LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 19 octobre 2022
Cassation
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1119 FS-B
Pourvoi n° E 21-12.370
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [Z].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 21 mars 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022
L'association Mission locale du pays salonais, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-12.370 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant à M. [D] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Mission locale du pays salonais, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [Z], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mme Ott, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2020), M. [Z] a été engagé par l'association Mission locale du pays salonais (la mission locale) en qualité de conseiller en insertion sociale et professionnelle, d'abord par contrats à durée déterminée des 2 février 2009 et 1er mars 2010, puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, suivant avenant à effet du 1er mars 2011, avec reprise d'ancienneté au 2 février 2009.
2. Le 1er mai 2015, le salarié a été mis à disposition de la commune de [Localité 3] pour exercer ses fonctions dans le cadre du dispositif intitulé « seconde chance », issu d'une convention de partenariat entre la ville de [Localité 3] et la mission locale. Ce dispositif vise à accompagner les jeunes en difficulté en leur proposant un accompagnement individualisé et personnalisé leur permettant de s'inscrire dans un parcours d'insertion professionnelle.
3. Par lettre du 15 décembre 2015, la mission locale a licencié le salarié pour faute grave, en lui reprochant d'avoir publié sur son compte Facebook, accessible au public, « des propos incompatibles avec l'exercice de [ses] missions et notamment, une critique importante et tendancieuse du parti politique Les Républicains et [du] Front National, ainsi que des appels à la diffusion du Coran, accompagnés de citations de sourates appelant à la violence », ces faits caractérisant des « manifestations politiques et religieuses qui débordent, d'une part de [sa] vie personnelle et, d'autre part, qui comportent des excès remettant en cause la loyauté minimale requise par la qualité juridique de [sa] mission de service public » et constituant une atteinte à l'obligation de neutralité du salarié, laquelle « englobe un devoir de réserve ainsi qu'une obligation de respect de la laïcité », et un abus de sa liberté d'expression.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
4. La mission locale fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a discriminé le salarié en raison de l'expression de ses opinions politiques et de ses convictions religieuses en procédant à son licenciement, de dire nul le licenciement, de lui ordonner de réintégrer le salarié dans un emploi équivalent à celui qu'il occupait et de la condamner au paiement de diverses sommes, alors :
« 2°/ que le salarié qui participe à une mission de service public est tenu, même en dehors du service, d'un devoir de réserve qui lui impose de s'abstenir de toute manifestation d'opinion de nature à jeter le discrédit sur l'autorité chargée de la mission de service public à laquelle il participe ; qu'il en va ainsi, notamment, d'un salarié appelé à intervenir auprès du jeune public ; qu'en l'espèce, la Mission locale du pays salonais faisait valoir qu'elle avait licencié M. [Z] pour avoir, sur son compte Facebook accessible à tous, violemment critiqué l'action du gouvernement et n'avoir pas respecté les emblèmes de la République comme le drapeau français, ce qui était incompatible avec le devoir de réserve auquel était tenu le salarié en sa qualité d'agent d'une Mission locale investie d'une mission de service public ; qu'en retenant qu'à supposer même que M. [Z] ait participé à une mission de service public, cela ne lui interdisait pas de pouvoir "librement critiquer l'Etat en dehors de son travail", la cour d'appel a violé le devoir de réserve et les articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 5314-2 du code du travail ;
4°/ que le salarié qui participe à une mission de service public est tenu par une obligation de laïcité qui lui interdit de faire du prosélytisme religieux ; qu'il en va ainsi, notamment, d'un salarié appelé à intervenir auprès du jeune public ; qu'en l'espèce, la Mission locale du pays salonais faisait valoir qu'elle avait licencié M. [Z] pour avoir, sur son compte Facebook accessible à tous, fait du prosélytisme religieux agressif en, notamment, diffusant des sourates du Coran appelant au combat et en invitant à diffuser massivement le Coran ; qu'en retenant que "l'employeur ne pouvait (...) faire interdiction au salarié de se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail" et que "le devoir de réserve qui s'impose [au salarié] en dehors de ses fonctions ne pouvant concerner l'expression publique de sa foi ni la propagation du message religieux", la cour d'appel a violé le principe de laïcité du service public, ensemble les articles L. 5314-2, L. 1121-1 et L. 1132-1 du code du travail ;
5°/ que les salariés de droit privé mis à disposition d'une collectivité territoriale sont soumis aux mêmes obligations que les fonctionnaires, dont les obligations de neutralité et de laïcité ; qu'en l'espèce, en retenant qu'un conseiller d'insertion au sein d'une mission locale, même mis à disposition d'une municipalité, ne perdait nullement sa liberté d'engagement politique et d'expression publique de cet engagement en dehors de l'exercice de ses fonctions et qu'il pouvait librement critiquer l'Etat et se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail, la cour d'appel a violé l'article 61-2 de la loi n° 2007-148 de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007 et l'article 11 du décret d'application du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen, pris en sa cinquième branche
5. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau en ce que la mission locale n'a pas invoqué devant les juges du fond l'application des articles 61-2 de la loi n° 2007-148 de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007 et 11 du décret d'application du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux.
