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28/09/2022 | FRANCE | N°20-21499

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2022, 20-21499


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1021 F-D

Pourvoi n° H 20-21.499

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

M. [X] [G], domicilié

[Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-21.499 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1021 F-D

Pourvoi n° H 20-21.499

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

M. [X] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-21.499 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à la société La Vaucouleurs golf club, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [G], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société La Vaucouleurs golf club, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, M. Gambert, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 septembre 2020), M. [G] a été engagé le 15 février 1996 par la société La Vaucouleurs golf club, en qualité de «green keeper» (jardinier chef), statut cadre.

2. Après avoir fait l'objet d'un avertissement, le 9 mai 2016, pour avoir exprimé lors d'une réunion de travail son désaccord avec la direction, il a démissionné, par lettre du 26 mai 2016, en reprochant à son employeur la notification de cet avertissement.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet de constater que la rupture de son contrat de travail était imputable à l'employeur et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à ce que sa démission soit déclarée imputable à l'employeur et produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, à ce que ce dernier soit condamné à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour absence de procédure de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'une sanction disciplinaire ne peut légalement être infligée à un salarié pour avoir exercé sa liberté d'expression, dès lors qu'aucune restriction à cette liberté n'est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché et que le salarié n'en a pas abusé en employant des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que pour dire l'avertissement notifié à M. [G] bien fondé, la cour d'appel a relevé que, lors d'une réunion, celui-ci avait déclaré devant l'ensemble de ses collègues qu'il contestait les choix de la direction et refusait d'accompagner celle-ci dans la mise en oeuvre de la nouvelle organisation proposée, et elle a considéré que l'expression d'un avis divergent provenant d'un cadre, censé fédérer les salariés placés sous sa responsabilité et soutenir la politique mise en oeuvre par la direction, était susceptible de porter préjudice à l'entreprise et que dans sa lettre de démission, M. [G] confirmait d'ailleurs son désaccord ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'a relevé l'existence d'aucun acte d'insubordination mais uniquement l'expression publique par le salarié d'un désaccord avec son employeur, sans constater l'emploi d'aucun terme injurieux, diffamatoire ou excessif, a violé l'article L. 1121-1 du code du travail, ensembles les articles L. 1234-9 et L. 1235-3 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1121-1, L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail :

6. Il résulte du premier de ces textes, que, sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.

7. Lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit, dans le cas contraire, d'une démission.

8. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt, après avoir relevé que lors d'une réunion de travail, le 4 mai 2016, l'intéressé avait déclaré devant l'ensemble de ses collègues qu'il contestait les choix de la direction et refusait d'accompagner celle-ci dans la mise en oeuvre de la nouvelle organisation proposée, retient que l'expression d'un avis divergent provenant d'un cadre, censé fédérer les salariés placés sous sa responsabilité et soutenir la politique mise en oeuvre par la direction, est susceptible de porter préjudice à l'entreprise, spécialement dans une période de réorganisation rendue nécessaire pour faire face à la concurrence comme c'était le cas, de sorte que l'avertissement était bien fondé et qu'aucun grief ne peut être imputé à l'employeur.

9. En statuant ainsi, alors que l'expression publique d'un désaccord avec l'employeur en des termes qui n'étaient ni injurieux, diffamatoires ou excessifs, ne caractérisait pas un abus dans la liberté d'expression du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation des chefs de dispositif déboutant le salarié de ses demandes tendant à ce que sa démission soit déclarée imputable à l'employeur et produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse emporte cassation du chef de dispositif de l'arrêt le déboutant de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [G] de ses demandes tendant à ce que sa démission soit déclarée imputable à la société La Vaucouleurs golf club et produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, à ce qu'elle soit condamnée à lui payer les sommes de 22 405,64 euros à titre d'indemnité de licenciement, 4 143,31 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de procédure de licenciement et 49 719,72 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'en ce qu'il déboute M. [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société La Vaucouleurs golf club aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Vaucouleurs golf club et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour M. [G]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [X] [G] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes tendant à ce que sa démission soit déclarée imputable à l'employeur et produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, à ce que la société La Vaucouleurs Golf Club soit condamnée à lui payer les sommes de 22 405,64 euros à titre d'indemnité de licenciement, 4 143,31 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de procédure de licenciement et 49 719,72 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE le juge doit faire observer le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans sa décision, les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; que, dans ses dernières écritures, M. [G] faisait valoir qu'aucune pièce ne lui avait été communiquée par l'employeur en dépit d'une sommation du 22 février 2018 et d'une itérative sommation du 3 avril 2018 (p. 18, § 2) ; que la fiche RPVA mentionne effectivement que l'appelant a adressé à l'intimé, le 22 février 2018, une sommation de communiquer, et le 3 avril 2018, une itérative sommation de communiquer ; qu'en se fondant sur des documents produits par l'employeur, notamment les éléments chiffrés que celui-ci versait aux débats (p. 8, § 3) ou les attestations de M. [Z] [M] et de M. [O] [C] (p. 9, § 8), sans avoir vérifié si ces pièces produites par l'intimé avaient bien été communiquées M. [G], qui le contestait, la cour d'appel a violé les articles 15, 16 et 132 du code de procédure civile.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

