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12/10/2022 | FRANCE | N°20-18855

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 octobre 2022, 20-18855


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 octobre 2022

Cassation partielle

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 594 F-D

Pourvoi n° G 20-18.855

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022<

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1°/ la société Acanthe développement, société anonyme,

2°/ la société SNC Vénus,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 3],

ont formé le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 octobre 2022

Cassation partielle

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 594 F-D

Pourvoi n° G 20-18.855

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022

1°/ la société Acanthe développement, société anonyme,

2°/ la société SNC Vénus,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° G 20-18.855 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [S] [R], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société Axyme, en la personne de M. [Z], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], prise en qualité de liquidateur de la société France immobilier group,

3°/ à M. [N] [Y], domicilié [Adresse 5],

4°/ à la société Tampico, dont le siège est [Adresse 2], société de droit luxembourgeois,

5°/ à Mme [P] [E], domiciliée [Adresse 4], pris en qualité de curateur de la société Tampico,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Acanthe développement, de la SCP Spinosi, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Acanthe développement du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Axyme, en la personne de M. [Z], pris en sa qualité de liquidateur de la société France immobilier group, la société Tampico et Mme [E], en sa qualité de curateur de cette dernière, et à la société Vénus du désistement de son pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juillet 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 26 avril 2017, pourvoi n° 14-13.554), le 24 février 2004, l'assemblée générale de la société France Luxury Group, devenue France immobilier group (la société FIG), a décidé une réduction de capital à zéro suivie d'une augmentation de capital, qui a eu pour effet d'annuler les actions de MM. [R] et [Y]. Le 28 juillet 2005, la société Tampico, filiale de la société Acanthe développement et associée unique de la société FIG, a approuvé la fusion de cette dernière avec la société Baltimore. Par jugements du 28 septembre 2009 assortis de l'exécution provisoire, confirmés sur ce point par un arrêt du 24 septembre 2019, un tribunal de commerce a annulé les résolutions adoptées lors de l'assemblée générale du 24 février 2004 relatives à la réduction et à l'augmentation du capital social et les actes subséquents à cette annulation, et a condamné la société FIG, solidairement avec la société Alliance designers, à payer des indemnités procédurales à MM. [R] et [Y].

3. Dans le cadre d'un autre litige, une cour d'appel a, par un arrêt du 19 mai 2009, devenu irrévocable sur ce point, ordonné l'exécution forcée de la promesse d'achat des actions que M. [R] détenait dans le capital de la société Alliance designers et condamné solidairement les sociétés Dofirad, FIG et Alliance designers et M. [F] à payer le prix des actions, outre une indemnité procédurale.

4. Le 23 novembre 2009, à la suite d'une décision de la société Tampico, la totalité des actifs immobiliers de la société FIG a été apportée à la société Vénus, qui appartient au même groupe. En contrepartie de cet apport, des parts de la société Vénus ont été attribuées à la société FIG dans le cadre d'une augmentation de capital décidée le 24 novembre 2009. Le 9 décembre 2009, la société FIG a versé à la société Tampico un acompte sur dividendes et opéré une distribution des autres réserves ainsi que des primes de fusion. Le 10 décembre 2009, la société FIG a procédé à une réduction de capital non motivée par des pertes et réduit la valeur nominale de ses actions en comptabilisant cette réduction sous forme de réserves.

5. Reprochant aux sociétés FIG, Tampico, Acanthe développement et Vénus d'avoir réalisé ces actes en fraude de leurs droits de créanciers de la société FIG, MM. [Y] et [R] ont assigné ces sociétés en paiement de dommages-intérêts. La société FIG ayant été mise en liquidation judiciaire, la société Becheret, Thierry, Sénéchal, Gorrias puis la société Axyme ont été désignées liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, et le troisième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, réunis

Enoncé des moyens

7. Par son premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, la société Acanthe développement fait grief à l'arrêt de dire que les sociétés Tampico et Acanthe développement sont redevables in solidum à l'égard de M. [R], pris en sa qualité de créancier de la société FIG, de la somme de 1 575 589,76 euros à titre de dommages-intérêts et, en conséquence, de fixer la créance de M. [R] au passif de la société Tampico à la somme de 1 575 589,76 euros et condamner la société Acanthe développement à payer à M. [R] la somme de 1 575 589,76 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et capitalisation des intérêts, la première capitalisation devant intervenir le 7 juillet 2021, alors :