6. Cependant, devant les juges du fond, l'employeur invoquait la violation par le salarié de son obligation de neutralité en sa qualité de salarié de la mission locale mis à disposition de la commune de [Localité 3].
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les principes de laïcité et de neutralité du service public, les articles L. 1133-1, L. 5314-1 et L. 5314-2 du code du travail, l'article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-148 de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007, et l'article 11 du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux :
8. En premier lieu, les principes de laïcité et de neutralité du service public qui résultent de l'article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958 sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé.
9. L'article L. 5314-1 du code du travail prévoit que des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes peuvent être constituées entre l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des organisations professionnelles et syndicales et des associations. Elles prennent la forme d'une association ou d'un groupement d'intérêt public.
10. Selon l'article L. 5314-2 du même code, les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, dans le cadre de leur mission de service public pour l'emploi, ont pour objet d'aider les jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus à résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale en assurant des fonctions d'accueil, d'information, d'orientation et d'accompagnement à l'accès à la formation professionnelle initiale ou continue, ou à un emploi. Elles favorisent la concertation entre les différents partenaires en vue de renforcer ou compléter les actions conduites par ceux-ci, notamment pour les jeunes rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle et sociale.
Elles contribuent à l'élaboration et à la mise en oeuvre, dans leur zone de compétence, d'une politique locale concertée d'insertion professionnelle et sociale des jeunes. Les résultats obtenus par les missions locales en termes d'insertion professionnelle et sociale, ainsi que la qualité de l'accueil, de l'information, de l'orientation et de l'accompagnement qu'elles procurent aux jeunes sont évalués dans des conditions qui sont fixées par convention avec l'Etat, la région et les autres collectivités territoriales qui les financent. Les financements accordés tiennent compte de ces résultats.
11. Il résulte de ces dispositions que les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes constituées sous forme d'association sont des personnes de droit privé gérant un service public.
12. Il s'ensuit que le salarié de droit privé employé par une mission locale pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, constituée sous forme d'association, est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l'exercice de ses fonctions.
13. En second lieu, l'article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable, prévoit que les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs peuvent, lorsque des fonctions exercées en leur sein nécessitent une qualification technique spécialisée, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé, dans les cas et conditions définis par décret en Conseil d'Etat et que les personnels ainsi mis à disposition sont soumis aux règles d'organisation et de fonctionnement du service où ils servent et aux obligations s'imposant aux fonctionnaires.
14. Selon l'article 11, I, du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008, les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 peuvent, lorsque les besoins du service le justifient, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé pour la réalisation d'une mission ou d'un projet déterminé qui ne pourrait être mené à bien sans les qualifications techniques spécialisées détenues par un salarié de droit privé.
15. Au termes de l'article 11, III, du même décret, les règles déontologiques qui s'imposent aux fonctionnaires sont opposables aux personnels mis à disposition en application du I.
16. Il en résulte que le salarié de droit privé mis à disposition d'une collectivité publique territoriale est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l'exercice de ses fonctions.
17. Pour dire que la mission locale a discriminé le salarié en raison de l'expression de ses opinions politiques et de ses convictions religieuses en procédant à son licenciement et annuler en conséquence le licenciement, l'arrêt retient qu'un conseiller d'insertion au sein d'une mission locale, même mis à disposition d'une municipalité, ne perd nullement sa liberté d'engagement politique et d'expression publique de cet engagement en dehors de l'exercice de ses fonctions et peut librement critiquer l'Etat en dehors de son travail.
