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28/09/2022 | FRANCE | N°21-14691

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2022, 21-14691


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1017 F-D

Pourvoi n° C 21-14.691

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

La société France Offs

et typo Fot imprimeurs, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-14.691 contre l'arrêt rendu le ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1017 F-D

Pourvoi n° C 21-14.691

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

La société France Offset typo Fot imprimeurs, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-14.691 contre l'arrêt rendu le 3 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à M. [T] [O], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société France Offset typo Fot imprimeurs, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [O], après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, M. Gambert, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 février 2021), M. [O] a été engagé, à compter du 10 mars 1986, par la société Fot rotatives, aux droits de laquelle vient la société France Offset typo Fot imprimeurs (la société), en qualité de conducteur rotatives. Il occupait au dernier état de la relation de travail un emploi de contremaître.

2. Il s'est vu notifier un avertissement le 14 juin 2013, une mise à pied le 29 septembre 2014 et un avertissement le 22 mars 2016, il a été licencié par lettre du 6 octobre 2016.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale, le 13 janvier 2017, pour contester les sanctions disciplinaires et son licenciement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche et sur le deuxième moyen, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt d'annuler l'avertissement du 14 juin 2013 comme non fondé, alors « que selon l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que la cour d'appel a retenu, à juste titre, que ce délai de prescription de deux ans résulte de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 17 juin 2013, de sorte que les nouvelles dispositions se sont appliquées aux prescriptions en cours à compter de la promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée totale prévue par la loi antérieure, soit cinq années ; que la cour d'appel a pourtant ensuite considéré qu'à la date d'entrée en vigueur du nouveau délai de prescription, l'ancien délai de cinq ans était en cours et que le salarié pouvait donc demander l'annulation de la sanction disciplinaire prononcée le 14 juin 2013, jusqu'au 14 juin 2018 ; qu'en statuant de la sorte, quand l'avertissement ayant été prononcé le 14 juin 2013, le délai de prescription avait commencé à courir le 17 juin 2013 pour prendre fin le 17 juin 2015, de sorte que la demande d'annulation de cet avertissement formée le 13 janvier 2017 était prescrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, 2222 et 2224 du code civil et 21-V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

6. Selon ces textes, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai s'applique aux prescriptions en cours à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

7. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en annulation de l'avertissement du 14 juin 2013, l'arrêt, après avoir constaté que cette demande a été formulée le 13 janvier 2017, retient qu'à la date d'entrée en vigueur de l'article L. 1471-1 du code du travail, réduisant la prescription à deux ans, l'ancien délai de cinq ans était en cours de sorte que le salarié pouvait demander l'annulation de la sanction disciplinaire jusqu'au 14 juin 2018 et que sa demande n'était pas prescrite.

8. En statuant ainsi, alors que la prescription biennale de l'article L. 1471-1, avait commencé à courir au jour de l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et était expirée au 13 janvier 2017, date de la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

9. La cassation du chef de dispositif annulant l'avertissement notifié au salarié le 14 juin 2013 n'emporte pas cassation du chef de dispositif de l'arrêt critiqué par le troisième moyen condamnant la société à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, qui est justifié par l'annulation de l'avertissement notifié le 22 mars 2016 et l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande tendant à l'annulation de l'avertissement du 14 juin 2013 et annule ledit avertissement, l'arrêt rendu le 3 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne M. [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société France Offset typo Fot imprimeurs

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société France Offset Typo - Fot Imprimeurs fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé l'avertissement notifié à M. [T] [O] le 14 juin 2013 comme non fondé, ainsi que celui notifié au salarié le 22 mars 2016 pour absence injustifiée comme non fondé ;

1) ALORS QUE selon l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que la cour d'appel a retenu, à juste titre, que ce délai de prescription de deux ans résulte de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 17 juin 2013, de sorte que les nouvelles dispositions se sont appliquées aux prescriptions en cours à compter de la promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée totale prévue par la loi antérieure, soit cinq années ; que la cour d'appel a pourtant ensuite considéré qu'à la date d'entrée en vigueur du nouveau délai de prescription, l'ancien délai de cinq ans était en cours et que M. [T] [O] pouvait donc demander l'annulation de la sanction disciplinaire prononcée le 14 juin 2013, jusqu'au 14 juin 2018 ; qu'en statuant de la sorte, quand l'avertissement ayant été prononcé le 14 juin 2013, le délai de prescription avait commencé à courir le 17 juin 2013 pour prendre fin le 17 juin 2015, de sorte que la demande d'annulation de cet avertissement formée le 13 janvier 2017 était prescrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2) ALORS QUE s'agissant de l'avertissement du 22 mars 2016, pour absence non autorisée, la cour d'appel a constaté que l'employeur soulignait qu'il résultait du formulaire de prise de congés que la validation de la demande était exclusivement réservée au supérieur hiérarchique du salarié, c'est-à-dire au responsable de service et qu'il s'appuyait par ailleurs sur le témoignage de M. [D] qui indiquait qu'il ne lui appartenait pas, en sa qualité de contremaître, de valider les congés d'un autre contremaître ; qu'en considérant ensuite, après avoir constaté que le formulaire produit par M. [T] [O] prévoit qu'il est "à remplir et à remettre au chef d'atelier qui après acceptation le validera", que « si la demande de M. [O] n'est pas conforme à l'usage dans l'entreprise, cet usage a manifestement également été ignoré par M. [D] et la société Fot Imprimeur ne justifie d'aucun usage contraire », la cour d'appel s'est déterminée par un motif inintelligible, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

