LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 21-86.410 F-D
N° 1276
MAS2
18 OCTOBRE 2022
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 OCTOBRE 2022
M. [B] [I], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 27 septembre 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 28 mai 2019, n° 18-81 153), dans la procédure suivie contre M. [N] [K] du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. [B] [I], les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [N] [K] et de la société [1], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le tribunal correctionnel a déclaré M. [N] [K] coupable de blessures involontaires sur la personne de M. [B] [I].
3. Statuant ultérieurement sur intérêts civils, le tribunal correctionnel a débouté M. [I] de sa demande de doublement des intérêts.
4. La partie civile, le prévenu et la société [1], son assureur, ont relevé appel de cette décision.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a été rendu par la cour d'appel notamment composée de M. [Z], président, alors « qu'il résulte de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article préliminaire du code de procédure pénale et de l'article 510 du même code, qu'un même magistrat ne peut, dans la même affaire, statuer en première instance et en appel ; qu'en l'espèce, il s'évince des pièces de la procédure, d'une part que la cour d'appel de Caen ayant rendu l'arrêt présentement attaqué était notamment composée de M. [Z], président, d'autre part que dans cette même affaire, ce magistrat siégeait au sein du tribunal correctionnel de Rennes ayant rendu les jugements des 13 septembre 2013 et 10 janvier 2014 ; qu'ainsi, en se prononçant sur les intérêts civils dans une composition comprenant un juge qui avait participé à deux décisions rendues, sur ces mêmes intérêts civils, en première instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la société [1]
6. Le moyen selon lequel un même magistrat ne peut, dans la même affaire, statuer en première instance et en appel est d'ordre public.
7. Il est, en conséquence, recevable sans qu'il puisse être reproché au demandeur de ne pas avoir demandé la récusation sur le fondement de l'article 668 du code de procédure pénale.
Sur le fond
Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et L. 111-9 du code de l'organisation judiciaire :
8. Il se déduit de ces textes qu'un même magistrat ne peut, dans la même affaire, statuer en première instance et en appel.
9. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le magistrat présidant la chambre correctionnelle qui a réduit la somme due à M. [I] au titre de la pénalité légale en raison de l'absence de respect des délais impartis à la société [1] pour présenter à ce dernier une offre d'indemnité au titre d'un des postes de son préjudice patrimonial, a présidé le tribunal correctionnel ayant statué, en première instance, sur cette même pénalité.
10. En se prononçant dans une composition comprenant un juge qui avait participé à la décision de première instance, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
11. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 27 septembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit octobre deux mille vingt-deux.