18. L'arrêt retient encore que la mission locale ne peut imposer au salarié le respect de la laïcité en dehors de son activité professionnelle lui interdisant tout prosélytisme religieux dans l'espace public hors le cadre de son service, qu'en effet l'employeur ne constitue nullement une organisation confessionnelle et la laïcité ne s'impose pas aux citoyens dans l'espace public en dehors du service public, puisqu'au contraire la laïcité garantit à chacun l'exercice public de sa foi, qu'ainsi l'employeur ne pouvait faire interdiction au salarié de se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail, le devoir de réserve qui s'impose à lui en dehors de ses fonctions ne pouvant concerner l'expression publique de sa foi ni la propagation du message religieux, indépendamment d'éventuels rapports entre foi et activité professionnelle, lesquels rapports ne sont nullement caractérisés en l'espèce.
19. L'arrêt en déduit qu'en reprochant au salarié, au soutien de la mesure de licenciement, de n'avoir pas obtempéré à l'injonction illégitime visant à restreindre sa liberté politique et sa liberté religieuse, l'employeur a commis une discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail, laquelle commande la nullité du licenciement aux termes de l'article L. 1132-4 du même code.
20. En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié, conseiller en insertion sociale et professionnelle, référent au sein de la commune de [Localité 3] pour les missions d'insertion auprès d'un public de jeunes en difficulté scolaire et professionnelle, en grande fragilité sociale, avait publié sur son compte Facebook ouvert à tous, sous son propre nom, fin novembre et début décembre 2015, des commentaires mentionnant « Je refuse de mettre le drapeau... Je ne sacrifierai jamais ma religion, ma foi, pour un drapeau quel qu'il soit », « Prophète ! Rappelle-toi le matin où tu quittas ta famille pour aller placer les croyants à leurs postes de combat », la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme il lui était demandé, si la consultation du compte Facebook du salarié permettait son identification en qualité de conseiller d'insertion sociale et professionnelle affecté au sein de la commune de [Localité 3], notamment par les jeunes en difficulté auprès desquels le salarié exerçait ses fonctions, et si, au regard de la virulence des propos litigieux ainsi que de la publicité qui leur était donnée, lesdits propos étaient susceptibles de caractériser un manquement à l'obligation de réserve du salarié en dehors de l'exercice de ses fonctions en tant qu'agent du service public de l'emploi mis à la disposition d'une collectivité territoriale, en sorte que son licenciement était justifié par une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article L. 1133-1 du code du travail, tenant au manquement à son obligation de réserve, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour l'association Mission locale du pays salonais,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit que l'association Mission Locale du Pays Salonais a discriminé M. [D] [Z] en raison de l'expression de ses opinions politiques et de ses convictions religieuses en procédant à son licenciement, d'AVOIR dit nul le licenciement de M. [Z] et d'AVOIR en conséquence condamné l'association Mission Locale du Pays Salonais à verser diverses sommes à M. [Z] et ordonné sa réintégration dans un emploi équivalent à celui qu'il occupait et à lui verser le montant des salaires du 18 décembre 2020 jusqu'à sa réintégration ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 1132-1 du code du travail disposait au temps du licenciement qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison de ses opinions politiques ou de ses convictions religieuses et l'article L. 1132-4 précise que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul ; que l'article L. 1121-1 du code du travail précise encore que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'ainsi, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent toutefois être apportées ; qu'en effet, le droit du travail trouve à s'appliquer à une grande variété de situations parmi lesquelles des relations de travail qui prennent place au plus près des activités politiques ou des convictions religieuses ; que c'est ainsi qu'une organisation politique peut salarier un permanent ou telle église un ministre de son culte ; que dans une autre proximité de l'engagement politique ou des convictions religieuses, une entreprise commerciale peut s'adresser à une clientèle engagée politiquement ou d'une confession spécifique ; qu'il est encore à noter que le contrat de travail peut lier un salarié à une personne morale chargée d'une mission de service public, laquelle personne morale se trouve tenue à une obligation de neutralité et de laïcité ; que toutes ces situations