« 1°/ que ne constituent pas un acte d'appauvrissement attaquable par la voie de l'action paulienne, les décisions prises par une société pour se conformer à une décision de justice exécutoire ; que, dans ses conclusions, la société Acanthe développement a fait valoir que la mise en oeuvre de l'action paulienne "nécessitait que soit rapportée la preuve d'un acte d'appauvrissement critiquable par le débiteur" et que "les opérations réalisées sur le capital de la société FIG ne sont pas critiquables dans la mesure où elles ne sont que la stricte application des décisions de justice qui étaient assorties de l'exécution", en l'occurrence les jugements rendus le 28 septembre 2009 par le tribunal de commerce de Paris ayant prononcé l'annulation de l'assemblée générale de la société FIG tenue le 24 février 2004 ; que la cour d'appel, examinant les demandes formées par M. [R] en sa qualité d'actionnaire de la société FIG, a relevé que les opérations litigieuses avaient été "considérées comme nécessaires pour tirer les conséquences de cette annulation et revenir sur cette fusion ayant marqué le changement d'activité de la société FIG" de sorte qu'"il ne peut être considéré qu'elles ont revêtu un caractère frauduleux" ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir l'existence d'une fraude paulienne aux droits de créancier de M. [R], que "la distribution de dividendes sous forme de remise de parts sociales de la société Vénus du 9 décembre 2009 a appauvri la société FIG", sans rechercher, comme elle y était invitée, si les actes litigieux, participant d'une remise de la société FIG en l'état où elle se trouvait à la date du 23 février 2004, ne trouvaient pas leur fondement dans la nécessité de se conformer aux jugements rendus le 28 septembre 2009 avec le bénéfice de l'exécution provisoire, partant n'étaient pas constitutifs d'un acte d'appauvrissement frauduleux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que la sanction de la fraude paulienne est constituée par l'inopposabilité au créancier des actes translatifs de propriété effectués en fraude de ses droits, de sorte que ce dernier puisse appréhender les actifs du débiteur peu important qu'ils aient été cédés ; que la cour d'appel a retenu que la décision de distribution de dividendes, par remise à son actionnaire unique, la société Tampico, de 87 399 parts sociales de la société Vénus, prise par la société FIG le 9 décembre 2009, était constitutive d'une fraude paulienne et que la société Tampico ainsi que la société Acanthe développement, actionnaire unique de la société Tampico, étaient complices de cette fraude, dès lors, d'une part, que ces sociétés avaient connaissance des créances de M. [R] à l'encontre de la société FIG et dès lors, d'autre part, que par décisions des 18 et 23 février 2010, la société Tampico avait procédé à des distributions à son actionnaire unique, par remise, notamment, des parts sociales de la société Vénus à la société Acanthe développement ; qu'elle en a conclu que les décisions des sociétés FIG et Tampico des 9 décembre 2009 et 18 février 2010 devaient être déclarés inopposables à M. [R] ; qu'en retenant néanmoins que la participation de la société Acanthe développement à la fraude paulienne était constitutive d'une faute engageant sa responsabilité et en la condamnant, en conséquence, à payer à M. [R] la somme de 1 575 589,76 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de la perte de chance de ce dernier de pouvoir recouvrer ses créances, quand la sanction de la fraude paulienne n'est pas la responsabilité civile et que l'inopposabilité des décisions litigieuses permettait au créancier d'appréhender les parts sociales, initialement détenues par la société FIG, dans les mêmes conditions que si la société en avait conservé la propriété, de sorte que le créancier n'avait perdu aucune chance d'obtenir paiement de ses créances, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1167, ensemble et par fausse application de l'article 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ qu'à supposer même que l'exercice de l'action paulienne ne soit pas exclusif d'une action en réparation du préjudice constitué par la perte de chance pour le créancier de recouvrer sa créance contre le débiteur, la responsabilité délictuelle du tiers ne peut être engagée que si, et dans la mesure où, la faute qui lui est imputée a causé le préjudice dont il est demandé réparation ; que la cour d'appel a retenu que la participation de la société Acanthe développement à la fraude aux droits de M. [R] "est établie par ses décisions des 18 et 23 février 2010, de réduire le capital de la société Tampico, d'affecter le montant de la réduction au compte 'primes d'émission', de distribuer à titre de dividendes la totalité du bénéfice de l'exercice 2009 (138 253 057 euros), d'opérer un prélèvement sur le poste 'autres réserves' (96 746 253 euros) et sur le poste 'primes de fusion' (65 254 euros), dès lors que le paiement a été effectué à son profit notamment par la remise des parts sociales de la société Vénus que la société Tampico détenait elle-même de l'opération de remise de ses parts par la société FIG deux mois auparavant" et que "la société Acanthe développement avait également connaissance des décisions de justice condamnant la société FIG, filiale de sa filiale Tampico, à payer certaines sommes à M. [R]" ; qu'en jugeant cependant la société Acanthe développement, redevable in solidum avec la société Tampico, de la somme de 1 575 589,76 euros, indemnisant la perte de chance de M. [R] de recouvrer ses créances auprès de la société FIG, quand la faute reprochée à la société Acanthe développement, postérieure, n'avait eu aucune incidence sur la réalisation du dommage dont le créancier demandait réparation, dommage qui résultait de la seule cession par la société FIG de ses actifs à la société Tampico, à laquelle la société Acanthe développement, personne morale distincte des sociétés FIG et Tampico, était étrangère, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1842 du code civil. »

8. Par son troisième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, la société Acanthe développement fait grief à l'arrêt de dire que les sociétés FIG, Tampico et Acanthe développement sont redevables in solidum à l'égard de M. [Y], pris en sa qualité de créancier de la société FIG, de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts et, en conséquence, de condamner la société Acanthe développement à payer à M. [Y] la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et capitalisation des intérêts, la première capitalisation devant intervenir le 7 juillet 2021, alors :

