LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 octobre 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 746 F-D
Pourvoi n° G 21-21.136
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2022
La Métropole Aix-Marseille-Provence, dont le siège est [Adresse 9], a formé le pourvoi n° G 21-21.136 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre des expropriations), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [C] [X], domicilié [Adresse 1],
2°/ à [L] [X], ayant été domicilié [Adresse 8], décédé,
3°/ à Mme [U] [X], domiciliée [Adresse 8],
4°/ à Mme [Y] [X], domiciliée [Adresse 2],
5°/ à M. [T] [X], domicilié [Adresse 6],
6°/ à Mme [E] [P], veuve [X], domiciliée [Adresse 8],
tous quatre pris en qualité d'héritiers de [G] [X], décédé,
7°/ à Mme [W] [R], veuve [X], domiciliée [Adresse 8],
8°/ à M. [Z] [X], domicilié [Adresse 4],
9°/ à M. [T] [N] [X], domicilié [Adresse 5],
tous deux pris en qualité d'héritiers de [L] [X], décédé,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la Métropole Aix-Marseille-Provence, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des consorts [X], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. L'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 juin 2021) fixe les indemnités revenant à MM. [C] et [T] [X], Mmes [U] et [Y] [X], Mme [E] [P], Mme [W] [R] et [L] [X], décédé, aux droits duquel viennent MM. [T] [N] et [Z] [M] [X], (les consorts [X]) à la suite de l'expropriation partielle, au profit de la métropole Aix-Marseille-Provence, d'une parcelle leur appartenant en indivision.
Examen des moyens Sur le premier moyen, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
3. La métropole Aix-Marseille-Provence fait grief à l'arrêt de fixer comme il le fait l'indemnité de dépréciation du surplus due aux consorts [X], alors :
« 1°/ que, en application du principe de réparation intégrale, une indemnité de dépréciation du surplus ne peut être allouée que lorsque l'expropriation partielle d'un terrain porte atteinte à la valeur de la partie qui échappe à l'emprise ; qu'une telle atteinte ne peut se déduire de la seule réduction de l'assiette foncière lorsque cette réduction, laquelle est réparée par l'allocation de l'indemnité principale, n'en altère pas la substance ni n'en modifie les caractéristiques ; qu'en allouant aux consorts [X] une indemnité de dépréciation du surplus au motif que l'emprise ampute 43 % de leur parcelle sans préciser en quoi cette amputation modifie les caractéristiques de la partie dont ils conservent la propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 et L. 321-3 du code l'expropriation ;
2°/ que, pareillement, sans préciser en quoi la disparition d'arbres et d'une citerne affecterait la valeur de la partie du terrain conservée par les consorts [X], la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1 et L. 321-3 du code de l'expropriation. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
4. Selon ce texte, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
5. Pour allouer aux consorts [X] une indemnité de dépréciation du surplus correspondant à 15 % de la valeur de la partie de la parcelle non expropriée, l'arrêt retient que, s'il n'est produit aucune étude dressée par un professionnel qui permettrait de définir une perte de capacité de construction du reliquat hors emprise et si l'emprise est éloignée de l'habitation qui conserve son jardin d'agrément, il est indéniable qu'elle ampute de 43 % la parcelle des expropriés et fait disparaître des arbres ainsi qu'une citerne, sans preuve par l'expropriante que le déplacement de cette dernière serait possible.
6. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l'amputation du terrain diminuerait la valeur de la partie hors emprise dont les consorts [X] demeurent propriétaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe l'indemnité de dépréciation du surplus due par la métropole Aix-Marseille-Provence aux consorts [X] à la somme de 79 600 euros, l'arrêt rendu le 3 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne MM. [C], [T], [T] [N] et [Z] [M] [X],
Mme [E] [P], veuve [X], Mmes [U] et [Y] [X] et Mme [W] [R], veuve [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la Métropole Aix-Marseille-Provence
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La Métropole Aix-Marseille-Provence fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris ayant fixé l'indemnité principale due à monsieur [C] [X], monsieur [L] [X], madame [W] [R], madame [U] [X], madame [Y] [X], monsieur [T] [X], et madame [E] [P] ensemble la somme de 727.353 euros pour l'emprise de 3069 m² sur la parcelle [Cadastre 3] section [Cadastre 7] (d'une superficie totale de 7108 m²) et d'avoir confirmé le jugement de première instance ayant fixé l'indemnité de remploi due à monsieur [C] [X], monsieur [L] [X], madame [W] [R], madame [U] [X], madame [Y] [X], monsieur [T] [X], et madame [E] [P] ensemble pour l'emprise précitée a la somme de 73.735 euros ;
1°) Alors que les dispositions de l'article L. 322-8 du code de l'expropriation sont d'ordre public ; qu'il s'ensuit que le juge de l'expropriation est tenu de rechercher si les conditions de leur application sont remplies en examinant d'office l'intégralité des pièces versées aux débats en ce compris les pièces qui n'auraient pas été expressément visées ni même produites par la partie qui demande qu'il en soit fait application ; qu'en écartant l'application de ces dispositions au motif que les pièces produites par la Métropole Aix-Marseille-Provence ne permettaient pas de s'assurer que les accords amiables qu'elle invoquait étaient postérieurs à la déclaration d'utilité publique, condition nécessaire à ce qu'ils soient pris en compte, cependant que la date de ces accords était établie par l'annexe II des conclusions déposées par le Commissaire du Gouvernement, la cour d'appel a violé le texte sus-visé par refus d'application ;
2°) Alors que le juge de l'expropriation a l'obligation de tenir compte des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique dés lors qu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées ; que le juge est tenu de rechercher d'office si ces seuils ont été atteints ; qu'en écartant l'application de ces dispositions au motif que « la Métropole Aix-Marseille-Provence succombe à démontrer que les cessions à l'amiable sont intervenues avec la moitié des propriétaires dont les terrains étaient visés par l'opération d'aménagement projetée et que les superficies acquises représentent les deux tiers de la zone aménagée » (arrêt, p. 7) sans expliquer en quoi la conclusion d'accords amiables portant sur 47 des 49 visées par la déclaration d'utilité publique, lesquelles représentaient une surface de 43.301 m² sur un total de 46.661 m² visés par la déclaration, comme cela ressortait de l'annexe II des conclusions du Commissaire du Gouvernement et de l'enquête parcellaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 322-8 du code de l'expropriation ;
3°) Alors, en toute hypothèse, que tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant que « la Métropole Aix-Marseille-Provence succombe à démontrer que les cessions à l'amiable sont intervenues avec la moitié des propriétaires dont les terrains étaient visés par l'opération d'aménagement projetée et que les superficies acquises représentent les deux tiers de la zone aménagée » (arrêt, p. 7) après avoir retenu que « la presque totalité des acquisitions nécessaires aux travaux se sont faites à l'amiable » (arrêt, p. 4), la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
La Métropole Aix Marseille Provence fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnité de dépréciation du surplus due par la Métropole Aix-Marseille-Provence aux consorts [X] à la somme de 79.600 euros ;
1°) Alors que, en application du principe de réparation intégrale, une indemnité de dépréciation du surplus ne peut être allouée que lorsque l'expropriation partielle d'un terrain porte atteinte à la valeur de la partie qui échappe à l'emprise ; qu'une telle atteinte ne peut se déduire de la seule réduction de l'assiette foncière lorsque cette réduction, laquelle est réparée par l'allocation de l'indemnité principale, n'en altère pas la substance ni n'en modifie les caractéristiques ; qu'en allouant aux consorts [X] une indemnité de dépréciation du surplus au motif que l'emprise ampute 43 % de leur parcelle sans préciser en quoi cette amputation modifie les caractéristiques de la partie dont ils conservent la propriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 et L. 321-3 du code l'expropriation ;
2°) Alors que, pareillement, sans préciser en quoi la disparition d'arbres et d'une citerne affecterait la valeur de la partie du terrain conservée par les consorts [X], la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1 et L. 321-3 du code de l'expropriation.