imposent certaines restrictions à la liberté d'expression, tout autant qu'au principe de prohibition des discriminations ; que pour autant, la liberté doit rester le principe, et les restrictions de simples exceptions ; qu'en l'espèce, l'employeur reproche au salarié dans la lettre de licenciement : « une critique importante et tendancieuse du parti politique Les Républicains et le Front National, ainsi que des appels à la diffusion du Coran, accompagné de citations de sourates appelant à la violence », « Les faits consignés par l'huissier caractérisent des manifestations politiques et religieuses qui débordent, d'une part, de votre vie personnelle et, d'autre part, qui comportent des excès remettant en cause la loyauté minimale requise par la qualité juridique de votre mission de service public » ; que l'employeur justifie précisément sa position en formulant les affirmations suivantes : « Au titre de votre obligation de neutralité, il vous est interdit de prendre une quelconque position publique partiale. Cette obligation de neutralité englobe un devoir de réserve, ainsi qu'une obligation de respect de la laïcité [...]. Cette obligation emporte interdiction de se livrer à toute activité de propagande politique et, encore, de porter critique envers l'Etat. [...] Ce devoir de laïcité engendre une interdiction de propagande religieuse et de prosélytisme, dans le cadre du service, mais aussi, au sein d'un espace public » ; qu'ainsi, l'employeur reproche-t-il explicitement au salarié de se livrer, en dehors de son travail et dans l'espace public, à une activité de propagande politique, de critiquer l'Etat et encore de se livrer au prosélytisme religieux, tous comportements qu'il estime incompatibles avec sa mission de service public ; que cependant à supposer que le salarié participe bien à une mission de service public, ce que ce dernier conteste, une telle mission ne lui interdit nullement l'engagement politique ainsi que des activités de propagande politique ; qu'ainsi, même les fonctionnaires, à l'exception des hauts fonctionnaires nommés à la discrétion du gouvernement, jouissent pleinement de leur liberté d'engagement et d'action politique en dehors de l'exercice de leurs fonctions, jusqu'à pouvoir se présenter aux élections politiques sauf exceptions légales ; qu'en conséquence, un conseiller d'insertion au sein d'une mission locale, même mis à disposition d'une municipalité, ne perd nullement sa liberté d'engagement politique et d'expression publique de cet engagement en dehors de l'exercice de ses fonctions et qu'il peut librement critiquer l'Etat en dehors de son travail ; qu'il apparaît en conséquence que l'employeur, qui n'est en l'espèce nullement un parti politique et qui n'a pas mis son salarié à disposition d'une organisation politique mais d'une municipalité, a violé les dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail en tentant de brider, sans motif valable, la liberté politique du salarié en dehors de la relation de travail ; qu'en reprochant à ce salarié, au soutien d'une mesure de licenciement, de n'avoir pas obtempéré à une telle injonction illégitime, l'employeur a commis une discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail, laquelle discrimination commande la nullité du licenciement aux termes de l'article L. 1132-4 ; qu'il sera relevé surabondamment que l'employeur prétend encore imposer au salarié le respect de la laïcité en dehors de son activité professionnelle lui interdisant tout prosélytisme religieux dans l'espace public hors le cadre de son service ; que cependant l'employeur ne constitue nullement une organisation confessionnelle et la laïcité ne s'impose pas aux citoyens dans l'espace public en dehors du service public ; que bien au contraire, la laïcité garantit à chacun l'exercice public de sa foi même si cet exercice est tourné vers le témoignage comme c'est parfois le cas dans plusieurs religions du Livre ; qu'il est à noter que le Conseil d'Etat, 4e et 1e chambres réunies, par arrêt du 27 juin 2018, a dit n'y avoir pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour administrative d'appel de Nancy, concernant un prêtre dont l'élection en qualité de président d'une université publique était contestée, aux motifs suivants : « 3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit pas être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » ; qu'aux termes de l'article 1 de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances [...] » ; que le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; que notamment, il en résulte la neutralité de l'Etat, le respect de toutes les croyances et l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion ; 4. Considérant qu'il résulte ainsi du principe constitutionnel de laïcité que l'accès aux fonctions publiques, dont l'accès aux fonctions de président