« 1°/ que ne constituent pas un acte d'appauvrissement attaquable par la voie de l'action paulienne, les décisions prises par une société pour se conformer à une décision de justice exécutoire ; que, dans ses conclusions, la société Acanthe développement a fait valoir que la mise en oeuvre de l'action paulienne "nécessitait que soit rapportée la preuve d'un acte d'appauvrissement critiquable par le débiteur" et que "les opérations réalisées sur le capital de la société FIG ne sont pas critiquables dans la mesure où elles ne sont que la stricte application des décisions de justice qui étaient assorties de l'exécution", en l'occurrence les jugements rendus le 28 septembre 2009 ; que la cour d'appel, examinant les demandes formées par M. [R] en sa qualité d'actionnaire de la société FIG, a relevé que les opérations litigieuses avaient été "considérées comme nécessaires pour tirer les conséquences de cette annulation et revenir sur cette fusion ayant marqué le changement d'activité de la société FIG" de sorte qu'"il ne peut être considéré qu'elles ont revêtu un caractère frauduleux" ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir l'existence d'une fraude paulienne aux droits de créancier de M. [Y], que "la distribution de dividendes sous forme de remise de parts sociales de la société Vénus du 9 décembre 2009 a appauvri la société FIG" et qu'"il en est de même des décisions prises dès le lendemain 10 décembre 2009, de réduction de son capital et de remise à la société Tampico, par le biais d'une prime d'émission des parts sociales de la société Vénus que la société FIG détenait encore", sans rechercher, comme elle y était invitée, si les actes litigieux, participant d'une remise de la société FIG en l'état où elle se trouvait à la date du 23 février 2004, ne trouvaient pas leur fondement dans la nécessité de se conformer aux jugements rendus le 28 septembre 2009 avec le bénéfice de l'exécution provisoire, partant n'étaient pas constitutifs d'un acte d'appauvrissement frauduleux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que la sanction de la fraude paulienne est constituée par l'inopposabilité au créancier des actes translatifs de propriété effectués en fraude de ses droits, de sorte que ce dernier puisse appréhender les actifs du débiteur peu important qu'ils aient été cédés ; que la cour d'appel a retenu que les décisions de remise à son actionnaire unique, la société Tampico, des parts sociales de la société Vénus qu'elle détenait, prise par la société FIG les 9 et 10 décembre 2009, étaient constitutives d'une fraude paulienne et que la société Tampico ainsi que la société Acanthe développement, actionnaire unique la société Tampico, étaient complices de cette fraude, dès lors, d'une part, que ces dernières avaient connaissance des créances de M. [R] à l'encontre de la société FIG et dès lors, d'autre part, que par décisions des 18 et 23 février 2010, la société Tampico avait procédé à des distributions à son actionnaire unique, par remise, notamment, des parts sociales de la société Vénus à la société Acanthe développement ; qu'elle en a conclu que les décisions des sociétés FIG et Tampico des 9 décembre 2009 et 18 février 2010 devaient être déclarées inopposables à M. [Y] ; qu'en retenant néanmoins que la participation de la société Acanthe développement à la fraude paulienne était constitutive d'une faute engageant sa responsabilité et en la condamnant, en conséquence, à payer à M. [Y] la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de la perte de chance de ce dernier de pouvoir recouvrer ses créances, quand la sanction de la fraude paulienne n'est pas la responsabilité civile et que l'inopposabilité des décisions litigieuses permettait au créancier d'appréhender les parts sociales, initialement détenues par la société FIG, dans les mêmes conditions que si la société en avait conservé la propriété, de sorte que le créancier n'avait perdu aucune chance d'obtenir paiement de ses créances, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1167, ensemble et par fausse application de l'article 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ qu'à supposer même que l'exercice de l'action paulienne ne soit pas exclusif d'une action en réparation du préjudice constitué par la perte de chance pour le créancier de recouvrer sa créance contre le débiteur, la responsabilité délictuelle du tiers ne peut être engagée que si, et dans la mesure où, la faute qui lui est imputée a causé le préjudice dont il est demandé réparation ; que la cour d'appel a retenu que la participation de la société Acanthe développement à la fraude aux droits de M. [Y] "est établie par ses décisions des 18 et 23 février 2010, de réduire le capital de la société Tampico, d'affecter le montant de la réduction au compte 'primes d'émission', de distribuer à titre de dividendes la totalité du bénéfice de l'exercice 2009 (138 253 057 euros), d'opérer un prélèvement sur le poste 'autres réserves' (96 746 253 euros) et sur le poste 'primes de fusion' (65 254 euros), dès lors que le paiement a été effectué à son profit notamment par la remise des parts sociales de la société Vénus que la société Tampico détenait elle-même de l'opération de remise de ses parts par la société FIG deux mois auparavant" et que "la société Acanthe développement avait également connaissance du jugement condamnant la société FIG, filiale de sa filiale Tampico, à payer une indemnité procédurale à M. [Y]" ; qu'en jugeant cependant la société Acanthe développement, redevable in solidum avec la société Tampico, de la somme de 50 000 euros, indemnisant le préjudice subi par M. [Y], quand la faute reprochée à la société Acanthe développement, postérieure, n'avait eu aucune incidence sur la réalisation du dommage dont le créancier demandait réparation, dommage qui résultait de la seule cession par la société FIG de ses actifs à la société Tampico, à laquelle la société Acanthe développement, personne morale distincte des sociétés FIG et Tampico, était étrangère, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1842 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. En premier lieu, selon l'article L. 235-8, alinéa 1er, du code de commerce, la nullité d'une opération de fusion ne peut résulter que de la nullité de la délibération de l'une des assemblées qui ont décidé l'opération ou du défaut de dépôt de la déclaration de conformité mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 236-6. Ayant retenu que la distribution de dividendes par la société FIG, le 9 décembre 2009, sous la forme d'une remise de parts sociales de la société Vénus, ainsi que, dès le lendemain, la réduction de son capital et la remise à la société Tampico, par le biais d'une prime d'émission, des parts sociales de la société Vénus que la société FIG détenait encore, avaient considérablement appauvri la société FIG et que les jugements rendus le 28 septembre 2009 avaient ordonné l'annulation des résolutions de l'assemblée générale de la société FIG du 24 février 2004 et tous les actes s'y rapportant ainsi que tous les actes subséquents, ce dont il résultait que l'annulation de la délibération du 28 juillet 2005 ayant approuvé la fusion de la société FIG avec la société Baltimore n'avait pas été prononcée, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la première branche des premier et troisième moyens, inopérante dès lors que ces jugements n'exigeaient pas de remettre la société FIG dans l'état où elle se serait trouvée si cette fusion n'avait pas existé.

10. En deuxième lieu, le fait que le créancier puisse, en application de l'article 1167 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, attaquer, par la voie de l'action paulienne, les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, ne lui interdit pas d'agir exclusivement contre le tiers complice de la fraude dont il est victime, en réparation du préjudice constitué par la perte de chance de recouvrer sa créance, cette complicité étant constitutive d'une faute au sens de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. Le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le troisième moyen, pris en sa troisième branche, qui postulent le contraire, manquent en droit.

11. En dernier lieu, l'arrêt constate que, par décisions des 18 et 23 février 2010, la société Acanthe développement a décidé de réduire le capital de la société Tampico, d'affecter le montant de la réduction au compte « primes d'émission », de distribuer à titre de dividendes la totalité du bénéfice de l'exercice 2009 (138 253 057 euros) et d'opérer un prélèvement sur le poste « autres réserves » (96 746 253 euros) et sur le poste « primes de fusion » (65 254 euros). Il constate encore que le paiement a été effectué au profit de la société Acanthe développement, notamment par la remise des parts sociales de la société Vénus que la société Tampico détenait elle-même à la suite de l'opération de remise de ces parts par la société FIG deux mois auparavant. Il relève que la société Acanthe développement avait également connaissance des décisions de justice condamnant la société FIG, filiale de sa filiale, la société Tampico, à payer certaines sommes à MM. [R] et [Y] et qu'à ce moment-là, elle était l'associée unique de la société Tampico, elle-même associée unique de la société FIG, et avait pour directeur général délégué le président des sociétés Tampico et FIG. Il ajoute que, dans l'annexe à ses comptes annuels 2009, la société Acanthe développement faisait état, dans une note relative aux litiges, des jugements du 28 septembre 2009 et de l'arrêt du 19 mai 2009, précisant notamment que les sociétés Dofirad, FIG et Alliances designers et M. [F] avaient été condamnés à payer à M. [R] deux millions et demi d'euros et que si la société FIG devait être appelée à exécuter la décision avant les autres parties, elle appellerait les autres parties concernées pour le paiement. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que la société Acanthe développement avait participé à la fraude et contribué par sa faute à la réalisation des préjudices invoqués par MM. [R] et [Y].

12. Par conséquent, les moyens ne sont pas fondés.

Sur le deuxième moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la société Tampico est redevable, in solidum avec la société Acanthe développement, à l'égard de M. [R], pris en sa qualité de créancier de la société FIG, de la somme de 1 575 589,76 euros à titre de dommages-intérêts et, en conséquence, de fixer la créance de M. [R] au passif de la société Tampico à la somme de 1 575 589,76 euros

13. La société Acanthe développement n'ayant pas qualité pour critiquer un chef de dispositif qui concerne une autre partie, le moyen est irrecevable.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que la société Acanthe développement est redevable à l'égard de M. [R], pris en sa qualité de créancier de la société FIG, de la somme de 1 575 589,76 euros à titre de dommages-intérêts et, en conséquence, de la condamner à lui payer cette somme

Enoncé du moyen

14. La société Acanthe développement fait grief à l'arrêt de dire que la société Acanthe développement est redevable à l'égard de M. [R], pris en sa qualité de créancier de la société FIG, de la somme de 1 575 589,76 euros à titre de dommages-intérêts et, en conséquence, de la condamner à payer à M. [R] cette somme à titre de dommages-intérêts, avec intérêts, alors « que n'est ni certain, ni déterminé le préjudice invoqué par le créancier qui n'a exercé aucun recours en paiement à l'encontre de ses débiteurs ; que la cour d'appel, qui a retenu que les sociétés Tampico et Acanthe développement avaient fait perdre à M. [R] une chance de recouvrer auprès de la société FIG le montant des condamnations résultant du jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 septembre 2009 et de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 mai 2009, a constaté que ces condamnations avaient été prononcées à l'encontre de la société FIG solidairement avec d'autres sociétés et avec M. [F] ; qu'en jugeant cependant les sociétés Tampico et Acanthe développement redevables in solidum à l'égard de M. [R] de la somme de 1 575 589,76 euros à titre de dommages-intérêts et en condamnant la société Acanthe développement à payer à M. [R] cette somme, au motif inopérant que "s'agissant de condamnations en paiement assorties de la solidarité, le choix de M. [R] de ne pas obtenir leur exécution auprès des autres sociétés condamnées ou de M. [F] est également sans incidence sur l'appréciation de la perte de chance de voir exécuter ladite condamnation à l'encontre de la société FIG", et sans constater que les condamnations ne pouvaient pas être exécutées ou plus difficilement à l'encontre des codébiteurs solidaires, la cour d'appel, qui a indemnisé un préjudice qui n'était ni certain, ni déterminé, a violé les articles 1382 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

