LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1072 F-D
Pourvoi n° R 21-15.347
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
La société Onet services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-15.347 contre l'arrêt rendu le 19 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4, 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [V] [U], domiciliée [Adresse 3],
2°/ au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Onet services, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 6 juillet 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 février 2021), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 20 mars 2019, pourvoi n° 17-19.289), Mme [U], entrée au service de la société Onet services à compter du 1er février 2006 en qualité d'agent de service, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail.
2. Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône (le syndicat) est intervenu à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer diverses sommes à la salariée à titre de prime de transport et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, puis au syndicat à titre de dommages-intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d'accords d'établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'établissement et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'un accord d'établissement peut instituer dans le cadre de l'établissement un régime plus favorable aux salariés que le régime général existant au sein de l'entreprise, sans pour autant caractériser une rupture illicite du principe d'égalité de traitement au détriment des salariés des autres établissements, et ce, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la différence de traitement instituée par cet accord au bénéfice des salariés de l'établissement concerné repose ou non sur des critères objectifs et pertinents ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'une prime de trajet a été instituée au sein de l'établissement de Cadarache par accord d'établissement du 27 octobre 2010 ; qu'en allouant à Mme [U], salariée d'un établissement distinct, le bénéfice de cette prime au nom du principe d'égalité de traitement, motif pris que cette prime ne serait ... pas versée pour compenser les frais de trajet pour se rendre sur le lieu de travail et en revenir. Ayant été attribuée à certains salariés exerçant un travail égal à celui de Mme [U], sans qu'il soit justifié, au regard de l'avantage accordé, de raisons objectives tenant à des considérations professionnelles, elle doit donc également lui profiter la cour d'appel, qui a subordonné la licéité de la différence de traitement instituée par accord d'établissement à l'existence de justifications objectives dont elle a contrôlé la pertinence, a violé le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article L. 2232-16 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu le principe d'égalité de traitement :
5. Les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d'accords d'établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'établissement et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
6. Pour condamner l'employeur au paiement d'une prime de trajet, l'arrêt énonce que l'accord du 27 octobre 2010 résultant de la négociation annuelle obligatoire au sein de l'établissement de Cadarache entérine l'existence d'une prime de trajet et qu'ayant valeur d'accord collectif d'établissement, il est de nature à justifier les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais affectés à des établissements distincts, de sorte qu'il appartient au salarié qui les conteste de démontrer qu'elles étaient étrangères à toute considération de nature professionnelle.
7. Il retient que cette prime n'est pas versée pour compenser les frais de trajet pour se rendre sur le lieu de travail et en revenir et qu'ayant été attribuée à certains salariés exerçant un travail égal à celui de la salariée, sans qu'il soit justifié, au regard de l'avantage accordé, de raisons objectives tenant à des considérations professionnelles, elle doit donc également profiter à cette dernière.
10. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la salariée ne démontrait pas que l'avantage litigieux était étranger à toute considération de nature professionnelle, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée est sans incidence sur les condamnations de l'employeur aux dépens et au paiement, au profit de la salariée, d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, justifiées par la condamnation de ce dernier au paiement d'une prime de vacances, non remise en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Onet services à payer à Mme [U] la somme de 8 581,79 euros à titre de rappel de prime de trajet et au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône les sommes de 80 euros à titre de dommages-intérêts et 50 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne Mme [U] et le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Onet services
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société Onet Services à verser à Madame [V] [U] les sommes de 10 857,51 € à titre de prime de transport et de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au Syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône la somme de 80 € à titre de dommages et intérêts et celle de 50 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
1°) ALORS QUE les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d'accords d'établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'établissement et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'un accord d'établissement peut instituer dans le cadre de l'établissement un régime plus favorable aux salariés que le régime général existant au sein de l'entreprise, sans pour autant caractériser une rupture illicite du principe d'égalité de traitement au détriment des salariés des autres établissements, et ce, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la différence de traitement instituée par cet accord au bénéfice des salariés de l'établissement concerné repose ou non sur des critères objectifs et pertinents ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'une prime de panier a été instituée au sein de l'établissement de Cadarache par accord d'établissement du 27 octobre 2010 ; qu'en allouant à Mme [U], salariée d'un établissement distinct, le bénéfice de cette prime au nom du principe d'égalité de traitement, motif pris que « ... les salariés affectés sur le site du CEA de Cadarache perçoivent une prime de panier de façon forfaitaire et identique, quel que soit leur lieu d'habitation, que la prime de panier n'est pas versée en fonction de la distance séparant le domicile des salariés de leur lieu de travail qui les empêcherait de rentrer déjeuner chez eux, que le coût des repas sur place peut être variable en fonction du choix du salarié et ne constitue pas une raison objective d'attribution de la prime litigieuse » la cour d'appel, qui a subordonné la licéité de la différence de traitement instituée par accord d'établissement à l'existence de justifications objectives et pertinentes, a violé le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article L. 2232-16 du code du travail ;
2°) ALORS QU'en se déterminant aux termes de motifs, pris de ce que l'ensemble des salariés du site de Cadarache aux abords duquel existaient pourtant des points de restauration percevait la prime de panier sans considération d'éloignement du domicile, tandis que des salariées dépendant d'autres établissements ne la percevaient pas bien que certains ne puissent
rentrer chez eux déjeuner, lesquels ne constituent pas la démonstration, incombant à la salariée, de ce que la différence de traitement instituée était étrangère à toute considération de nature professionnelle la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés, ensemble l'article 1353 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société Onet Services à verser à Madame [V] [U] les sommes de 8 581,79 € à titre de prime de transport et de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au Syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône la somme de 80 € à titre de dommages et intérêts et celle de 50 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ALORS QUE les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d'accords d'établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'établissement et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'un accord d'établissement peut instituer dans le cadre de l'établissement un régime plus favorable aux salariés que le régime général existant au sein de l'entreprise, sans pour autant caractériser une rupture illicite du principe d'égalité de traitement au détriment des salariés des autres établissements, et ce, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la différence de traitement instituée par cet accord au bénéfice des salariés de l'établissement concerné repose ou non sur des critères objectifs et pertinents ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'une prime de trajet a été instituée au sein de l'établissement de Cadarache par accord d'établissement du 27 octobre 2010 ; qu'en allouant 0 Mme [U], salariée d'un établissement distinct, le bénéfice de cette prime au nom du principe d'égalité de traitement, motif pris que cette prime ne serait « ... pas versée pour compenser les frais de trajet pour se rendre sur le lieu de travail et en revenir. Ayant été attribuée à certains salariés exerçant un travail égal à celui de Mme [U], sans qu'il soit justifié, au regard de l'avantage accordé, de raisons objectives tenant à des considérations professionnelles, elle doit donc également lui profiter » la cour d'appel, qui a subordonné la licéité de la différence de traitement instituée par accord d'établissement à l'existence de justifications objectives dont elle a contrôlé la pertinence, a violé le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article L. 2232-16 du code du travail.