LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 octobre 2022
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1140 FS-B
Pourvoi n° P 21-14.816
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022
La société Le Populaire du Centre (la société), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-14.816 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à M. [M] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Le Populaire du Centre, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [Y], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué ( Paris, 11 février 2021), M. [Y] a été engagé, le 1er octobre 1986, par la société Le Populaire du Centre (la société) et occupait en dernier lieu le poste de chef de rédaction adjoint en charge du service photographie.
2. Licencié pour faute grave le 16 janvier 2017, il a saisi la juridiction prud'homale le 11 mai 2017 aux fins de contester son licenciement et de demander l'allocation de diverses indemnités.
3. Le 10 avril 2018, le journaliste a saisi la commission arbitrale des journalistes aux fins de faire fixer son indemnité de licenciement et condamner la société à la lui verser.
4. La société a formé un recours en annulation contre la décision de la commission arbitrale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de confirmer la décision de la commission arbitrale ayant fixé le montant de l'indemnité de licenciement du journaliste en application de l'article L. 7112-4 du code du travail pour la totalité de son ancienneté de vingt-huit années, alors « que l'article L. 7112-4 du code du travail donne à la commission arbitrale des journalistes compétence pour réduire ou même supprimer le montant de l'indemnité de licenciement " en cas de faute grave ou de fautes répétées " ; qu'en revanche, il ne lui donne pas compétence pour se prononcer sur la matérialité et la gravité des faits fautifs qui motivent le licenciement, sur la base de critères distincts de ceux pris en compte par le conseil de prud'hommes ; qu'en affirmant cependant que " la commission arbitrale des journalistes a pleine compétence pour fixer l'indemnité de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur due en application de l'article L. 7112-4 du code du travail et retenir des critères pour y parvenir, indépendamment de ceux retenus par la juridiction prud'homale qui conserve la sienne du chef des autres préjudices pour lesquels le journaliste peut demander réparation", la cour d'appel a violé l'article L. 7112-4 du code du travail ».
Réponse de la Cour
6. La commission arbitrale des journalistes, compétente par application de l'article L. 7112-4 du code du travail pour réduire ou supprimer l'indemnité de licenciement due au journaliste en cas de faute grave ou de fautes répétées, doit, pour fixer le quantum ou supprimer cette indemnité, apprécier la gravité ou l'existence des fautes alléguées, sans que la décision de la juridiction prud'homale, statuant sur les autres indemnités réclamées au titre de la rupture du contrat de travail, ne s'impose à elle.
7. La cour d'appel a, ainsi, retenu, à bon droit, que la commission arbitrale avait la pleine compétence pour fixer l'indemnité de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur et retenir les critères pour y parvenir, indépendamment de ceux retenus par la juridiction prud'homale, qui conserve la sienne du chef des autres préjudices pour lesquels le journaliste peut demander réparation.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Énoncé du moyen
9. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que commet une faute grave le salarié responsable d'un service qui refuse de communiquer avec les salariés placés sous son autorité et se rend coupable de brimades, humiliations et dévalorisations ; qu'en l'espèce, pour justifier des faits reprochés au journaliste, la société avait produit aux débats le courrier des trois salariés du service photographie dénonçant le comportement de celui-ci à leur égard, le climat de travail malsain créé par ce dernier et leur souffrance psychologique, ainsi que le rapport d'enquête établi par un cabinet extérieur, comportant les questionnaires remplis par les salariés du service et des courriers électroniques dans lesquels ces salariés donnaient des exemples de propos vexatoires tenus par le journaliste à leur encontre ; qu'en se bornant à affirmer que la société ne rapporte pas d'éléments précis et circonstanciés pour caractériser une faute grave, sans examiner, ni analyser même sommairement ces différentes éléments, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. En application de l'article L. 7112-4 du code du travail, la décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d'appel.
11. Dès lors, la cour d'appel, qui, à bon droit, n'a pas accueilli le recours en annulation dont elle était saisie, n'avait pas à statuer sur le fond.
12. La décision se trouve par ces motifs de pur droit, substitués aux motifs critiqués, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile, légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Populaire du Centre aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le Populaire du Centre et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Le Populaire du Centre,
La société Le Populaire du Centre fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé la décision de la commission arbitrale des journalistes du 25 février 2019 ayant fixé à 150.000 euros le montant de l'indemnité de licenciement de M. [Y] en application de l'article L. 7112-4 du code du travail pour la totalité de son ancienneté de 28 années ;
1. ALORS QUE l'article L. 7112-4 du code du travail donne à la commission arbitrale des journalistes compétence pour réduire ou même supprimer le montant de l'indemnité de licenciement « en cas de faute grave ou de fautes répétées » ; qu'en revanche, il ne lui donne pas compétence pour se prononcer sur la matérialité et la gravité des faits fautifs qui motivent le licenciement, sur la base de critères distincts de ceux pris en compte par le conseil de prud'hommes ; qu'en affirmant cependant que « la commission arbitrale des journalistes a pleine compétence pour fixer l'indemnité de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur due en application de l'article L. 7112-4 du code du travail et retenir des critères pour y parvenir, indépendamment de deux retenus par la juridiction prud'homale qui conserve la sienne du chef des autres préjudices pour lesquels le journaliste peut demander réparation », la cour d'appel a violé l'article L. 7112-4 du code du travail ;
2. ALORS QUE commet une faute grave le salarié responsable d'un service qui refuse de communiquer avec les salariés placés sous son autorité et se rend coupable de brimades, humiliations et dévalorisations ; qu'en l'espèce, pour justifier des faits reprochés à M. [Y], la société Le Populaire du Centre avait produit aux débats le courrier des trois salariés du service photographie dénonçant le comportement de M. [Y] à leur égard, le climat de travail malsain créé par ce dernier et leur souffrance psychologique, ainsi que le rapport d'enquête établi par un cabinet extérieur, comportant les questionnaires remplis par les salariés du service et des courriers électroniques dans lesquels ces salariés donnaient des exemples de propos vexatoires tenus par M. [Y] à leur encontre ; qu'en se bornant à affirmer que la société Le Populaire du Centre ne rapporte pas d'éléments précis et circonstanciés pour caractériser une faute grave, sans examiner, ni analyser même sommairement ces différentes éléments, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.