La société France Offset Typo - Fot Imprimeurs, venant aux droits de la société Fot Rotatives, fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement notifié à M. [T] [O] le 6 octobre 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à payer au salarié une indemnité compensatrice de préavis (19 509, 92 euros), les congés payés y afférents (1 950, 99 euros), une indemnité conventionnelle de licenciement (47 548,45 euros), et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (89 020 euros) ;

1) ALORS QUE si en matière de licenciement prononcé à titre disciplinaire, la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués ; que l'absence de réponse du salarié à une demande de son supérieur hiérarchique constitue une faute ; qu'en considérant pourtant, pour écarter le grief tiré de l'absence de réponse du salarié aux demandes de son supérieur hiérarchique, que « l'absence de réponse à un questionnement technique auquel M. [F] a procédé par simples courriels sollicitant un retour, sans préciser sous quelle forme ce retour devait être fait, ne saurait en aucun cas caractériser une attitude d'insubordination qui est le refus de se soumettre aux ordres de son supérieur hiérarchique ou de se rebeller contre l'autorité hiérarchique », sans rechercher si ces faits, à défaut de caractériser un acte d'insubordination, ne constituaient pas une faute disciplinaire, dont l'employeur pouvait se prévaloir à l'appui du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

2) ALORS QU' en outre, en matière prud'homale la preuve est libre ; que partant, en retenant que « sur le fond, les manquements reprochés à M. [O] et contestés de façon constante par ce dernier ne reposent sur aucun élément objectif dès lors qu'ils résultent des seules déclarations de M. [F] illustrées par ses propres courriels », quand la preuve des manquements reprochés au salarié pouvait être rapportée par les courriels de son supérieur hiérarchique, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

3) ALORS QU' au surplus, la lettre de licenciement, citée par la cour d'appel, reprochait au salarié les faits suivants : « (?) depuis plusieurs années et malgré nos observations, nous déplorons de votre part un comportement inadapté, un manque d'implication et de professionnalisme, incompatibles avec votre niveau de responsabilité et votre expérience professionnelle. A ce titre, vous persistez à ne pas respecter ou contester les directives de votre supérieur hiérarchique et à négliger votre travail démontrant votre manque d'intérêt et l'état d'esprit négatif dans lequel vous vous êtes enferré depuis plusieurs mois, malgré nos observations » ; qu'outre l'incident du 2 septembre 2016 avec la cliente la société Le Printemps et l'absence de réponse du salarié aux demandes de sa hiérarchie formulées les 2, 5 et 9 septembre 2016, l'employeur reprochait au salarié le fait de n'avoir pas respecté les instructions que son supérieur hiérarchique lui avait données le 8 juin 2015 et se prévalait des avertissements qui lui avaient été notifiés les 14 juin 2013 et 22 mars 2016, de la mise à pied disciplinaire du 29 septembre 2014, du rappel à l'ordre du 26 octobre 2015 et ajoutait que « cette accumulation de faits démontre (?) votre volonté claire de ne pas changer d'attitude et de persister à adopter un comportement inacceptable et de défiance à l'égard de la direction » ; qu'il en résultait que le licenciement avait été prononcé pour des motifs disciplinaires ; qu'en considérant pourtant que la nature des manquements reprochés au salarié relevait de l'insuffisance professionnelle, pour en déduire qu'à défaut de caractériser une faute grave, la société Fot Imprimeur ne justifiait pas du bien fondé du licenciement notifié à M. [O] pour ce motif, lequel était par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;

4) ALORS QU'en tout état de cause, en se déterminant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le comportement du salarié, qualifié de fautif par la lettre de licenciement, ne procédait pas d'une mauvaise volonté délibérée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et L. 1235-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

La société France Offset Typo - Fot Imprimeurs, venant aux droits de la société Fot Rotatives, fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. [T] [O] la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

ALORS QUE pour retenir l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a retenu que « la société Fot Imprimeur fait valoir que les avertissements et rappels à l'ordre notifiés à M. [O] étaient parfaitement justifiés, mais les développements qui précèdent quant à l'appréciation du bienfondé des avertissements et de la faute invoquée à l'appui du licenciement, ne permet de justifier ni l'intégralité des sanctions prononcées, ni l'existence d'une faute » ; que partant la cassation à intervenir sur le premier ou le deuxième moyen entraînera par voie de conséquence celle du chef du dispositif ayant condamné la société France Offset Typo - Fot Imprimeurs à payer à M. [T] [O] la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral, en application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-14691
Date de la décision : 28/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 03 février 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2022, pourvoi n°21-14691


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Doumic-Seiller, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.14691
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