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05/10/2022 | FRANCE | N°20-21441

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 octobre 2022, 20-21441


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 octobre 2022

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 562 F-B

Pourvoi n° U 20-21.441

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022

La sociét

é Balanca Investments Limited, dont le siège est [Adresse 4] (Gibraltar), a formé le pourvoi n° U 20-21.441 contre l'arrêt rendu le 2 septembre 202...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 octobre 2022

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 562 F-B

Pourvoi n° U 20-21.441

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 OCTOBRE 2022

La société Balanca Investments Limited, dont le siège est [Adresse 4] (Gibraltar), a formé le pourvoi n° U 20-21.441 contre l'arrêt rendu le 2 septembre 2020 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [X] [L] [W], domiciliée [Adresse 3]),

2°/ à M. [C] [A] [L], domicilié [Adresse 2]),

3°/ à M. [R] [A] [L], domicilié [Adresse 1]), intervenant en son nom personnel ainsi qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur [B] [A] [Z],

4°/ à M. [U] [A] [Z], domicilié [Adresse 1]),

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Balanca Investments Limited, de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [L] [W], de M. [C] [A] [L], de M. [R] [A] [L], tant en son nom personnel ainsi qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur [B] [A] [Z], et de M. [U] [A] [Z], après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 2 septembre 2020), le 22 juin 2009, au cours d'une croisière sur le navire « Nine Moons », [H] [A] est décédé et Mme [X] [L] [W], son épouse, a été blessée.

2. Mme [X] [L] [W], M. [C] [A] [L], M. [U] [A] [Z] et M. [R] [A] [L], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur, [B] [A] [Z] (les consorts [A]-[L]) ont recherché la responsabilité de la société de droit britannique Balanca Investments Limited (la société Balanca) en qualité de propriétaire du voilier.

3. Par ordonnance du 26 janvier 2011, la société Balanca a été autorisée à constituer un fonds de limitation de responsabilité d'un montant initialement fixé à 166 500 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international (DTS), dont la constitution a été constatée par ordonnance du 8 février 2012 pour le même montant en application de l'article 64 du décret du 27 octobre 1967, devenu L. 5121-10 du code des transports.

4. Le 24 juillet 2018, les consorts [A]-[L] ont assigné la société Balanca notamment en rétractation de ces ordonnances et en fixation du montant global de la limitation à 1 500 000 DTS.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société Balanca fait grief à l'arrêt de rétracter les ordonnances sur requête rendues par le président du tribunal de commerce d'Ajaccio les 26 janvier 2011 et 8 février 2012 et de décider que le montant global de la limitation de responsabilité opposable à la société Balanca est fixé à 1 500 000 DTS, alors « que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter l'ordonnance sur requête qu'il a rendue ; que, lorsqu'il fait droit à la demande de rétractation, les mesures prises sur le fondement de l'ordonnance rétractée perdent leur fondement juridique, de sorte qu'elles sont entachées de nullité ; qu'en décidant néanmoins de rétracter les ordonnances sur requête des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 ayant institué un fonds de limitation de garantie, puis de porter le montant du fonds à hauteur de 1 500 000 DTS, la cour d'appel a violé l'article 497 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Après avoir rétracté les ordonnances sur requête des 26 janvier 2011 et 8 février 2012, la cour d'appel a dit que le montant global de la limitation de la responsabilité opposable par la société Balanca est de 1 500 000 DTS.

8. Le moyen qui fait grief à l'arrêt, non de statuer sur le montant de la limitation de responsabilité elle-même, comme a fait la cour d'appel, mais sur celui du fonds de limitation, le bénéfice de la limitation n'étant pas subordonné à la constitution du fonds et la cour d'appel ne se prononçant pas sur le montant de celui-ci, manque en fait.

Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

9. La société Balanca fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'aux termes de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, un État Partie peut stipuler, aux termes de dispositions expresses de sa législation nationale, devant être notifiées au dépositaire, que son régime de limitation de la responsabilité s'applique à ses navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, à condition de notifier au dépositaire les limites de la responsabilité adoptées dans sa législation nationale ; qu'il en résulte que l'Etat partie qui décide de modifier le régime de responsabilité dérogatoire qu'il a instauré dans sa législation nationale doit préalablement notifier cette modification au dépositaire ; que si le décret du 22 septembre 2007, portant publication du Protocole modifiant la Convention de 1976, a été notifié au dépositaire, il ne comporte pour autant aucune disposition relative au régime de responsabilité des navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, de sorte qu'aucune notification n'a été réalisée concernant ce régime adopté sur le fondement de l'article 15.2 b) de la Convention de Londres ; qu'en décidant néanmoins que le décret du 22 septembre 2007, entré en vigueur le 23 juillet 2007, avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de la société Balanca, pour en déduire que le fonds de limitation institué par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 devait être fixé à hauteur d'un tel montant, bien que la modification du régime de responsabilité relative aux navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux n'ait pas été notifiée au dépositaire, de sorte que, prise en méconnaissance de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres, elle ne pouvait être appliquée en raison de sa contrariété avec ladite disposition conventionnelle, la cour d'appel a violé l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes dans sa rédaction issue du Protocole modificatif du 2 mai 1996 ;

3°/ que, subsidiairement, aux termes de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, un État Partie peut stipuler, aux termes de dispositions expresses de sa législation nationale, que le régime de la limitation de la responsabilité s'applique aux navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, à condition de notifier au dépositaire les limites de la responsabilité adoptées dans sa législation nationale ; qu'il en résulte que l'Etat partie qui décide de modifier le régime de responsabilité dérogatoire qu'il a instauré dans sa législation nationale doit également notifier cette modification au dépositaire, de sorte que la disposition de droit national modifiant le régime de responsabilité dérogatoire précédemment instauré ne peut entrer en vigueur qu'à compter de sa notification au dépositaire ; que si le décret du 22 septembre 2007, portant publication du Protocole modifiant la Convention de 1976, a été notifié au dépositaire, il ne comporte pour autant aucune disposition relative au régime de responsabilité des navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, de sorte qu'aucune notification n'a été réalisée concernant ce régime adopté sur le fondement de l'article 15.2 b) de la Convention de Londres ; qu'il en résulte qu'aucune modification du régime de responsabilité dérogatoire n'a pu entrer en vigueur ; qu'en décidant néanmoins que le décret du 22 septembre 2007 avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de la société Balanca dès son entrée en vigueur le 23 juillet 2007, pour en déduire que le fonds de limitation institué par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 devait être fixé à hauteur d'un tel montant, bien que cette modification du régime de responsabilité dérogatoire n'ait pas été notifiée au dépositaire, de sorte qu'elle n'était pas entrée en vigueur, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes dans sa rédaction issue du Protocole modificatif du 2 mai 1996, et par fausse application, le décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 portant publication du Protocole. »

Réponse de la Cour

10. Faisant application des dispositions des articles 58 et suivants de la loi du 3 janvier 1967, devenus les articles L. 5121-1 et suivants du code des transports, qui fixent les limites de la responsabilité en matière de créances maritimes en application de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 (la Convention), l'arrêt énonce que le montant des plafonds prévus dans la version originelle de cette Convention pour les navires ne dépassant pas 500 unités de jauge est fixé par l'article 6 à 333 000 DTS pour les créances pour mort ou lésions corporelles et 167 000 DTS pour les autres créances et que la France, comme le permet la Convention, a choisi de réduire de moitié ces limitations pour les navires de moins de 300 unités.

Il énonce ensuite que le protocole du 2 mai 1996 a modifié les limites de responsabilité selon les tonnages des navires, portant celles-ci à 2 000 000 de DTS pour les navires dont la jauge ne dépasse pas 2 000 tonneaux, s'agissant des créances pour mort et lésions corporelles, et à 1 000 000 de DTS s'agissant des autres créances, et que la France, ayant déposé les instruments de ratification du protocole le 24 avril 2007, celui-ci est entré en vigueur le 23 juillet 2007, date figurant dans le décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 portant publication du protocole, rendant les nouvelles dispositions applicables sur le territoire national.