M. [X] [G] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes tendant à ce que sa démission soit regardée comme imputable à l'employeur et produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à ce que la société La Vaucouleurs Golf Club soit, en conséquence, condamnée à lui payer les sommes de 22 405,64 euros à titre d'indemnité de licenciement, 4 143,31 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de procédure de licenciement et 49 719,72 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS QU'une sanction disciplinaire ne peut légalement être infligée à un salarié pour avoir exercé sa liberté d'expression, dès lors qu'aucune restriction à cette liberté n'est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché et que le salarié n'en a pas abusé en employant des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que pour dire l'avertissement notifié à M. [G] bien fondé, la cour d'appel a relevé que, lors d'une réunion, celui-ci avait déclaré devant l'ensemble de ses collègues qu'il contestait les choix de la direction et refusait d'accompagner celle-ci dans la mise en oeuvre de la nouvelle organisation proposée, et elle a considéré que l'expression d'un avis divergent provenant d'un cadre, censé fédérer les salariés placés sous sa responsabilité et soutenir la politique mise en oeuvre par la direction, était susceptible de porter préjudice à l'entreprise et que dans sa lettre de démission, M. [G] confirmait d'ailleurs son désaccord ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'a relevé l'existence d'aucun acte d'insubordination mais uniquement l'expression publique par le salarié d'un désaccord avec son employeur, sans constater l'emploi d'aucun terme injurieux, diffamatoire ou excessif, a violé l'article L. 1121-1 du code du travail, ensembles les articles L. 1234-9 et L. 1235-3 du même code.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

M. [X] [G] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes tendant à ce que la société La Vaucouleurs Golf Club soit condamnée à lui verser une somme de 60 493,68 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination salariale, outre celle de 1 149,54 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination relative à la prise en charge du téléphone ;

1/ ALORS QUE la cour d'appel a relevé que M. [G] estimait être moins bien traité que deux de ses collègues en ce qui concerne notamment le montant du salaire de base et l'attribution de bonus contractuels (p. 6 § 2) ; qu'en retenant, pour le débouter de ses demandes, que les trois salariés n'étaient pas placés dans une situation identique en sorte que le versement de salaires différents était justifié par des éléments objectivement vérifiables, sans préciser si elle incluait le ou les bonus s'ajoutant au salaire de base dans cette appréciation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement des salariés ;

2/ ALORS en outre QUE la cour d'appel a relevé que M. [G] estimait être moins bien traité que deux de ses collègues au regard, à la fois, du montant du salaire de base, de l'attribution de bonus contractuels, de la prise en charge de l'abonnement téléphonique portable et de la disposition d'une voiture à usage professionnel et personnel (p. 6 § 2) ; qu'en relevant uniquement, pour le débouter de ses demandes, que les trois salariés n'étaient pas placés dans une situation identique en sorte que le versement de salaires différents était justifié par des éléments objectivement vérifiables et que le contrat de travail de M. [G] ne prévoyait pas la prise en charge de son abonnement téléphonique, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la différence de traitement concernant l'usage d'un véhicule était justifiée par des éléments objectifs et pertinents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement des salariés ;

3/ ALORS en toute hypothèse QU'une différence de traitement doit être justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que la pertinence s'apprécie au regard de l'objet de l'avantage considéré ; qu'en retenant, pour écarter l'existence d'une différence de traitement, invoquée par M. [G], relative à la prise en charge de l'abonnement téléphonique portable, que le contrat de travail de M. [G] ne prévoyait pas la prise en charge de cet abonnement, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement des salariés


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-21499
Date de la décision : 28/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 03 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2022, pourvoi n°20-21499


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.21499
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