de l'immeuble adjugé, fonds servants, était devenue la parcelle cadastrée [Cadastre 6] sur laquelle le passage était revendiqué, ce que l'exposante contestait, rappelant que l'expert avait tenu ce jugement pour inexploitable en raison de l'impossibilité d'identifier les fonds en cause, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE l'acte du 15 juin 1923 instituait une servitude de passage au profit de la « propriété du bois du four », qui « s'exercer(ait) sur un chemin (?) en tant qu'il dépend(ait) des propriétés des vendeurs comparants de la manière suivante, savoir », notamment, « Le milieu de la propriété des consorts [C], cadastrée section [Cadastre 13] (ladite propriété coupée en deux par ce chemin) » (cet acte, p. 4) : qu'en jugeant que la servitude constituée par cet acte « profitait » notamment à la parcelle [Cadastre 13], devenue la parcelle cadastrée [Cadastre 14], appartenant à M. [I], quand il en ressortait clairement que cette parcelle était l'un des fonds servants de la servitude instituée par cet acte, la cour d'appel l'a dénaturé, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

6°) ALORS QUE l'acte du 15 juin 1923 instituait une servitude de passage grevant, notamment, « L'extrémité midi de la propriété des consorts [T], section [Cadastre 11] et [Cadastre 4] » (cet acte, p. 4) ; qu'en jugeant que la servitude constituée par cet acte grevait la parcelle [Cadastre 6], appartenant à Mme [E], dès lors que les consorts [T]-[B], dont la « parcelle (était) affectée » de cette servitude, étaient ses auteurs (arrêt, p. 11, al. 7), quand l'acte limitait clairement l'assiette de la servitude aux parcelles « section [Cadastre 11] et [Cadastre 4] » des consorts [T] qui, selon ses propres constatations souveraines, étaient devenues les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 2] (arrêt, p. 11, al. 3), la cour d'appel a dénaturé cet acte, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

7°) ALORS QU'une servitude est un droit réel établi au profit d'un fonds et non en faveur d'une personne ; qu'en jugeant que M. [I] bénéficiait d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], la cour d'appel a violé l'article 686 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-18914
Date de la décision : 09/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 06 avril 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 nov. 2022, pourvoi n°21-18914


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Corlay

Origine de la décision
Date de l'import : 15/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.18914
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