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06/10/2022 | FRANCE | N°21-15571

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 octobre 2022, 21-15571


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 octobre 2022

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1034 F-D

Pourvoi n° J 21-15.571

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022

1°/ la société Aerofutur, société par actions simplifiée,

dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société Martyn Winlow LTD, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 3] (Royaume-Uni),

ont formé ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 octobre 2022

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1034 F-D

Pourvoi n° J 21-15.571

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022

1°/ la société Aerofutur, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société Martyn Winlow LTD, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 3] (Royaume-Uni),

ont formé le pourvoi n° J 21-15.571 contre l'arrêt rendu le 22 décembre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Allianz Global Corporate et Speciality, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat des sociétés Aerofutur et Martyn Winlow LTD, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Allianz Global Corporate et Speciality, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 décembre 2020), un aéronef, loué avec option d'achat par la société Aérofutur auprès de la société Martyn Winlow et assuré auprès de la société Allianz Global Corporate et Speciality (la société Allianz), s'est écrasé lors d'un vol. Le pilote, [Z] [G], est décédé dans l'incendie de l'appareil.

2. La société Allianz ayant refusé sa garantie au motif que les conditions n'en étaient pas réunies, les sociétés Martyn Winlow et Aérofutur l'ont assignée devant un tribunal de commerce, afin d'être indemnisées de leur préjudice matériel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les sociétés Martyn Winlow et Aérofutur font grief à l'arrêt de dire que la société Allianz est fondée à décliner sa garantie et de les débouter de toutes leurs demandes, alors « que la clause qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie des risques en considération de circonstances particulières de réalisation du risque s'analyse en une clause d'exclusion de garantie ; que les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ; qu'en considérant que la stipulation contenue à l'article 3 des conditions générales de la police, selon laquelle la garantie est subordonnée au respect de diverses conditions et notamment celle imposant que le personnel prenant part à la conduite de l'aéronef soit titulaire des brevets, licences et qualifications en état de validité, en conformité avec la réglementation concernant les conditions de vol, doit être regardée comme une condition de la garantie, puisqu'elle définit le risque pris en charge, et échappe dès lors au régime des exclusions, quand constitue une clause d'exclusion celle qui écarte la garantie du risque aérien lorsque le pilote, lors du sinistre, n'était pas titulaire des brevets, licences et qualifications requis, la cour d'appel a violé, par fausse qualification, les articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, qui a constaté que la garantie était subordonnée au respect de diverses conditions et notamment celles imposant que le personnel prenant part à la conduite de l'aéronef soit titulaire des brevets, licences et qualifications en état de validité, en conformité avec la réglementation concernant les conditions de vol, a exactement décidé que ces stipulations, qui formulaient des exigences générales et précises, définissaient le risque pris en charge, de sorte qu'il s'agissait de conditions de la garantie échappant au régime des exclusions.

6. Le grief n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

7. Les sociétés Martyn Winlow et Aérofutur font le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ que lorsque les conditions de garantie sont réunies, l'assureur doit, en principe, indemniser l'assuré pour le préjudice qu'il a subi ; qu'en se bornant à considérer que M. [G] bénéficiait uniquement de la qualification VFR et non d'une qualification IFR, qu'au moment de l'accident, les conditions de vol VFR n'étaient plus respectées par le pilote et qu'une clairance VFR spécial n'avait pas été sollicitée et obtenue du contrôle de la circulation aérienne par le pilote, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si un peu avant l'accident les conditions de vol VFR n'étaient pas remplies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Martyn Winlow Ltd et Aérofutur rappelaient qu'un pilote peut se faire surprendre par un phénomène météorologique ponctuel, que, lors de son vol, M. [G] avait tenté de maintenir les conditions de vol VFR par tous les moyens à sa disposition, et qu'à l'approche d'une zone météorologique plus difficile, il avait choisi de passer sous la couche de nuages afin de maintenir les conditions de vol pour lesquelles il était qualifié, mais que dans cette manoeuvre d'évitement, l'aéronef a néanmoins percuté le relief ; qu'en se bornant à considérer qu'au moment de l'accident les conditions de vol VFR n'étaient plus respectées par le pilote, sans répondre à ce moyen péremptoire des sociétés Martyn Winlow Ltd et Aérofutur tiré du fait que les VMC avaient été respectées par M. [G] au moins jusqu'à un peu avant l'impact, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Pour dire que la société Allianz n'était pas tenue à garantie, l'arrêt, après avoir énoncé que la garantie était subordonnée à la qualification du pilote ainsi qu'à la possession des autorisations spéciales lorsqu'elles étaient nécessaires, en conformité avec la réglementation concernant les conditions de vol, relève que [Z] [G] était titulaire d'un brevet de pilote privé ne l'habilitant à piloter que dans les conditions de vol à vue. Il souligne que, dépourvu de qualification pour voler dans les conditions d'un vol sans visibilité, il devait solliciter une clairance « VFR spécial » pour pénétrer ou évoluer dans une zone de contrôle, lorsqu'il estimait que les conditions météorologiques de vol à vue n'étaient pas réunies ou n'allaient plus l'être.

9. Ayant analysé les éléments de l'enquête de gendarmerie versés aux débats, l'arrêt constate ensuite que dans les moments précédant l'accident, les conditions du vol à vue n'étaient plus respectées de sorte que le pilote aurait dû, à l'approche de la masse nuageuse, se dérouter, ce qu'il n'a pas fait bien qu'un retour sur l'aéroport de départ ou un déroutement sur un autre aéroport étaient possibles et que le contrôleur aérien lui avait demandé de garder les conditions du vol à vue, et qu'il n'apparaît pas qu'une clairance « VFR spécial » ait été sollicitée ni obtenue, ce qui aurait permis à l'aéronef d'évoluer dans des conditions de visibilité inférieures aux minima de vol à vue.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les conditions de la garantie n'étaient pas réunies au moment où le vol a été entrepris, indépendamment de l'existence d'une faute imputable au pilote, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Allianz Global Corporate et Speciality aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Allianz Global Corporate et Speciality et la condamne à payer aux sociétés Martyn Winlow et Aérofutur la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour les sociétés Aerofutur et Martyn Winlow

Les sociétés Martyn Winlow Ltd et Aérofutur reprochent à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la société Allianz Global Corporate et Specialty était fondée à décliner sa garantie et de les avoir déboutées de toutes leurs demandes ;

1/ Alors que la clause qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie des risques en considération de circonstances particulières de réalisation du risque s'analyse en une clause d'exclusion de garantie ; que les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ; qu'en considérant que la stipulation contenue à l'article 3 des conditions générales de la police, selon laquelle la garantie est subordonnée au respect de diverses conditions et notamment celle imposant que le personnel prenant part à la conduite de l'aéronef soit titulaire des brevets, licences et qualifications en état de validité, en conformité avec la réglementation concernant les conditions de vol, doit être regardée comme une condition de la garantie, puisqu'elle définit le risque pris en charge, et échappe dès lors au régime des exclusions, quand constitue une clause d'exclusion celle qui écarte la garantie du risque aérien lorsque le pilote, lors du sinistre, n'était pas titulaire des brevets, licences et qualifications requis, la cour d'appel a violé, par fausse qualification, les articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances ;

2/ Alors, subsidiairement, que lorsque les conditions de garantie sont réunies, l'assureur doit, en principe, indemniser l'assuré pour le préjudice qu'il a subi ; qu'en se bornant à considérer que M. [G] bénéficiait uniquement de la qualification VFR et non d'une qualification IFR, qu'au moment de l'accident, les conditions de vol VFR n'étaient plus respectées par le pilote et qu'une clairance VFR spécial n'avait pas été sollicitée et obtenue du contrôle de la circulation aérienne par le pilote, sans rechercher, comme cela lui était demandé (conclusions d'appel, p. 9, 10, 12, 14, 15 et 17), si un peu avant l'accident les conditions de vol VFR n'étaient pas remplies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3/ Alors que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Martyn Winlow Ltd et Aérofutur rappelaient qu'un pilote peut se faire surprendre par un phénomène météorologique ponctuel, que, lors de son vol, M. [G] avait tenté de maintenir les conditions de vol VFR par tous les moyens à sa disposition, et qu'à l'approche d'une zone météorologique plus difficile, il avait choisi de passer sous la couche de nuages afin de maintenir les conditions de vol pour lesquelles il était qualifié, mais que dans cette manoeuvre d'évitement, l'aéronef a néanmoins percuté le relief ; qu'en se bornant à considérer qu'au moment de l'accident les conditions de vol VFR n'étaient plus respectées par le pilote, sans répondre à ce moyen péremptoire des sociétés Martyn Winlow Ltd et Aérofutur tiré du fait que les VMC avaient été respectées par M. [G] au moins jusqu'à un peu avant l'impact, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4/ Alors que les juges du fond sont tenus d'examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Martyn Winlow Ltd et Aérofutur se référaient, à de multiples reprises, aux conclusions du rapport du Bureau d'enquête et d'analyse sur l'accident du 1er juillet 2015 en faisant notamment valoir que celui-ci démontrait le respect, par M. [G], des conditions de vol VFR ; qu'en omettant d'analyser, même sommairement, ce document central établi par une autorité publique, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 21-15571
Date de la décision : 06/10/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 22 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 oct. 2022, pourvoi n°21-15571


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.15571
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