11. De ces énonciations, et dès lors que la modification du seuil, porté à 2 000 tonneaux par le protocole modificatif, qui inclut toujours les navires d'une jauge inférieure à 500, était sans incidence sur le calcul de la limitation de responsabilité, de sorte que la France n'avait aucune notification à adresser à l'Organisation maritime internationale, dépositaire de la Convention, la cour d'appel en a exactement déduit que, conformément à l'article L. 5121-5, alinéa 2, du code des transports, les montants de la limitation de responsabilité sont, en l'espèce, de 1 000 000 DTS pour les créances pour mort et lésions corporelles et de 500 000 DTS pour les autres créances.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Balanca Investments Limited aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Balanca Investments Limited et la condamne à payer à Mme [X] [L] [W], M. [C] [A] [L], M. [R] [A] [L], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur, [B] [A] [Z], et M. [U] [A] [Z] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Balanca Investments Limited.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir examiné l'affaire hors la présence des parties, sans faculté pour celles-ci de s'y opposer, puis d'avoir rétracté les ordonnances sur requête rendues par le Président du Tribunal de commerce d'Ajaccio les 26 janvier 2011 et 8 février 2012 et d'avoir décidé que le montant global de la limitation de garantie opposable à la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED était fixé à 1.500.000 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international ;

ALORS QUE, pendant la période comprise entre le 18 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroule selon la procédure sans audience ; qu'il en informe alors les parties par tout moyen ; qu'à l'exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience ; que la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête relève de la compétence exclusive du juge qui l'a rendue, lequel est saisi, non en référé, mais comme en matière de référé ; qu'en statuant néanmoins dans le cadre d'une audience sans plaidoiries, avec dépôt de dossiers, et ce, sans possibilité d'opposition offerte aux parties quant à ce choix, bien qu'elle n'ait aucunement statué en référé, mais en la forme des référés, la Cour d'appel a violé l'article 496, alinéa 2, du Code de procédure civile, ensemble l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

La Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable comme prescrite l'action formée par Madame [X] [L] [W], Monsieur [C] [A] [L], Monsieur [R] [A] [L], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure [B] [A] [Z], et Monsieur [U] [A] [Z], puis d'avoir rétracté les ordonnances sur requête rendues par le Président du Tribunal de commerce d'Ajaccio les 26 janvier 2011 et 8 février 2012 et d'avoir décidé que le montant global de la limitation de garantie opposable à la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED était fixé à 1.500.000 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international ;

ALORS QUE les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître, de manière certaine, les faits lui permettant de l'exercer ; que l'action exercée par un créancier tendant à obtenir la modification du montant du fonds de limitation est par conséquent soumise à la prescription quinquennale ; qu'en décidant néanmoins que l'action tendant à obtenir la modification du montant du fonds de limitation, constituée par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012, exercée par Madame [X] [L] [W], Monsieur [C] [A] [L], Monsieur [R] [A] [L], Madame [B] [A] [Z] et Monsieur [U] [A] [Z] le 24 juillet 2018, date de l'acte introductif d'instance, n'était soumise à aucun délai, la Cour d'appel a violé l'article 2224 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

La Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté les ordonnances sur requête rendues par le Président du Tribunal de commerce d'Ajaccio les 26 janvier 2011 et 8 février 2012 et d'avoir décidé que le montant global de la limitation de garantie opposable à la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED était fixé à 1.500.000 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international ;

