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28/09/2022 | FRANCE | N°21-11648

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2022, 21-11648


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1094 F-D

Pourvoi n° V 21-11.648

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

M. [W] [S], domicilié [A

dresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-11.648 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2021 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre sociale), d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1094 F-D

Pourvoi n° V 21-11.648

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

M. [W] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-11.648 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2021 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Groupe technique innovations et importations (GT2I), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [S], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Groupe technique innovations et importations (GT2I), après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 13 janvier 2021), M. [S] a été engagé à compter du 9 mars 1994 par la société Groupe technique innovations et importations GT2I, en qualité de magasinier. Il occupait en dernier lieu les fonctions de responsable de magasin.

2. Par lettre du 28 mai 2014, l'employeur lui a notifié un avertissement.

3. Par lettre du 2 septembre 2015, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, et lui a notifié une mise à pied conservatoire. Puis par lettre du 25 septembre 2015, le salarié a été licencié pour faute grave.

4. Contestant le bien-fondé de cette rupture, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'avertissement du 28 mai 2014, de dire que son licenciement repose sur une faute grave, et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; qu'en l'espèce, l'exposant soutenait expressément qu'il ne pouvait être tenu compte des attestations de MM. [T], [F], [Y] et [C] car elles relataient des faits en des termes vagues, sans préciser la date de leur supposée commission, ce qui rendait impossible de vérifier s'ils n'étaient pas atteints par la prescription ; qu'en se fondant pourtant sur ces attestations pour dire que la faute prise d'une supposée attitude inadéquate envers la clientèle était matériellement établie sans aucunement rechercher, comme elle était invitée à le faire, si les faits relatés n'étaient pas prescrits, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1332-4 du code du travail :

7. Selon ce texte, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

8. Pour rejeter la demande d'annulation de l'avertissement du 28 mai 2014, l'arrêt retient qu'au soutien de la sanction prononcée l'employeur verse aux débats les attestations de clients MM. [T], [Y] et [C] et de Mme [E], ainsi qu'ensuite une attestation de M. [X].

9. Il ajoute que l'attestation du collègue de travail du salarié indiquant qu'il avait dû à plusieurs reprises quitter son poste de travail pour servir les clients qui se plaignaient d'avoir été mal accueillis conforte la réalité du grief corroboré par les attestations concordantes des clients citées dans le courrier d'avertissement. Il conclut qu'alors que l'employeur a établi la matérialité de l'intégralité des griefs reprochés au salarié, la sanction d'avertissement n'était ni injustifiée ni disproportionnée aux fautes commises.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les faits fautifs invoqués n'étaient pas prescrits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquence de la cassation

11. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les chefs de dispositif de l'arrêt disant que le licenciement du salarié repose sur une faute grave et le déboutant de l'ensemble de ses demandes, la cassation à intervenir ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt, qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de l'avertissement du 28 mai 2014 et en ce qu'il déboute M. [S] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Groupe technique innovations et importations GT2I aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Groupe technique innovations et importations GT2I et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour M. [S]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [S] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation de l'avertissement du 28 mai 2014, d'avoir dit que le licenciement de M. [S] repose sur une faute grave, et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes ;

1/ ALORS QU'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; qu'en l'espèce, l'exposant soutenait expressément qu'il ne pouvait être tenu compte des attestations de MM. [T], [F], [Y] et [C] car elles relataient des faits en des termes vagues, sans préciser la date de leur supposée commission, ce qui rendait impossible de vérifier s'ils n'étaient pas atteints par la prescription (conclusions, p. 24 à 26) ; qu'en se fondant pourtant sur ces attestations pour dire que la faute prise d'une supposée attitude inadéquate envers la clientèle était matériellement établie sans aucunement rechercher, comme elle était invitée à le faire, si les faits relatés n'étaient pas prescits, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

2/ ALORS QUE la cour d'appel a elle-même constaté que l'avertissement dont l'annulation était sollicitée avait été remis à M. [S] en main propre le 28 mai 2014 (arrêt, p. 3, alinéa 1er ) ; que, pour dire cette sanction justifiée, la cour d'appel s'est fondée sur l'attestation de M. [C] qui « précisait être venu à trois reprises en 2015 et n'avoir jamais été bien reçu » (arrêt, p. 5, alinéa 1er ) ; qu'en statuant ainsi, quand elle avait relevé que l'avertissement était antérieur à ces trois visites, la cour d'appel n'a pas tiré ls conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 1332-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [S] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que son licenciement repose sur une faute grave, et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes ;

ALORS QUE le principe de l'égalité des armes s'oppose à ce que l'employeur utilise son pouvoir disciplinaire pour obtenir des anciens collègues du salarié licencié des attestations versées aux débats au préjudice de ce dernier ; qu'en l'espèce, pour contester le caractère probant des attestations versées aux débats par l'employeur afin d'établir, prétendument, les trois griefs qui lui avaient été adressés dans sa lettre de licenciement pour faute grave, M. [S] soulignait qu'il résultait de deux attestations d'anciens salariés de la société GT2I que l'employeur avait exercé des pressions et menacé de licenciement les salariés afin qu'ils témoignent au soutien des prétentions de l'employeur (conclusions, p. 41 et 42) ; qu'en se fondant pourtant, pour dire justifié par une faute grave le licenciement de M. [S], sur les attestations des salariés de la société GT2I versées aux débats par l'employeur, sans aucunement rechercher, comme elle était invitée à le faire, si ces attestations n'avaient pas été rédigées sous la pression d'un licenciement par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1121-1 et L. 1234-1 du code du travail, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [S] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes ;

ALORS QUE pour rejeter la demande indemnitaire formée par M. [S] au titre de l'application par l'employeur de la convention collective du commerce de gros, et non de la convention collective des services de l'automobile à laquelle la société GT2I était assujettie, la cour d'appel s'est bornée à retenir que la faute de l'employeur n'aurait pas causé au salarié de préjudice dans la mesure où il n'aurait pu bénéficier du capital de fin de carrière prévu par la convention collective des services de l'automobile ; qu'elle a ainsi retenu que « le salarié licencié pour faute grave ne pouvait en tout état de cause se prévaloir du bénéfice d'un capital qui ne pouvait en tout état de cause lui revenir » (arrêt, p. 11, antépénultième alinéa) ; que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen, en ce qu'elle annulera le chef de l'arrêt ayant dit que le licenciement de M. [S] reposait sur une faute grave, emportera donc, par voie de conséquence, la censure du chef de l'arrêt l'ayant débouté de sa demande indemnitaire fondée sur le refus d'appliquer la convention collective correspondant à l'activité principale de l'employeur, en application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-11648
Date de la décision : 28/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 13 janvier 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2022, pourvoi n°21-11648


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.11648
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