d'université, s'effectue sans distinction de croyance et de religion ; que, par suite, il ne peut, en principe, être fait obstacle à ce qu'une personne ayant la qualité de ministre d'un culte puisse être élue aux fonctions de président d'université, celle-ci étant alors tenue, eu égard à la neutralité des services publics qui découle également du principe de laïcité, à ne pas manifester ses opinions religieuses dans l'exercice de ses fonctions ainsi qu'à un devoir de réserve en dehors de l'exercice de ces fonctions ; que, par suite, la question de la conformité au principe constitutionnel de laïcité des dispositions législatives contestées par le syndicat requérant, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux » ; qu'ainsi, l'employeur ne pouvait, sans violer les dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail, faire interdiction au salarié de se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail, le devoir de réserve qui s'impose à lui en dehors de ses fonctions ne pouvant concerner l'expression publique de sa foi ni la propagation du message religieux, indépendamment d'éventuels rapports entre foi et activité professionnelles, lesquels rapports ne sont nullement caractérisés en l'espèce ; qu'ainsi, en refusant l'exercice de sa liberté religieuse au salarié et en le licenciant pour être passé outre une telle injonction illégitime, l'employeur a commis un acte de discrimination qui entache le licenciement de nullité ; que le licenciement étant nul, il n'y a pas [lieu] d'examiner les autres griefs retenus dans la lettre de licenciement ;
1) ALORS QUE le salarié qui participe à une mission de service public est tenu, même en dehors du service, d'un devoir de réserve qui lui impose de s'abstenir de faire de la propagande politique ; qu'il en va ainsi, notamment, d'un salarié appelé à intervenir auprès du jeune public ; qu'en l'espèce, la Mission locale du pays salonais faisait valoir qu'elle avait licencié M. [Z] pour avoir, sur son compte Facebook accessible à tous, incité à ne pas voter au deuxième tour des élections municipales, violemment critiqué les candidats en lice issus des partis des Républicains et du Front National et qualifié M. [S] de « fasciste, raciste et islamophobe », ce qui était incompatible avec le devoir de réserve auquel était tenu le salarié en sa qualité d'agent d'une Mission locale investie d'une mission de service public ; qu'en retenant qu'à supposer même que M. [Z] ait participé à une mission de service public, cela ne lui interdisait pas d'avoir « des activités de propagande politique » (arrêt p. 8), la cour d'appel a violé le devoir de réserve et les articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 5314-2 du code du travail ;
2) ALORS QUE le salarié qui participe à une mission de service public est tenu, même en dehors du service, d'un devoir de réserve qui lui impose de s'abstenir de toute manifestation d'opinion de nature à jeter le discrédit sur l'autorité chargée de la mission de service public à laquelle il participe ; qu'il en va ainsi, notamment, d'un salarié appelé à intervenir auprès du jeune public ; qu'en l'espèce, la Mission locale du pays salonais faisait valoir qu'elle avait licencié M. [Z] pour avoir, sur son compte Facebook accessible à tous, violemment critiqué l'action du gouvernement et n'avoir pas respecté les emblèmes de la République comme le drapeau français, ce qui était incompatible avec le devoir de réserve auquel était tenu le salarié en sa qualité d'agent d'une Mission locale investie d'une mission de service public ; qu'en retenant qu'à supposer même que M. [Z] ait participé à une mission de service public, cela ne lui interdisait pas de pouvoir « librement critiquer l'Etat en dehors de son travail » (arrêt p. 8), la cour d'appel a violé le devoir de réserve et les articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 5314-2 du code du travail ;
3) ALORS QUE les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, dans le cadre de leur mission de service public pour l'emploi, ont pour objet d'aider les jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus à résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale en assurant des fonctions d'accueil, d'information, d'orientation et d'accompagnement à l'accès à la formation professionnelle initiale ou continue, ou à un emploi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'« à supposer que le salarié participe bien à une mission de service public, ce que ce dernier conteste, une telle mission ne lui interdit nullement l'engagement politique ainsi que des activités de propagande politique » (arrêt p. 8) ; qu'en mettant en doute, pour se déterminant comme elle l'a fait, le fait que le salarié participait bien à une mission de service public, quand cela ressortait de la loi, la cour d'appel a violé les articles L. 5314-2, L. 1121-1 et L. 1132-1 du code du travail ;
