LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 septembre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 959 F-D
Pourvoi n° B 21-14.552
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022
La société Pricewaterhousecoopers advisory, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-14.552 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant à la société Wavestone advisors, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Pricewaterhousecoopers advisory, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Wavestone advisors, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 janvier 2021), se prévalant d'actes de concurrence déloyale de la part de la société Pricewaterhousecoopers advisory (la société PwC), la société Wavestone advisors a saisi le président d'un tribunal de commerce par requête, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, à fin d'ordonner la désignation d'un huissier de justice afin d'effectuer des investigations dans les locaux de la société PwC, notamment sur les postes informatiques et téléphones mobiles professionnels de deux salariés démissionnaires.
2. Par ordonnance du 25 avril 2017, le président du tribunal de commerce de Nanterre a accueilli la requête.
3. L'huissier de justice désigné a exécuté sa mission le 17 mai 2017.
4. Le 16 juillet 2019, la société PwC a assigné la société Wavestone advisors devant un juge des référés aux fins de rétractation de l'ordonnance sur requête et restitution des documents recueillis par l'huissier de justice.
5. La société Wavestone advisors a relevé appel de l'ordonnance ayant accueilli ces demandes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La société PwC fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à la rétractation de l'ordonnance sur requête du 25 avril 2017, alors « que la nécessité de recourir à une mesure d'instruction non contradictoire doit être caractérisée au regard d'éléments propres au cas d'espèce et de nature à démontrer un risque concret de déperdition des preuves ; qu'en retenant l'existence d'un risque de disparition des preuves en considération de la nature des moyens de communication en cause, relevant que « l'utilisation de moyens de communication tels des courriel ou SMS dont il ne peut être sérieusement contesté qu'ils sont par nature aisément effaçables ») et que « la nature des pièces recherchées, en l'espèce des courriels, suffisant en soi à caractériser leur volatilité », la cour d'appel s'est fondée sur des affirmations de principe tenant à l'existence d'un risque général de déperdition de toutes données informatiques, sans justifier d'un risque réel et concret de déperdition d'éléments de preuve, en violation des articles 145, 493 et 494 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Selon l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
9. Ayant à bon droit retenu que l'ordonnance sur requête rendue non contradictoirement doit être motivée de façon précise, le cas échéant par l'adoption des motifs de la requête s'agissant des circonstances qui exigent que la mesure d'instruction sollicitée ne soit pas prise contradictoirement, la cour d'appel, qui a constaté que la société Wavestone Advisors se référait dans sa requête, de manière circonstanciée, aux soupçons de débauchage de ses salariés, qu'elle a décrits, et à la nécessaire discrétion qui a pu entourer ces manoeuvres grâce à l'utilisation de moyens de communication tels des courriel ou SMS dont il ne peut être sérieusement contesté qu'ils sont par nature aisément effaçables, en a exactement déduit qu'était ainsi suffisamment caractérisé le risque de dépérissement des preuves des actes de concurrence déloyale dénoncés par la société requérante et, par voie de conséquence, la nécessité de préserver un effet de surprise pour assurer l'efficacité de la mesure.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pricewaterhousecoopers advisory aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pricewaterhousecoopers advisory et la condamne à payer à la société Wavestone advisors la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Pricewaterhousecoopers advisory
La société PiceWaterhouseCoopers Advisory fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à la rétractation de l'ordonnance sur requête du 25 avril 2017 ;
1°) ALORS QUE la nécessité de recourir à une mesure d'instruction non contradictoire doit être caractérisée au regard d'éléments propres au cas d'espèce et de nature à démontrer un risque concret de déperdition des preuves ; qu'en retenant l'existence d'un risque de disparition des preuves en considération de la nature des moyens de communication en cause, relevant que « l'utilisation de moyens de communication tels des courriel ou SMS dont il ne peut être sérieusement contesté qu'ils sont par nature aisément effaçables » (arrêt attaqué, p. 7 avant dernier paragraphe) et que « la nature des pièces recherchées, en l'espèce des courriels, suffisant en soi à caractériser leur volatilité » (page 8 § 3), la cour d'appel s'est fondée sur des affirmations de principe tenant à l'existence d'un risque général de déperdition de toutes données informatiques, sans justifier d'un risque réel et concret de déperdition d'éléments de preuve, en violation des articles 145, 493 et 494 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la mesure d'instruction in futurum a pour objet de permettre la conservation ou l'établissement avant tout procès de la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, s'il existe un motif légitime à cette fin ; que la mesure sollicitée doit apparaître pertinente, c'est-à-dire qu'elle doit permettre d'obtenir des éléments de preuves utiles à la solution d'un litige ; qu'en retenant que la société Wavestone Advisors justifiait d'un motif légitime à solliciter une mesure de saisie afin d'établir la preuve des actes de concurrence déloyale et de débauchage suspectés, sans prendre en compte, comme il lui était demandé (p. 28 et 29 des concl. de la société PwC), la circonstance que les départs ne représentaient qu'un infime pourcentage du nombre de collaborateurs de l'entreprise et que lors de ce rachat, beaucoup d'entre eux avaient intégré d'autres cabinets de conseils, ce qui démontrait qu'aucun risque de désorganisation de l'entreprise, élément caractéristique d'une atteinte à la concurrence, n'apparaissait plausible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile.