LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
OR
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1009 F-D
Pourvoi n° Z 20-21.653
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
Le syndicat National solidaires unitaires démocratiques CANSSM, dont le siège est [Adresse 24], a formé le pourvoi n° Z 20-21.653 contre le jugement rendu le 27 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat UNSSA-Fessad-CANSSM, dont le siège est [Adresse 9],
2°/ à la Fédération nationale des mines et de l'énergie CGT, dont le siège est [Adresse 18],
3°/ à la Fédération nationale de l'énergie et des mines FO, dont le siège est [Adresse 28],
4°/ à la Fédération nationale de la chimie, des mines, du textile et l'énergie CFTC, dont le siège est [Adresse 7],
5°/ à la Fédération nationale de l'encadrement des mines CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 17],
6°/ à la Fédération nationale du syndicat de cadres de santé de la sécurité sociale minière-CNCSSM, dont le siège est [Adresse 12],
7°/ au syndicat National CFDT des mineurs assimilés et des personnels du régime minier, dont le siège est [Adresse 8],
8°/ à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, dont le siège est [Adresse 6],
9°/ à Mme [KD] [H], domiciliée [Adresse 23],
10°/ à M. [LG] [BC], domicilié [Adresse 34],
11°/ à Mme [T] [CH] [Z], domiciliée [Adresse 4],
12°/ à Mme [ZY] [DA], domiciliée [Adresse 2],
13°/ à M. [PV] [VY], domicilié [Adresse 19],
14°/ à Mme [M] [FO], domiciliée [Adresse 1],
15°/ à M. [CA] [AO], domicilié [Adresse 30],
16°/ à Mme [G] [RC], domiciliée [Adresse 13],
17°/ à M. [B] [D], domicilié [Adresse 26],
18°/ à Mme [F] [A], domiciliée [Adresse 25],
19°/ à M. [KK] [O], domicilié [Adresse 29],
20°/ à Mme [C] [R], domiciliée [Adresse 27],
21°/ à Mme [KS] [BT], domiciliée [Adresse 31],
22°/ à M. [E] [U], domicilié [Adresse 14],
23°/ à Mme [LN] [V], domiciliée [Adresse 16],
24°/ à M. [W] [KZ], domicilié [Adresse 3],
25°/ à Mme [GK] [DW], domiciliée [Adresse 15],
26°/ à M. [OZ] [FH], domicilié [Adresse 32],
27°/ à Mme [S] [VJ], domiciliée [Adresse 5],
28°/ à M. [J] [PN], domicilié [Adresse 33],
29°/ à Mme [X] [N], domiciliée [Adresse 22],
30°/ à M. [VC] [Y], domicilié [Adresse 21],
31°/ à Mme [K] [P], domiciliée [Adresse 11],
32°/ à M. [L] [PG], domicilié [Adresse 12],
33°/ à Mme [I] [FW], domiciliée [Adresse 20],
34°/ à M. [GD] [VR], domicilié [Adresse 10],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat du syndicat National solidaires unitaires démocratiques CANSSM, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat National CFDT des mineurs assimilés et des personnels du régime minier, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 27 octobre 2020), le premier tour des élections des membres de la délégation du personnel au comité social et économique de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale (la CANSSM) est intervenu du 28 novembre au 5 décembre 2019. Par requête en date du 18 décembre 2019 intitulée « requête en contestation des élections des membres du CSE de la CANSSM » et dirigée contre la CANSSM ainsi que plusieurs organisations syndicales et élus, le syndicat National solidaires unitaires démocratiques CANSSM (le syndicat SUD CANSSM) a saisi un tribunal d'instance d'une contestation.
Non lieu à statuer soulevé en défense
2. Le mémoire complémentaire en défense de la CANSSM soutient que le pourvoi est dépourvu d'objet en l'absence de contestation des résultats du second tour des élections.
3. Toutefois, par motifs non critiqués, le jugement attaqué retient que l'administration d'une bonne justice ne justifie pas de prononcer la jonction des affaires enregistrées sous les n° RG 11-19-015871 et n° RG 11-19-16100 au regard des requêtes telles que formées, visant d'une part à l'annulation du premier tour puis d'autre part du second tour des élections et compte tenu des moyens d'irrecevabilité soulevés.
4. Il en résulte que le second tour des élections a fait l'objet d'une contestation. L'exception soulevée en défense n'est par conséquent pas fondée.
5. Le pourvoi sera donc déclaré recevable.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le syndicat SUD CANSSM fait grief au jugement de déclarer irrecevable sa requête en annulation des élections des membres du comité social et économique de la CANSSM proclamées le 5 décembre 2019, alors « qu'il résulte des dispositions combinées des articles 760 et 761 du code de procédure civile, issues du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et R. 211-3-15 et R. 211-3-16 du code de l'organisation judiciaire que les parties sont dispensées de constituer avocat en matière d'élections professionnelles ; qu'il s'ensuit que les dispositions de l'article 768 du code de procédure civile selon lesquelles les conclusions comprennent un dispositif récapitulant les prétentions n'est pas applicable en cas de contestation des élections des membres d'un comité social et économique ; qu'en retenant dès lors, pour déclarer irrecevable la requête du syndicat SUD CANSSAM en contestation des élections, qu'elle visait dans son dispositif des mandats désignatifs et non électifs ainsi qu'une entité juridique inexistante au moment de la saisine, le tribunal judiciaire a violé les articles 760, 761 et 768 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 211-3-15 et R. 211-316 du code de l'organisation judiciaire. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 2314-24 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et les articles 4, 446-1 et 446-2 du code de procédure civile ainsi que les articles 58, 751 et 843 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 :
7. En vertu de l'article 4 susvisé, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Les prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions des parties. Toutefois, l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
8. Il résulte des articles R. 2314-24, 58, 751 et 843 susvisés qu'en matière d'élections professionnelles, le tribunal d'instance, devenu le tribunal judiciaire, est saisi par voie de déclaration au greffe comprenant les mentions prévues par l'article 58 selon lequel la requête ou la déclaration comprennent notamment l'objet de la demande à peine de nullité. Le tribunal statue sans représentation obligatoire.
9. En application du premier alinéa de l'article 446-1 susvisé, en matière de procédure orale, les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés par écrit.
10. Selon l'article 446-2 susvisé, lorsque les débats sont renvoyés à une audience ultérieure, le juge peut organiser les échanges entre les parties comparantes. Après avoir recueilli leur avis, le juge peut ainsi fixer les délais et, si elles en sont d'accord, les conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces. Lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, elles doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le juge ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
11. Pour déclarer la requête irrecevable, le jugement retient qu'il résulte de l'article 768 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable à la matière et à sa procédure orale, que le tribunal ne peut statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif de la requête. Ayant constaté que la requête visait dans son dispositif des mandats désignatifs et non pas électifs ainsi qu'une entité juridique inexistante au moment de la saisine, que la requête n'a pas été régularisée dans le délai légal de quinze jours et que le contenu de sa motivation ne vaut pas régularisation de fait du dispositif de la requête, le jugement en déduit que, nonobstant la motivation ayant précédé de telles demandes, la requête est procéduralement inopérante.
12. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 que les dispositions des articles 750 à 759 du code de procédure civile, dans leur rédaction résultant de ce décret, ne sont applicables qu'aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020,le tribunal a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du moyen, la Cour :
DECLARE le pourvoi recevable,
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu à jonction entre les affaires RG n° 11-19-15871 et n° 11-19-16100 et rappelle qu'en matière d'élections professionnelles, le tribunal statue sans frais ni dépens, le jugement rendu le 27 octobre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris autrement composé ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour le syndicat National solidaires unitaires démocratiques CANSSM
Le syndicat SUD CANSSM reproche au jugement attaqué d'avoir déclaré irrecevable sa requête en annulation des élections des membres du CSE de la CANSSM proclamées le 5 décembre 2019.
1) ALORS QU'il résulte des dispositions combinées des articles 760 et 761 du code de procédure civile, issues du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et R. 211-3-15 et R. 211-3-16 du code de l'organisation judiciaire que les parties sont dispensées de constituer avocat en matière d'élections professionnelles ; qu'il s'ensuit que les dispositions de l'article 768 du code de procédure civile selon lesquelles les conclusions comprennent un dispositif récapitulant les prétentions n'est pas applicable en cas de contestation des élections des membres d'un comité social et économique ; qu'en retenant dès lors, pour déclarer irrecevable la requête du syndicat SUD CANSSAM en contestation des élections, qu'elle visait dans son dispositif des mandats désignatifs et non électifs ainsi qu'une entité juridique inexistante au moment de la saisine, le tribunal judiciaire a violé les articles 760, 761 et 768 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 211-3-15 et R. 211-316 du code de l'organisation judiciaire ;
2) ALORS QUE, subsidiairement, dans son dispositif la requête du syndicat SUD CANSSM demandait au tribunal judiciaire d'annuler les désignations de 26 salariés visés nominativement, proclamées lors des élections des membres du cessionnaire du 5 décembre 2019 et par conséquent d'enjoindre la CANSSM à organiser de nouvelles élections professionnelles ; que le tribunal était ainsi saisi par le dispositif de la requête d'une demande d'annulation des élections des membres du CSE de la CANSSM proclamées le 5 décembre 2019 ; qu'en décidant le contraire, le tribunal judiciaire a violé l'article 768 du code de procédure civile, ensemble l'article 4 du code civil.