4) ALORS QUE le salarié qui participe à une mission de service public est tenu par une obligation de laïcité qui lui interdit de faire du prosélytisme religieux ; qu'il en va ainsi, notamment, d'un salarié appelé à intervenir auprès du jeune public ; qu'en l'espèce, la Mission locale du pays salonais faisait valoir qu'elle avait licencié M. [Z] pour avoir, sur son compte Facebook accessible à tous, fait du prosélytisme religieux agressif en, notamment, diffusant des sourates du Coran appelant au combat et en invitant à diffuser massivement le Coran ; qu'en retenant que « l'employeur ne pouvait (...) faire interdiction au salarié de se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail » (arrêt p. 8) et que « le devoir de réserve qui s'impose [au salarié] en dehors de ses fonctions ne pouvant concerner l'expression publique de sa foi ni la propagation du message religieux » (arrêt pp. 8-9), la cour d'appel a violé le principe de laïcité du service public, ensemble les articles L. 5314-2, L. 1121-1 et L. 1132-1 du code du travail ;
5) ALORS, en toute hypothèse, QUE les salariés de droit privé mis à disposition d'une collectivité territoriale sont soumis aux mêmes obligations que les fonctionnaires, dont les obligations de neutralité et de laïcité ; qu'en l'espèce, en retenant qu'un conseiller d'insertion au sein d'une mission locale, même mis à disposition d'une municipalité, ne perdait nullement sa liberté d'engagement politique et d'expression publique de cet engagement en dehors de l'exercice de ses fonctions et qu'il pouvait librement critiquer l'Etat et se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail, la cour d'appel a violé l'article 61-2 de la loi n° 2007-148 de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007 et l'article 11 du décret d'application du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux ;
6) ALORS en toute hypothèse QUE le salarié est tenu, au titre de son contrat de travail, d'une obligation de loyauté à laquelle est inhérent un certain devoir de réserve ; que tel est en particulier le cas du salarié employé par une personne en charge d'une mission d'intérêt général, et qui est amené à travailler auprès du jeune public, ce qui justifie une obligation renforcée de loyauté et de réserve ; qu'en affirmant, pour retenir une discrimination impliquant la nullité du licenciement, que « l'employeur ne pouvait (...) faire interdiction au salarié de se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail » (arrêt p. 8) et que « le devoir de réserve qui s'impose [au salarié] en dehors de ses fonctions ne pouvant concerner l'expression publique de sa foi ni la propagation du message religieux » (arrêt pp. 8-9), tandis que les fonctions du salarié au service de la mission locale, impliquant notamment une intervention auprès du jeune public, le rendait débiteur d'une obligation de loyauté et de réserve que violait manifestement son comportement et ses propos publics sur son compte facebook, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail ;
7) ALORS, en toute hypothèse, QUE sauf abus, le salarié jouit en dehors de l'entreprise de sa liberté d'expression à laquelle seules les restrictions justifiées par la nature la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu'il y a abus de la liberté d'expression lorsque les propos tenus par le salarié sont injurieux, diffamatoires ou excessifs ; qu'à cet égard, le cercle de diffusion des propos constitue un paramètre pertinent, voire prépondérant, à prendre en compte pour apprécier l'existence de l'abus ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas si les messages publiés par M. [Z] sur son compte Facebook accessible par tous n'étaient pas injurieux, diffamatoires ou excessifs et ne constituaient donc pas un abus de la liberté d'expression, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et L. 1132-1 du code du travail ;
8) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les termes et les limites du litige ; qu'en l'espèce, pour conclure à la nullité du licenciement de M. [Z], la cour d'appel s'est bornée à retenir que le salarié était en droit d'avoir « des activités de propagande politique », de « librement critiquer l'Etat en dehors de son travail » et « de se livrer à des actes de prosélytisme religieux dans l'espace public en dehors de son travail » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les messages publiés par M. [Z] sur son compte Facebook accessible par tous ne constituaient pas un abus de la liberté d'expression, quand il ressortait de la lettre de licenciement que la Mission locale du pays salonais avait licencié M. [Z] non seulement pour avoir manqué à ses devoirs de réserve et de laïcité mais aussi pour avoir abusé de sa liberté d'expression, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail.