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19/10/2022 | FRANCE | N°21-16347

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 octobre 2022, 21-16347


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 octobre 2022

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1114 F-D

Pourvoi n° C 21-16.347

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022

Mme [E] [Y], domiciliée [Adress

e 1], a formé le pourvoi n° C 21-16.347 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 octobre 2022

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1114 F-D

Pourvoi n° C 21-16.347

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022

Mme [E] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-16.347 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la Régie autonome des transports parisiens, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La Régie autonome des transports parisiens a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Y], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2021), Mme [Y] a été engagée par la Régie autonome des transports parisiens (la RATP) en qualité d'opérateur fonctionnel confirmé à compter du 29 août 1977. Elle occupait, en dernier lieu, un emploi d'assistante de direction.

2. Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie à partir du 23 septembre 2013 jusqu'en septembre 2017, de manière quasiment ininterrompue.

3. Le 12 juin 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour harcèlement moral et d'une demande en paiement de rappel de primes.

4. Par lettre datée du 27 avril 2018, la salariée a pris acte de la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de rappel de prime de responsabilité, alors « qu'en retenant, pour débouter la salariée de ses demandes de rappels de prime, qu'il n'était produit en appel aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges qui, en application de l'instruction générale IGM436M d'avril 2013 et de l'article 5 de l'accord d'intéressement 2013-2015 du 28 juin 2013, avaient à bon droit retenu que la salariée ne pouvait prétendre obtenir que les primes soient calculées en prenant en considération les périodes d'arrêt de travail pour maladie non professionnelle qui ne pouvaient être assimilées à du travail effectif ni par cet accord ni par les dispositions de l'article L. 3314-5 du code du travail, quand il ressortait précisément du chapitre IV du Titre 1er de l'instruction IGN 436 N de janvier 2015, qui fondait la demande de la salariée, que le versement de la prime de responsabilité était lié au seul niveau de responsabilité de l'agent et ne prévoyait aucune considération ni exclusion en fonction du temps présence de l'agent, ce qui excluait toute prise en considération des périodes d'arrêt maladie de l'agent au titre du paiement de la prime, la cour d'appel a violé l'instruction IGN 436 N de janvier 2015. »

Réponse de la Cour

Vu le titre I de l'instruction générale IG 436 N du mois de janvier 2015 de la RATP :

7. Il résulte de ce texte que les agents d'encadrement (cadres et maîtrise) et les techniciens supérieurs perçoivent une prime de base mensuelle, appelée prime de responsabilité, liée à leur niveau. Les positions de pointage ouvrant droit à rémunération statutaire sont appelées positions primées. Les positions primées ouvrent droit au bénéfice des primes mensuelles de base.
Les primes de responsabilité, de fonction, d'emploi et de qualification / pénibilité sont mensualisées. Elles se calculent sur la base de 152 heures. Certains codes de pointage n'ouvrent droit au versement d'aucune des rémunérations décrites au titre I.

8. Pour débouter la salariée de sa demande de paiement d'un rappel de prime de responsabilité, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'en application de l'instruction générale IG436M du mois d'avril 2013, selon laquelle « certains codes de pointage tels que le repos ou la maladie n'ouvrent droit au versement d'aucune des rémunérations décrites au I », les primes ne doivent pas être calculées en prenant en considération les périodes d'arrêt de travail pour maladie non professionnelle qui ne sont pas assimilées à du travail effectif.

9. En statuant ainsi, alors que l'instruction générale 436 N de janvier 2015 ne prévoit pas que les primes de responsabilité ne sont pas servies aux agents en congé pour maladie, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le premier moyen, pris en sa huitième branche

Enoncé du moyen

10. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes indemnitaires au titre d'un harcèlement moral, alors « que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, puis d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré que la salariée eut pu prétendre au statut cadre, que les différents rapports produits par l'employeur attestaient de ce que la salariée était très critique et avait refusé de s'investir dans ses fonctions, que le contrat de travail n'avait pas été modifié et que l'employeur n'était pas demeuré inactif dans la demande d'attention puisqu'il avait recueilli les témoignages des personnes ayant côtoyé la salariée ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait très clairement des éléments produits et des écritures de la salariée que celle-ci se prévalait également au titre de l'existence d'un harcèlement moral du non-paiement de la prime de responsabilité, la cour d'appel, qui aurait dû examiner les justifications objectives au titre de ce grief, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail :

11. Aux termes du premier texte visé, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

12. Il résulte du second de ces textes que lorsque survient un litige, le salarié présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

13. Pour débouter la salariée de sa demande, l'arrêt retient d'abord, comme éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, l'absence de bénéfice pour la salariée d'une montée en compétence avec l'accès au statut de cadre, le fait d'être « ballottée » entre les agences de l'Essonne et des Hauts-de-Seine, de n'être intégrée à aucune équipe, une nouvelle convocation au mois de février 2010 par la directrice de l'agence par intérim alors que la salariée avait été évaluée le 26 novembre 2009 par le précédent directeur, la demande d'attention formulée par celle-ci le 22 juillet 2013 pour dénoncer le harcèlement moral dont elle estimait être victime, le refus de l'un des collaborateurs de l'agence de l'informer sur l'avancement des dossiers en cours au prétexte qu'il s'agissait d'une assistante, la mention sur le document d'évaluation du 27 octobre 2011 qu'elle était secrétaire d'agence, que les primes d'intéressement et de responsabilité avaient cessé de lui être versées durant son arrêt de travail pour maladie, et son état dépressif majeur depuis septembre 2013.

14. Ensuite, l'arrêt retient que l'employeur justifie que la salariée a été convoquée, comme d'autres salariés, à des entretiens qui ont eu lieu au mois de février 2010 pour fixer un contrat d'objectifs 2010, que son accès au statut cadre n'a jamais été envisagé, que l'employeur a diligenté une enquête à la suite de la demande d'attention en recueillant les déclarations et témoignages des personnes ayant côtoyé la salariée, faisant ressortir que celle-ci était affectée un jour par semaine à l'agence 78/91 pour assurer la gestion du secrétariat d'unité et les quatre autres jours à l'agence des Hauts-de-Seine pour différentes missions de secrétariat, que différents rapports ou déclarations établis par les salariés ayant côtoyé la salariée font état de critiques, de propos malveillants et de médisance de la part de celle-ci à l'égard de ses collègues, d'une absence d'intérêt ou d'investissement pour le travail qui lui était confié et d'absences régulières, que les horaires collectifs n'ont pas été imposés à la salariée et que son contrat de travail n'a pas été modifié, et, s'agissant de la reprise du travail le 3 avril 2018, que la salariée a été reçue au siège de Bercy pour un entretien de ré-accueil, qu'elle a été installée, non dans une salle servant de cantine, mais dans un grand bureau disposant de plusieurs postes de travail, qu'elle a été accueillie à l'agence, qu'une transmission sur les dossiers en cours a été faite, qu'elle n'est restée que le 6 avril 2018 au matin dans les locaux de l'agence, et qu'elle a, dès le 12 avril 2018, été en arrêt de travail pour maladie.

15. L'arrêt déduit de ces éléments que l'employeur démontre que les agissements invoqués par la salariée ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral.

16. En se déterminant ainsi, sans examiner si le non-paiement de la prime de responsabilité pendant son congé maladie, qu'elle avait retenu comme laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, était justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

17. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'un départ à la retraite et de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la nullité de son licenciement, à tout le moins de l'absence de cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, et de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement, alors « que la cassation à intervenir sur le fondement des deux premiers moyens, qui ont fait ressortir que l'employeur n'avait produit aucune justification objective au soutien des décisions contestées par la salariée et que les juges du fond avaient commis une erreur de droit en déduisant de l'absence de harcèlement moral l'inexistence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, entrainera par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif ayant dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un départ à la retraite et débouté la salariée des demandes indemnitaires afférentes. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

18. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen en ce qu'il dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'un départ à la retraite et rejette les demandes de dommages-intérêts au titre de la nullité du licenciement, à tout le moins de l'absence de cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, et d'indemnité de licenciement, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

19. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur les chefs de dispositif disant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un départ à la retraite et déboutant la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer à la salariée une certaine somme au titre de l'indemnité statutaire de départ à la retraite critiqué par le cinquième moyen, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [Y] de sa demande de rappel de prime de responsabilité, de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral, dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un départ à la retraite, déboute Mme [Y] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement et condamne la Régie autonome des transports parisiens à payer à Mme [Y] une indemnité statutaire de départ à la retraite, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la Régie autonome des transports parisiens aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Régie autonome des transports parisiens et la condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [Y], demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [Y] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes indemnitaires au titre du harcèlement moral ;

1) ALORS d'abord QU'il résulte des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que les juges du fond sont tenus de contrôler que les justifications produites par l'employeur étaient bien en lien avec les décisions contestées ; qu'en l'espèce la cour d'appel a considéré que les éléments produits par le salariée laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que cependant, pour débouter la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré que la salariée eut pu prétendre au statut cadre, que les différents rapports produits par l'employeur attestaient de ce que la salariée était très critique et avait refusé de s'investir dans ses fonctions, que le contrat de travail n'avait pas été modifié et que l'employeur n'était pas demeuré inactif dans la demande d'attention puisqu'il avait recueilli les témoignages des personnes ayant côtoyé la salariée ; qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne visaient qu'à contester les dires et éléments produits par la salariée, mais en rien à contrôler que l'employeur produisait des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement en lien avec les décisions contestées par la salariée, la cour d'appel a statué par des motifs radicalement impropres à justifier sa décision, violant en conséquence les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

2) ALORS ensuite QUE ne constituent pas des justifications objectives étrangères à toute discrimination en lien avec les décisions prises par l'employeur, un ensemble d'attestations qui témoignent simplement des tensions entre la salariée et certains personnels de l'entreprise ; qu'en retenant qu'au vu des attestations produites, l'employeur démontrait que les agissements invoqués par la salariée n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement, quand les éléments produits ne constituaient aucunement des justifications objectives des décisions par l'employeur prises à l'égard de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

3) ALORS encore QU'en retenant, concernant la procédure d'attention, que l'employeur justifiait n'être pas demeuré inactif puisqu'il avait recueilli les déclarations et témoignages des personnes ayant côtoyé la salariée, quand la production d'attestations et le fait d'avoir recueilli des témoignages ne pouvaient en aucun cas constituer des justifications objectives en lien avec les décisions prises par l'employeur, la cour d'appel a statué par des motifs radicalement impropres à justifier sa décision, violant en conséquence les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

4) ALORS également QUE les juges sont tenus de répondre aux écritures des parties ; qu'en l'espèce, la salariée avait soutenu dans ses écritures que l'existence du harcèlement moral était notamment fondée sur le fait que le poste de travail de Mme [Y] n'était plus défini comme « assistante de direction » mais comme simple « secrétaire d'agence » (écritures d'appel de la salariée p. 20) ; qu'en retenant que l'employeur démontrait que les agissements invoqués par la salariée n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement, sans répondre aux écritures de la salariée sur ce point déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS toujours QU'en retenant, relativement au défaut de justification de l'absence de montée en compétence de la salariée, que l'employeur démontrait à bon droit qu'il n'était pas démontré qu'il eut été prévu de faire accéder la salariée au statut cadre, quand la salariée se prévalait, de manière générale, d'un blocage dans sa progression de carrière et non seulement de l'absence de progression au statut cadre, la cour d'appel a statué par des motifs radicalement impropres à justifier sa décision, violant en conséquence les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

6) ALORS de surcroit QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en affirmant que la salariée n'avait pas été installée, la journée du 4 avril 2018, dans une salle servant de cantine, quand la salariée produisait un ensemble de pièces (production 5 – photographies produites par la salariée) desquelles il ressortait clairement que la salariée avait bien été installée dans une salle, certes dotée de postes informatiques, mais servant également de réfectoire au personnel, la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

7) ALORS enfin QUE les juges sont tenus de répondre aux écritures des parties ; qu'en l'espèce, la salariée avait soutenu dans ses écritures que l'existence du harcèlement moral résultait notamment du fait qu'à son retour dans l'entreprise en 2018, celle-ci avait été affectée dans le service de M. [K] qui, de manière notoire, avait toujours eu un comportement hostile à l'égard de Mme [Y] (écritures d'appel de la salariée p. 17) ; qu'en retenant que l'employeur démontrait que les agissements invoqués par la salariée n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement, sans répondre aux écritures de la salariée sur ce point déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

8) ALORS enfin QUE, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, puis d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré que la salariée eut pu prétendre au statut cadre, que les différents rapports produits par l'employeur attestaient de ce que la salariée était très critique et avait refusé de s'investir dans ses fonctions, que le contrat de travail n'avait pas été modifié et que l'employeur n'était pas demeuré inactif dans la demande d'attention puisqu'il avait recueilli les témoignages des personnes ayant côtoyé la salariée ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait très clairement des éléments produits et des écritures de la salariée que celle-ci se prévalait également au titre de l'existence d'un harcèlement moral du non-paiement de la prime de responsabilité (écritures d'appel p. 21), la cour d'appel, qui aurait dû examiner les justifications objectives au titre de ce grief, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [Y] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes indemnitaires au titre du harcèlement moral et subsidiairement au titre de la violation de l'obligation de sécurité ;

ALORS QUE l'obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral et ne se confond pas avec elle ; que l'absence de tels agissements ne s'oppose pas à ce que la responsabilité de l'employeur soit engagée sur le fondement d'un manquement à son obligation de sécurité ; qu'en retenant en l'espèce que la salariée devait être déboutée de ses demandes au titre du harcèlement moral et subsidiairement pour violation de l'obligation de sécurité, quand l'obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral et ne se confond pas avec elle, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 et L. 4121-2 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un départ à la retraite et de l'AVOIR en conséquence déboutée de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la nullité de son licenciement, à tout le moins de l'absence de cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, et de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement ;

Sur le harcèlement moral et les manquements de l'employeur à l'obligation de sécurité

1) ALORS d'abord QUE la cassation à intervenir sur le fondement des deux premiers moyen, qui ont fait ressortir que l'employeur n'avait produit aucune justification objective au soutien des décisions contestées par la salariée et que les juges du fond avaient commis une erreur de droit en déduisait de l'absence de harcèlement moral l'inexistence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, entrainera par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif ayant dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un départ à la retraite et débouté la salariée des demandes indemnitaires afférentes ;

Sur la violation de la liberté fondamentale de témoigner en justice

2) ALORS ensuite QUE la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, qui a fait ressortir que l'employeur n'avait produit aucune justification objective au soutien de la mise à l'écart de la situation de harcèlement moral dont la salariée avait été victime à compter de son témoignage en faveur de M. [S], entrainera par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif ayant dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un départ à la retraite et débouté la salariée des demandes indemnitaires afférentes ;

3) ALORS encore QU'en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d'une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d'un autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur ; que la prise d'acte justifiée par un harcèlement moral consécutif à l'usage par une salariée de sa liberté fondamentale de témoigner en justice produit les effets d'un licenciement nul ; que, dans ce cas, le salarié victime de harcèlement à la suite de l'usage de sa liberté fondamentale, ne supporte pas la charge de la preuve, et il appartient à l'employeur de démontrer que les décisions prises par lui étaient étrangères à toute considération pour le témoignage de la salariée ; qu'en retenant en l'espèce qu'il n'était pas démontré que la salariée avait subi des pressions pour l'empêcher de témoigner ou des sanctions pour l'avoir fait, quand il appartenait à l'employeur de démontrer que les décisions prises par lui, constitutives de fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, étaient étrangères à toute considération pour le témoignage en justice de la salariée, la cour d'appel a violé la liberté fondamentale de témoigner en justice, ensemble de l'article L. 1134-1 du code du travail ;

4) ALORS enfin QU'en retenant que la dégradation des relations entre la salariée et les autres salariées avaient débuté antérieurement au licenciement de M. [S] et à l'établissement du témoignage en sa faveur, et qu'il ne ressortait pas des termes du jugement que l'attestation établie par la salariée fut intervenue dans la décision du conseil, la cour d'appel a statué par des motifs radicalement impropres à justifier sa décision, violant en conséquence la liberté fondamentale de témoigner en justice.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ses dispositions relatives aux rappels de primes et de l'AVOIR en conséquence déboutée de ses demandes de rappels de prime de responsabilités ;