15. Il résulte de ce texte que le préjudice, pour être réparable, doit être certain.

16. Pour dire que la société Acanthe développement est redevable à l'égard de M. [R], pris en sa qualité de créancier de la société FIG, de la somme de 1 575 589,76 euros à titre de dommages-intérêts et, en conséquence, la condamner à lui payer cette somme, l'arrêt retient que, s'agissant de condamnations en paiement assorties de la solidarité, le choix de M. [R] de ne pas obtenir leur exécution auprès des autres sociétés condamnées ou de M. [F] est sans incidence sur l'appréciation de la perte de chance de voir exécuter ladite condamnation à l'encontre de la société FIG.

17. En statuant ainsi, alors que M. [R] disposait, pour le recouvrement de sa créance, d'une voie de droit contre les sociétés Dofirad et Alliance designers et M. [F], qui n'était pas une conséquence de la situation dommageable imputée à la faute de la société Acanthe développement, de sorte qu'il ne justifiait pas d'un préjudice certain, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, en ce qu'il fait le même grief à l'arrêt

Enoncé du moyen

18. La société Acanthe développement fait le même grief à l'arrêt, alors « que la preuve du caractère certain et déterminé du préjudice incombe à celui qui en demande réparation ; qu'en retenant, pour dire que les sociétés Tampico et Acanthe développement étaient redevables in solidum à l'égard de M. [R] de la somme de 1 575 589,76 euros, à titre de dommages-intérêts, partant condamner la société Acanthe développement au paiement de cette somme, que "les sociétés défenderesses ne démontrent pas la capacité des sociétés Dofirad et Alliance designers et de M. [F] d'exécuter ces décisions", quand la preuve d'un préjudice certain et déterminé, supposant l'impossibilité ou la plus grande difficulté pour le créancier d'obtenir paiement de ses créances auprès des autres codébiteurs solidaires, pesait sur ce dernier, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1353 du code civil :

19. Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

20. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que les sociétés Acanthe développement et Tampico ne démontrent pas la capacité des sociétés Dofirad et Alliance designers et de M. [F] d'exécuter l'arrêt du 19 mai 2009 et le jugement du 28 septembre 2009.

21. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à M. [R], tenu de prouver le caractère certain de son préjudice, de démontrer l'impossibilité de recouvrer sa créance auprès des codébiteurs de la société FIG, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

22. Il résulte des articles 615, alinéa 1er, et 638 du code de procédure civile qu'hors les cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire, la cassation de la condamnation in solidum ne profite pas à tous les codébiteurs in solidum mais à celui qui a formé le pourvoi ou qui s'y est associé.

23. En l'absence de tout lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre les condamnations prononcées contre chacun des co-auteurs de la fraude commise, la cassation prononcée sur le pourvoi de la seule société Acanthe développement est limitée aux chefs de dispositif disant que celle-ci est redevable à l'égard de M. [R], pris en sa qualité de créancier de la société FIG, de la somme de 1 575 589,76 euros à titre de dommages-intérêts et la condamnant, en conséquence, à lui payer cette somme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Acanthe développement est redevable à l'égard de M. [R], pris en sa qualité de créancier de la société France immobilier group, de la somme de 1 575 589,76 euros à titre de dommages-intérêts et la condamne, en conséquence, à payer à M. [R] la somme de 1 575 589,76 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation des intérêts, la première capitalisation devant intervenir le 7 juillet 2021, et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile en ce qui concerne M. [R] et la société Acanthe développement, l'arrêt rendu le 7 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et le condamne à payer à la société Acanthe développement la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux, et signé par lui et M. Ponsot, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les sociétés Acanthe développement et SNC Vénus.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société Acanthe Développement fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les sociétés Tampico et Acanthe développement sont redevables in solidum à l'égard de M. [S] [R], pris en sa qualité de créancier de la société France immobilier groupe, de la somme de 1.575.589,76 euros à titre de dommages-intérêts et d'avoir, en conséquence, fixé la créance de M. [S] [R] au passif de la société Tampico à la somme de 1.575.589,76 euros et condamné la société Acanthe développement à payer à M. [S] [R] la somme de 1.575.589,76 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation des intérêts, la première capitalisation devant intervenir le 7 juillet 2021,

1 – ALORS QUE ne constituent pas un acte d'appauvrissement attaquable par la voie de l'action paulienne, les décisions prises par une société pour se conformer à une décision de justice exécutoire ; que, dans ses conclusions, la société Acanthe Développement a fait valoir que la mise en oeuvre de l'action paulienne « nécessitait que soit rapportée la preuve d'un acte d'appauvrissement critiquable par le débiteur » et que « les opérations réalisées sur le capital de la société FIG ne sont pas critiquables dans la mesure où elles ne sont que la stricte application des décisions de justice qui étaient assorties de l'exécution », en l'occurrence les jugements rendus le 28 septembre 2009 par le tribunal de commerce de Paris ayant prononcé l'annulation de l'assemblée générale de la société FIG tenue le 24 février 2004, (conclusions, p. 29, in fine, p. 30, al. 1 et p. 34) ; que la cour d'appel, examinant les demandes formées par M. [R] en sa qualité d'actionnaire de la société FIG, a relevé que les opérations litigieuses avaient été « considérées comme nécessaires pour tirer les conséquences de cette annulation et revenir sur cette fusion ayant marqué le changement d'activité de la société FIG » de sorte qu' « il ne peut être considéré qu'elles ont revêtu un caractère frauduleux », (arrêt, p. 22) ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir l'existence d'une fraude paulienne aux droits de créancier de M. [R], que « la distribution de dividendes sous forme de remise de parts sociales de la société Vénus du 9 décembre 2009 a appauvri la société FIG », sans rechercher, comme elle y était invitée, si les actes litigieux, participant d'une remise de la société FIG en l'état où elle se trouvait à la date du 23 février 2004, ne trouvaient pas leur fondement dans la nécessité de se conformer aux jugements rendus le 28 septembre 2009 avec le bénéfice de l'exécution provisoire, partant n'étaient pas constitutifs d'un acte d'appauvrissement frauduleux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2 – ALORS QUE la fraude paulienne suppose que l'acte d'appauvrissement ait eu pour effet d'entraîner l'insolvabilité, au moins apparente, du débiteur ; qu'en se fondant, pour retenir l'existence d'une insolvabilité au moins apparente à la date de la distribution de dividendes, partant l'existence d'une fraude paulienne, sur le constat inopérant que la société FIG « était, aux termes du jugement du 6 janvier 2011 l'ayant placée en liquidation judiciaire, en cessation des paiements depuis le 6 juillet 2009 et qu'elle ne détenait plus d'actifs immobiliers et parts sociales de SCI en vertu du traité d'apport du 23 novembre 2009 », sans constater que la distribution de dividendes avait eu pour effet de rendre, au moins apparemment, la société FIG insolvable, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3 – ALORS QUE la sanction de la fraude paulienne est constituée par l'inopposabilité au créancier des actes translatifs de propriété effectués en fraude de ses droits, de sorte que ce dernier puisse appréhender les actifs du débiteur peu important qu'ils aient été cédés ; que la cour d'appel a retenu que la décision de distribution de dividendes, par remise à son actionnaire unique, la société Tampico, de 87 399 parts sociales de la société Vénus, prise par la société FIG le 9 décembre 2009, était constitutive d'une fraude paulienne et que la société Tampico ainsi que la société Acanthe Développement, actionnaire unique de la société Tampico, étaient complices de cette fraude, dès lors, d'une part, que ces sociétés avaient connaissance des créances de M. [R] à l'encontre de la société FIG et dès lors, d'autre part, que par décisions des 18 et 23 février 2010, la société Tampico avait procédé à des distributions à son actionnaire unique, par remise, notamment, des parts sociales de la société Vénus à la société Acanthe Développement ; qu'elle en a conclu que les décisions des sociétés FIG et Tampico des 9 décembre 2009 et 18 février 2010 devaient être déclarés inopposables à M. [R], (arrêt, p. 27 et 28) ; qu'en retenant néanmoins que la participation de la société Acanthe Développement à la fraude paulienne était constitutive d'une faute engageant sa responsabilité et en la condamnant, en conséquence, à payer à M. [S] [R] la somme de 1.575.589,76 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de la perte de chance de ce dernier de pouvoir recouvrer ses créances, quand la sanction de la fraude paulienne n'est pas la responsabilité civile et que l'inopposabilité des décisions litigieuses permettait au créancier d'appréhender les parts sociales, initialement détenues par la société FIG, dans les mêmes conditions que si la société en avait conservé la propriété, de sorte que le créancier n'avait perdu aucune chance d'obtenir paiement de ses créances, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1167, ensemble et par fausse application de l'article 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4 – ALORS, en tout état de cause, QU' à supposer même que l'exercice de l'action paulienne ne soit pas exclusif d'une action en réparation du préjudice constitué par la perte de chance pour le créancier de recouvrer sa créance contre le débiteur, la responsabilité délictuelle du tiers ne peut être engagée que si, et dans la mesure où, la faute qui lui est imputée a causé le préjudice dont il est demandé réparation ; que la cour d'appel a retenu que la participation de la société Acanthe Développement à la fraude aux droits de M. [R] « est établie par ses décisions des 18 et 23 février 2010, de réduire le capital de la société Tampico, d'affecter le montant de la réduction au compte "primes d'émission", de distribuer à titre de dividendes la totalité du bénéfice de l'exercice 2009 (138.253.057 euros), d'opérer un prélèvement sur le poste "autres réserves" (96.746.253 euros) et sur le poste " primes de fusion" (65.254 euros), dès lors que le paiement a été effectué à son profit notamment par la remise des parts sociales de la société Vénus que la société Tampico détenait elle-même de l'opération de remise de ses parts par la société FIG deux mois auparavant » et que « la société Acanthe développement avait également connaissance des décisions de justice condamnant la société FIG, filiale de sa filiale Tampico, à payer certaines sommes à M. [R] » ; qu'en jugeant cependant la société Acanthe Développement, redevable in solidum avec la société Tampico, de la somme de 1.575.589,76 euros, indemnisant la perte de chance de M. [R] de recouvrer ses créances auprès de la société FIG, quand la faute reprochée à la société Acanthe Développement, postérieure, n'avait eu aucune incidence sur la réalisation du dommage dont le créancier demandait réparation, dommage qui résultait de la seule cession par la société FIG de ses actifs à la société Tampico, à laquelle la société Acanthe Développement, personne morale distincte des sociétés FIG et Tampico, était étrangère, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1842 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
, (subsidiaire)

