LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 octobre 2022
Rejet
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 597 F-D
Pourvoi n° M 21-19.253
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022
La société Déco zinc, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée [X] couverture charpente, a formé le pourvoi n° M 21-19.253 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [M] [E], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Déco zinc, de la SCP Alain Bénabent , avocat de M. [E], après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 6 mai 2021), par un acte du 23 juillet 2015, la société [X] couverture charpente, devenue la société Déco zinc, a cédé son fonds artisanal de couverture à la société [X] [E].
2. Se prévalant d'un engagement de caution solidaire du prêt consenti à cette société, qui aurait été contenu dans l'acte de vente du fonds, la société Déco zinc a assigné M. [E], gérant du cessionnaire, en paiement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Déco zinc fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir condamner M. [E] à lui payer la somme de 60 600 euros au titre du solde des sommes dues sur la vente du fonds, alors :
« 1°/ que la double qualité en laquelle intervient le signataire d'un acte juridique, d'une part à titre personnel et, d'autre part, en qualité de représentant d'un tiers, n'impose pas la nécessité d'une double signature comme condition de validité de cet acte ; qu'en énonçant au contraire que l'acte ne comportait aucune signature de M. [E], seule susceptible de caractériser l'engagement personnel de celui-ci en qualité de caution, que
ce défaut de signature affecte la validité même de l'engagement de caution, et que l'engagement personnel de M. [E] n'a pu être valablement constitué dans le cadre d'une convention qu'il n'a pas personnellement signée et à laquelle il ne peut ainsi être considéré comme ayant été partie, la cour d'appel a violé les articles 1134, devenu 1103, et 1316-4, devenu 1367, du code civil ;
2°/ que s'il était considéré que M. [E] n'était pas intervenu à titre personnel à l'acte, il résulte de l'arrêt attaqué que l'acte sous seing privé du 23 juillet indiquait une clause intitulée "caution solidaire à titre personnel de M. [M] [E]" ; qu'en jugeant toutefois qu'il ne s'était pas engagé à titre personnel, la cour d'appel a dénaturé l'acte du 23 juillet 2015 et ainsi violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article 2292 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement ne se présume point et doit être exprès.
5. Il en résulte que si la double qualité en laquelle intervient le signataire d'un acte, d'une part, à titre personnel et, d'autre part, en qualité de représentant d'un tiers, n'impose pas l'apposition d'une double signature comme condition de validité de cet acte, le signataire n'est engagé en qualité de caution qu'à la condition que la signature unique ait été portée sur l'acte de manière non équivoque en cette qualité.
6. Après avoir relevé que l'acte litigieux, dénommé « vente d'un fonds artisanal », avait été paraphé et signé, d'une part, par la société [X] couverture charpente, représentée par M. [X], son gérant, et, d'autre part, par la société [X] [E], représentée par M. [E], son gérant, l'arrêt retient qu'en l'état de ces termes, seule la société [X] [E] a pu être engagée par la signature de M. [E], en sa qualité de représentant de ladite société. Il ajoute que, s'il y a été intégrée une clause intitulée « caution solidaire à titre personnel de M. [M] [E], soussigné au présentes en qualité d'associé unique et gérant du cessionnaire », cette seule clause n'emporte pas d'engagement personnel de M. [E], en l'absence de toute mention dont il résulterait de manière non équivoque que la signature de M. [E] avait également été donnée en son nom personnel, en qualité de caution.
7. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, procédé à la recherche de la commune intention des parties, que l'ambiguïté des termes de l'acte rendait nécessaire, a pu considérer que M. [E] ne s'était pas engagé en qualité de caution au profit de la société Déco zinc.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Déco zinc aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Déco zinc et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société Déco zinc.
La société Déco zinc fait grief à l'arrêt De l'Avoir déboutée de sa demande tendant à ce que le jugement de première instance soit confirmé et ainsi à voir condamner M. [E] à payer à la société Déco zinc, la somme de 60.600 euros au titre du solde des sommes dues sur la vente du fonds de commerce intervenue le 23 juillet 2015,
1°) ALORS QUE la double qualité en laquelle intervient le signataire d'un acte juridique, d'une part à titre personnel et, d'autre part, en qualité de représentant d'un tiers, n'impose pas la nécessité d'une double signature comme condition de validité de cet acte ; qu'en énonçant au contraire que l'acte ne comportait aucune signature de M. [E], seule susceptible de caractériser l'engagement personnel de celui-ci en qualité de caution, que ce défaut de signature affecte la validité même de l'engagement de caution, et que l'engagement personnel de M. [E] n'a pu être valablement constitué dans le cadre d'une convention qu'il pas personnellement signée et à laquelle il ne peut ainsi être considéré comme ayant été partie, la cour d'appel a violé les articles 1134 devenu 1103 et 1316-4 devenu 1367 du code civil ;
2°) ALORS QUE s'il était considéré que M. [E] n'était pas intervenu à titre personnel à l'acte, il résulte de l'arrêt attaqué que l'acte sous seing privé du 23 juillet indiquait une clause intitulée « caution solidaire à titre personnel de M. [M] [E] » ; qu'en jugeant toutefois qu'il ne s'était pas engagé à titre personnel, la cour d'appel a dénaturé l'acte du 23 juillet 2015 et ainsi violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil.