LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 octobre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1075 F-B
Pourvoi n° E 21-17.407
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2022
La SCI Villa Saint Michel, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée SCI Le Manse, société civile immobilière, a formé le pourvoi n° E 21-17.407 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la SCP Alpha mandataires judiciaires, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [V] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [Y], et anciennement dénommée société [V]-Hermont, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la SCI Villa Saint Michel anciennement dénommée SCI Le Manse, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la SCP Alpha mandataires judiciaires, prise en la personne de M. [V] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [Y], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 mai 2021), le 22 mai 2019, M [V], en qualité de liquidateur de M. [Y] a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière à la SCI Le Manse concernant un de ses immeubles et l'a assignée devant un juge de l'exécution.
2. Par jugement d'orientation du 15 février 2021, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Compiègne a notamment ordonné la vente forcée de l'immeuble
3. Par déclaration du 15 mars 2021, la SCI Le Manse a interjeté appel de ce jugement et a été autorisée à faire assigner à jour fixe à une audience de la cour d'appel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La SCI Villa Saint Michel, anciennement dénommée SCI Le Manse, fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant mentionné que le montant retenu pour la créance de la SCP [V]-Hermont, prise en la personne de M. [V], en qualité de mandataire liquidateur de M. [Y], s'élève au 22 mai 2019 à la somme de 150 089,71 euros, outre les intérêts légaux à compter de l'assignation ou de toute mise en demeure préalable tel que prévu par l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 21 septembre 2010, majorés de 5 points à compter du 9 septembre 2015, d'ordonner la vente forcée des biens et droits immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière, et de dire que l'audience d'adjudication aura lieu dans les conditions fixées dans le cahier des conditions de la vente, à la barre du tribunal judiciaire de Compiègne le mardi 1er juin 2021 à 13h30, alors « qu'en appel, les prétentions des parties ainsi que les moyens sur lesquels elles sont fondées sont formulés dans les conclusions ; que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'elle ne peut se déterminer, y compris dans les procédures à jour fixe, par référence à des débats oraux n'ayant pas porté sur des points abordés par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, pour confirmer le jugement d'orientation, la cour d'appel a relevé que Me [V] ès qualités avait fait valoir, à l'audience de plaidoiries, que dans le dispositif de ses conclusions, la SCI Le Manse ne sollicitait ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, de sorte que la cour d'appel ne pouvait que confirmer le jugement ; qu'en se déterminant par référence à des débats oraux non repris dans les conclusions des parties, dans lesquelles ne figurait aucune argumentation en ce sens, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 954, alinéas 1er et 3 du code de procédure civile :
5. Il résulte de ces textes que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, qu'en appel, dans les procédures avec représentation obligatoire, ces prétentions ainsi que les moyens sur lesquels elles sont fondées doivent être expressément formulés dans les conclusions et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
6. Après avoir relevé qu'à l'audience des débats, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, précisé que le liquidateur de M. [Y] a fait valoir que, dans le dispositif des conclusions de l'appelante, celle-ci ne sollicite ni l'infirmation ni l'annulation du jugement de sorte que la cour ne peut que confirmer le jugement et observé que la SCI Le Manse n'a rien fait valoir sur ce point, l'arrêt retient que cette dernière ne demandant dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement d'orientation, le jugement ne peut qu'être confirmé des chefs critiqués par l'appelante.
7. En statuant ainsi alors que l'argumentation développée oralement par l'intimé ne figurait pas dans ses conclusions, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.
Condamne la SCP Alpha mandataires judiciaires prise en la personne de M. [V] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la SCI Villa Saint Michel anciennement dénommée SCI Le Manse
La SCI Villa Saint Michel, anciennement SCI Le Manse, fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant mentionné que le montant retenu pour la créance de la SCP [V]-Hermont, prise en la personne de Me [V], ès-qualités de mandataire liquidateur de M. [Y], s'élève au 22 mai 2019 à la somme de 150 089,71 €, outre les intérêts légaux à compter de l'assignation ou de toute mise en demeure préalable tel que prévu par l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 21 septembre 2010, majorés de 5 points à compter du 9 septembre 2015, d'avoir ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière, et d'avoir dit que l'audience d'adjudication aura lieu dans les conditions fixées dans le cahier des conditions de la vente, à la barre du tribunal judiciaire de Compiègne le mardi 1er juin 2021 à 13h30,
1°) Alors qu'en appel, les prétentions des parties ainsi que les moyens sur lesquels elles sont fondées sont formulés dans les conclusions ; que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'elle ne peut se déterminer, y compris dans les procédures à jour fixe, par référence à des débats oraux n'ayant pas porté sur des points abordés par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, pour confirmer le jugement d'orientation, la cour d'appel a relevé que Me [V] ès qualités avait fait valoir, à l'audience de plaidoiries, que dans le dispositif de ses conclusions, la SCI Le Manse ne sollicitait ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, de sorte que la cour d'appel ne pouvait que confirmer le jugement ; qu'en se déterminant par référence à des débats oraux non repris dans les conclusions des parties, dans lesquelles ne figurait aucune argumentation en ce sens, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
2°) Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour confirmer le jugement d'orientation, la cour d'appel a relevé que la SCI Le Manse ne demandait dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement d'orientation, de sorte que ce jugement ne pouvait qu'être confirmé des chefs critiqués par la SCI Le Manse ; qu'en relevant ce moyen, qui n'avait pas été articulé par les conclusions des parties, sans provoquer au préalable les explications écrites de la SCI Le Manse sur ce point, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile.
3°) Alors que les juges du fond ont l'obligation d'écarter l'application d'une loi ou d'un règlement s'ils constatent que cette application aurait pour effet, au prix d'une interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire, de porter une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge de l'une des parties ; qu'en l'espèce, la déclaration d'appel indiquait expressément qu'était poursuivie l'annulation ou l'infirmation du jugement déféré, la requête à jour fixe demandant quant à elle expressément la réformation de la décision entreprise ; que le dispositif des dernières conclusions, s'il ne reprenait pas exactement cette mention, demandait à la cour d'appel de statuer par des chefs de dispositif contraires à ceux du jugement entrepris ; qu'en jugeant dès lors qu'elle ne pouvait que confirmer le jugement, la SCI Le Manse ne sollicitant ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement dans le dispositif de ses conclusions, la cour d'appel, au prix d'une interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire, a porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge de la SCI Le Manse, violant ainsi l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4°) Alors que la cour d'appel ne peut confirmer un jugement sans répondre aux conclusions qui en critiquent la teneur ; qu'en confirmant le jugement entrepris sans répondre aux conclusions qui en contestaient la teneur, qu'il s'agisse de l'appréciation de la demande de sursis à statuer, de l'appréciation de la nullité du commandement aux fins de saisie-vente, de l'extinction de la dette de la SCI Manse, ou à tout le moins de l'inexactitude du décompte des sommes réclamées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.