La société Acanthe Développement fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les sociétés Tampico et Acanthe Développement sont redevables in solidum à l'égard de M. [S] [R], pris en sa qualité de créancier de la société France immobilier groupe, de la somme de 1.575.589,76 euros à titre de dommages-intérêts et d'avoir, en conséquence, fixé la créance de M. [S] [R] au passif de la société Tampico à la somme de 1.575.589,76 euros et condamné la société Acanthe développement à payer à M. [S] [R] la somme de 1.575.589,76 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation des intérêts, la première capitalisation devant intervenir le 7 juillet 2021

1 – ALORS QUE n'est ni certain, ni déterminé le préjudice invoqué par le créancier qui n'a exercé aucun recours en paiement à l'encontre de ses débiteurs ; que la cour d'appel, qui a retenu que les sociétés Tampico et Acanthe Développement avaient fait perdre à M. [R] une chance de recouvrer auprès de la société FIG le montant des condamnations résultant du jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 septembre 2009 et de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 mai 2009, a constaté que ces condamnations avaient été prononcées à l'encontre de la société FIG solidairement avec d'autres sociétés et avec M. [F] ; qu'en jugeant cependant les sociétés Tampico et Acanthe Développement redevables in solidum à l'égard de M. [S] [R] de la somme de 1.575.589,76 euros à titre de dommages-intérêts et en condamnant la société Acanthe Développement à payer à M. [S] [R] cette somme, au motif inopérant que « s'agissant de condamnations en paiement assorties de la solidarité, le choix de M. [R] de ne pas obtenir leur exécution auprès des autres sociétés condamnées ou de M. [F] est également sans incidence sur l'appréciation de la perte de chance de voir exécuter ladite condamnation à l'encontre de la société FIG », et sans constater que les condamnations ne pouvaient pas être exécutées ou plus difficilement à l'encontre des codébiteurs solidaires, la cour d'appel, qui a indemnisé un préjudice qui n'était ni certain, ni déterminé, a violé les articles 1382 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2 – ALORS QUE la preuve du caractère certain et déterminé du préjudice incombe à celui qui en demande réparation ; qu'en retenant, pour dire que les sociétés Tampico et Acanthe Développement étaient redevables in solidum à l'égard de M. [S] [R] de la somme de 1.575.589,76 euros, à titre de dommages-intérêts, partant condamner la société Acanthe Développement au paiement de cette somme, que « les sociétés défenderesses ne démontrent pas la capacité des sociétés Dofirad et Alliance designers et de M. [F] d'exécuter ces décisions », quand la preuve d'un préjudice certain et déterminé, supposant l'impossibilité ou la plus grande difficulté pour le créancier d'obtenir paiement de ses créances auprès des autres codébiteurs solidaires, pesait sur ce dernier, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1353 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

La société Acanthe Développement fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les sociétés France immobilier group, Tampico et Acanthe développement sont redevables in solidum à l'égard de M. [N] [Y], pris en sa qualité de créancier de la société France immobilier groupe, de la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts et d'avoir, en conséquence, condamné la société Acanthe développement à payer à M. [N] [Y] la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation des intérêts, la première capitalisation devant intervenir le 7 juillet 2021,