1°) ALORS QUE le juge à la faculté de modifier ou de rétracter l'ordonnance sur requête qu'il a rendue ; que, lorsqu'il fait droit à la demande de rétractation, les mesures prises sur le fondement de l'ordonnance rétractée perdent leur fondement juridique, de sorte qu'elles sont entachées de nullité ; qu'en décidant néanmoins de rétracter les ordonnances sur requête des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 ayant institué un fonds de limitation de garantie, puis de porter le montant du fonds à hauteur de 1.500.000 droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international, la Cour d'appel a violé l'article 497 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'aux termes de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, un État Partie peut stipuler, aux termes de dispositions expresses de sa législation nationale, devant être notifiées au dépositaire, que son régime de limitation de la responsabilité s'applique à ses navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, à condition de notifier au dépositaire les limites de la responsabilité adoptées dans sa législation nationale ; qu'il en résulte que l'Etat partie qui décide de modifier le régime de responsabilité dérogatoire qu'il a instauré dans sa législation nationale doit préalablement notifier cette modification au dépositaire ; que si le décret du 22 septembre 2007, portant publication du Protocole modifiant la Convention de 1976, a été notifié au dépositaire, il ne comporte pour autant aucune disposition relative au régime de responsabilité des navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, de sorte qu'aucune notification n'a été réalisée concernant ce régime adopté sur le fondement de l'article 15.2 b) de la Convention de Londres ; qu'en décidant néanmoins que le décret du 22 septembre 2007, entré en vigueur le 23 juillet 2007, avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED, pour en déduire que le fonds de limitation institué par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 devait être fixé à hauteur d'un tel montant, bien que la modification du régime de responsabilité relative aux navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux n'ait pas été notifiée au dépositaire, de sorte que, prise en méconnaissance de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres, elle ne pouvait être appliquée en raison de sa contrariété avec ladite disposition conventionnelle, la Cour d'appel a violé l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes dans sa rédaction issue du Protocole modificatif du 2 mai 1996 ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, aux termes de l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, un État Partie peut stipuler, aux termes de dispositions expresses de sa législation nationale, que le régime de la limitation de la responsabilité s'applique aux navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, à condition de notifier au dépositaire les limites de la responsabilité adoptées dans sa législation nationale ; qu'il en résulte que l'Etat partie qui décide de modifier le régime de responsabilité dérogatoire qu'il a instauré dans sa législation nationale doit également notifier cette modification au dépositaire, de sorte que la disposition de droit national modifiant le régime de responsabilité dérogatoire précédemment instauré ne peut entrer en vigueur qu'à compter de sa notification au dépositaire ; que si le décret du 22 septembre 2007, portant publication du Protocole modifiant la Convention de 1976, a été notifié au dépositaire, il ne comporte pour autant aucune disposition relative au régime de responsabilité des navires d'une jauge inférieure à 300 tonneaux, de sorte qu'aucune notification n'a été réalisée concernant ce régime adopté sur le fondement de l'article 15.2 b) de la Convention de Londres ; qu'il en résulte qu'aucune modification du régime de responsabilité dérogatoire n'a pu entrer en vigueur ; qu'en décidant néanmoins que le décret du 22 septembre 2007 avait eu pour effet de porter à 1,5 million DTS le plafond de limitation de la responsabilité de la Société BALANCA INVESTMENTS LIMITED dès son entrée en vigueur le 23 juillet 2007, pour en déduire que le fonds de limitation institué par les ordonnances des 26 janvier 2011 et 8 février 2012 devait être fixé à hauteur d'un tel montant, bien que cette modification du régime de responsabilité dérogatoire n'ait pas été notifiée au dépositaire, de sorte qu'elle n'était pas entrée en vigueur, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 15-2 b) de la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes dans sa rédaction issue du Protocole modificatif du 2 mai 1996, et par fausse application, le décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007 portant publication du Protocole.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-21441
Date de la décision : 05/10/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DROIT MARITIME - Navire - Propriété - Responsabilité du propriétaire - Limitation - Convention de Londres du 19 novembre 1976 - Indemnisation forfaitaire - Seuil - Modification - Portée

La Convention de Londres du 19 novembre 1976 fixe les limites de responsabilité pour les créances maritimes, l'indemnisation étant forfaitaire jusqu'à un certain tonnage. La France, comme le permet la Convention, a choisi de réduire de moitié ces limitations pour les navires de moins de 300 tonneaux (unités). Ce seuil a été porté de 500 à 2 000 tonneaux par le Protocole modificatif du 2 mai 1996, entré en vigueur le 23 juillet 2007, date figurant dans le décret n° 2007-1379 du 22 septembre 2007. Ce seuil incluant toujours les navires d'une jauge inférieure à 500 tonneaux, la modification est sans incidence sur le calcul de la limitation de responsabilité, de sorte que la France n'avait aucune notification à adresser à l'Organisation maritime internationale, dépositaire de la Convention. Dès lors c'est à bon droit que la cour d'appel, faisant application des articles 58 et suivants de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967, devenus les articles L. 5121-1 et suivants du code des transports, à un accident survenu le 22 juin 2009 sur un navire de moins de 300 tonneaux, en a exactement déduit que les montants de la limitation de responsabilité étaient de 1 000 000 droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international pour les créances pour mort et lésions corporelles et de 500 000 DTS pour les autres créances


Références :

Articles L. 5121-1 et suivants du code des transports.

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 02 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 oct. 2022, pourvoi n°20-21441, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Richard, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.21441
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