LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 septembre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 976 F-B
Pourvoi n° T 20-18.772
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022
M. [C] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-18.772 contre le jugement n° RG 11-19-000237 rendu le 22 juin 2020 par le tribunal judiciaire d'Annecy (juge), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [G], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Annecy, 22 juin 2020), rendu en dernier ressort, M. [G] a formé opposition, le 7 mars 2019, à une ordonnance portant injonction de payer diverses sommes au titre des soldes débiteurs de deux comptes de dépôt, rendue le 29 mai 2015 sur requête de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (la banque), qui lui avait été signifiée, à étude, le 22 juin 2015 puis, après avoir été revêtue, le 24 juillet 2015, de la formule exécutoire, à personne, le 12 février 2019.
Sur le moyen relevé d'office
2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution :
3. Aux termes de ce texte, l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
4. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le jugement retient qu'aux termes de l'article 1422 du code de procédure civile, l'ordonnance d'injonction de payer produit, après apposition de la formule exécutoire, tous les effets d'un jugement contradictoire, qu'aucun texte légal ou réglementaire n'impose ensuite de signifier à nouveau au débiteur l'ordonnance d'injonction de payer, devenue exécutoire, et en déduit qu'à compter de l'apposition de la formule exécutoire, la seule prescription applicable est celle, décennale, de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, afférente à l'exécution des titres exécutoires.
5. En statuant ainsi, alors que l'opposition régulièrement formée ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande du créancier et de l'ensemble du litige sur lequel il est statué par un jugement qui se substitue à l'injonction de payer, les dispositions de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, relatives au délai d'exécution des titres exécutoires, n'étaient pas applicables à la prescription de la créance de la banque, le tribunal a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
6. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions du jugement rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription entraîne par voie de conséquence la cassation des autres dispositions, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 22 juin 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Annecy ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains.
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [G]
M. [G] fait grief au jugement attaqué D'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'il a opposée à l'action de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie ;
ALORS, 1°), QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que l'action de la banque était, à compter de l'apposition de la formule exécutoire sur l'ordonnance d'injonction de payer, soumise à la prescription décennale de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, le tribunal judiciaire a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, 2°), QUE l'ordonnance d'injonction de payer produit, après apposition de la formule exécutoire, tous les effets d'un jugement contradictoire ; qu'un jugement ne constitue un titre exécutoire que lorsqu'il a force exécutoire, ce qu'il n'acquiert qu'après avoir été signifié à celui contre lequel il est opposé ; qu'en considérant qu'près apposition de la formule exécutoire, l'ordonnance d'injonction de payer constituait un titre exécutoire, dont l'exécution est soumise à une prescription décennale, même en l'absence d'une signification au débiteur faite après l'apposition de la formule exécutoire, le tribunal judiciaire a violé les articles 1422 du code de procédure civile et L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 502, 503 et 675 du code de procédure civile.