1 – ALORS QUE ne constituent pas un acte d'appauvrissement attaquable par la voie de l'action paulienne, les décisions prises par une société pour se conformer à une décision de justice exécutoire ; que, dans ses conclusions, la société Acanthe Développement a fait valoir que la mise en oeuvre de l'action paulienne « nécessitait que soit rapportée la preuve d'un acte d'appauvrissement critiquable par le débiteur » et que « les opérations réalisées sur le capital de la société FIG ne sont pas critiquables dans la mesure où elles ne sont que la stricte application des décisions de justice qui étaient assorties de l'exécution », en l'occurrence les jugements rendus le 28 septembre 2009, (conclusions, p. 27, al. 4 à 6 et, p. 30, al. 1 et p. 30 à 3) ; que la cour d'appel, examinant les demandes formées par M. [R] en sa qualité d'actionnaire de la société FIG, a relevé que les opérations litigieuses avaient été « considérées comme nécessaires pour tirer les conséquences de cette annulation et revenir sur cette fusion ayant marqué le changement d'activité de la société FIG » de sorte qu' « il ne peut être considéré qu'elles ont revêtu un caractère frauduleux » (arrêt, p. 22) ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir l'existence d'une fraude paulienne aux droits de créancier de M. [Y], que « la distribution de dividendes sous forme de remise de parts sociales de la société Vénus du 9 décembre 2009 a appauvri la société FIG » et qu' « il en est de même des décisions prises dès le lendemain 10 décembre 2009, de réduction de son capital et de remise à la société Tampico, par le biais d'une prime d'émission des parts sociales de la société Vénus que la société FIG détenait encore », sans rechercher, comme elle y était invitée, si les actes litigieux, participant d'une remise de la société FIG en l'état où elle se trouvait à la date du 23 février 2004, ne trouvaient pas leur fondement dans la nécessité de se conformer aux jugements rendus le 28 septembre 2009 avec le bénéfice de l'exécution provisoire, partant n'étaient pas constitutifs d'un acte d'appauvrissement frauduleux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2 – ALORS QUE la fraude paulienne suppose que l'acte d'appauvrissement ait eu pour effet d'entraîner l'insolvabilité, au moins apparente, du débiteur ; qu'en se fondant, pour retenir l'existence d'une insolvabilité au moins apparente à la date de la distribution de dividendes, partant l'existence d'une fraude paulienne, sur le constat inopérant que la société FIG « était, aux termes du jugement du 6 janvier 2011 l'ayant placé en liquidation judiciaire, en cessation des paiements depuis le 6 juillet 2009 et qu'elle ne détenait plus d'actifs immobiliers et parts sociales de SCI en vertu du traité d'apport du 23 novembre 2009 » et sans constater que la distribution de dividendes avait eu pour effet de rendre, au moins apparemment, la société FIG insolvable, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1167, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3 – ALORS QUE la sanction de la fraude paulienne est constituée par l'inopposabilité au créancier des actes translatifs de propriété effectués en fraude de ses droits, de sorte que ce dernier puisse appréhender les actifs du débiteur peu important qu'ils aient été cédés ; que la cour d'appel a retenu que les décisions de remise à son actionnaire unique, la société Tampico, des parts sociales de la société Vénus qu'elle détenait, prise par la société FIG les 9 et 10 décembre 2009, étaient constitutives d'une fraude paulienne et que la société Tampico ainsi que la société Acanthe Développement, actionnaire unique la société Tampico, étaient complices de cette fraude, dès lors, d'une part, que ces dernières avaient connaissance des créances de M. [R] à l'encontre de la société FIG et dès lors, d'autre part, que par décisions des 18 et 23 février 2010, la société Tampico avait procédé à des distributions à son actionnaire unique, par remise, notamment, des parts sociales de la société Vénus à la société Acanthe Développement ; qu'elle en a conclu que les décisions des sociétés FIG et Tampico des 9 décembre 2009 et 18 février 2010 devaient être déclarées inopposables à M. [Y], (arrêt, p. 38) ; qu'en retenant néanmoins que la participation de la société Acanthe Développement à la fraude paulienne était constitutive d'une faute engageant sa responsabilité et en la condamnant, en conséquence, à payer à M. [Y] la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de la perte de chance de ce dernier de pouvoir recouvrer ses créances, quand la sanction de la fraude paulienne n'est pas la responsabilité civile et que l'inopposabilité des décisions litigieuses permettait au créancier d'appréhender les parts sociales, initialement détenues par la société FIG, dans les mêmes conditions que si la société en avait conservé la propriété, de sorte que le créancier n'avait perdu aucune chance d'obtenir paiement de ses créances, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1167, ensemble et par fausse application de l'article 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4 – ALORS, en tout état de cause, QU' à supposer même que l'exercice de l'action paulienne ne soit pas exclusif d'une action en réparation du préjudice constitué par la perte de chance pour le créancier de recouvrer sa créance contre le débiteur, la responsabilité délictuelle du tiers ne peut être engagée que si, et dans la mesure où, la faute qui lui est imputée a causé le préjudice dont il est demandé réparation ; que la cour d'appel a retenu que la participation de la société Acanthe Développement à la fraude aux droits de M. [Y] « est établie par ses décisions des 18 et 23 février 2010, de réduire le capital de la société Tampico, d'affecter le montant de la réduction au compte "primes d'émission", de distribuer à titre de dividendes la totalité du bénéfice de l'exercice 2009 (138.253.057 euros), d'opérer un prélèvement sur le poste "autres réserves" (96.746.253 euros) et sur le poste " primes de fusion" (65.254 euros), dès lors que le paiement a été effectué à son profit notamment par la remise des parts sociales de la société Vénus que la société Tampico détenait elle-même de l'opération de remise de ses parts par la société FIG deux mois auparavant » et que « la société Acanthe développement avait également connaissance du jugement condamnant la société FIG, filiale de sa filiale Tampico, à payer une indemnité procédurale à M. [Y] » ; qu'en jugeant cependant la société Acanthe Développement, redevable in solidum avec la société Tampico, de la somme de 50 000 euros, indemnisant le préjudice subi par M. [Y], quand la faute reprochée à la société Acanthe Développement, postérieure, n'avait eu aucune incidence sur la réalisation du dommage dont le créancier demandait réparation, dommage qui résultait de la seule cession par la société FIG de ses actifs à la société Tampico, à laquelle la société Acanthe Développement, personne morale distincte des sociétés FIG et Tampico, était étrangère, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1842 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-18855
Date de la décision : 12/10/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 juillet 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 oct. 2022, pourvoi n°20-18855


Composition du Tribunal
Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.18855
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