1) ALORS d'abord QU'en retenant, pour débouter la salariée de ses demandes de rappels de prime, qu'il n'était produit en appel aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges qui, en application de l'instruction générale IGM436M d'avril 2013 et de l'article 5 de l'accord d'intéressement 2013-2015 du 28 juin 2013, avaient à bon droit retenu que la salariée ne pouvait prétendre obtenir que les primes soient calculées en prenant en considération les périodes d'arrêt de travail pour maladie non professionnelle qui ne pouvaient être assimilées à du travail effectif ni par cet accord ni par les dispositions de l'article L. 3314-5 du code du travail, quand il ressortait précisément du chapitre IV du Titre 1er de l'instruction IGN 436 N de janvier 2015, qui fondait la demande de la salariée, que le versement de la prime de responsabilité était lié au seul niveau de responsabilité de l'agent et ne prévoyait aucune considération ni exclusion en fonction du temps présence de l'agent, ce qui excluait toute prise en considération des périodes d'arrêt maladie de l'agent au titre du paiement de la prime, la cour d'appel a violé l'instruction IGN 436 N de janvier 2015 ;

2) ALORS au surplus QU'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux écritures de la salariée (écritures d'appel de la salariée p. 20 et 21) qui se prévalait expressément de l'application de l'instruction IGN 436 N de janvier 2015 (production 6 - instruction générale IG 436 N de janvier 2015), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Mme [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la RATP à payer à la salariée la somme de 13 409,90 euros au titre de l'indemnité statutaire de départ à la retraite ;

ALORS QUE, pour condamner la RATP à payer à la salariée la somme de 13 409,90 euros au titre de l'indemnité statutaire de départ à la retraite, la cour d'appel a jugé qu'il devait être alloué au titre de l'indemnité réclamée, qui ne faisait l'objet d'aucune contestation sur son montant de la part de la RATP, la somme de 13 409,90 euros correspondant à 3,5 mois de salaire ; qu'en l'espèce, cependant, il ressortait précisément des écritures de la salariée (écritures de la salariée p. 25 et 26) comme de ses demandes que celle-ci requerrait au principal la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour éviction déloyale du bénéfice des droits statutaires relatifs au départ retraite à l'initiative des agents, et simplement à titre subsidiaire la somme de 13 409,90 euros au titre de l'indemnité statutaire de départ à la retraite ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux écritures de la salariée du chef de la demande principale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure. Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Régie autonome des transports parisiens, demanderesse au pourvoi incident

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la RATP à payer à Madame [Y] la somme de 15.000 € nets de CSG-CRDS de dommages-intérêts pour privation du bénéfice des droits statutaires relatifs au départ en retraite à l'initiative des agents, outre 3.000 € au titre des frais irrépétibles, et d'AVOIR ordonné à la RATP de rectifier et transmettre les informations utiles à la mutuelle de la RATP pour le bénéfice de la portabilité de la mutuelle RATP et du rattachement à la CCAS, dès la régularisation de ses droits statutaires au regard du départ volontaire de l'entreprise en retraite ;

ALORS QUE la prise d'acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que dans sa lettre du 27 avril 2018 la salariée avait indiqué que sa demande de départ à la retraite au 1er novembre 2018 devait produire « les effets d'une prise d'acte » ; que la cour d'appel a ensuite jugé que « la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme [E] [Y] produit les effets d'un départ à la retraite » ; qu'en jugeant cependant, pour faire droit à la demande de paiement de dommages-intérêts de la salariée fondée sur le fait qu'elle s'était trouvée sans ressources à compter du 27 avril 2018, que « le fait que celle-ci annonce d'ores et déjà qu'elle entend que cette retraite produise les effets d'une prise d'acte ne peut avoir eu pour effet de rompre le contrat de travail dès la réception par l'employeur de cette lettre », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 1231-1 et L. 1237-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-16347
Date de la décision : 19/10/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 oct. 2022, pourvoi n°21-16347


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.16347
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