LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 septembre 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 924 F-D
Pourvoi n° M 21-11.272
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [C].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 30 novembre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 SEPTEMBRE 2022
Mme [T] [C], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 21-11.272 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour d'appel de Pau (renvoi de cassation), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Ariège, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de Mme [C], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Ariège, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 16 janvier 2020), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 14 février 2019, pourvoi n° 18-12.377), la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ariège (la caisse) a refusé de prendre en charge au titre du tableau n° 57 A des maladies professionnelles l'affection déclarée le 28 août 2013 par Mme [C] (la victime).
2. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale de sécurité sociale d'un recours.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La victime fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelle, dont la prise en charge est sollicitée, peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle a été directement causée par le travail habituel de la victime ; que la caisse est alors tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies et de se prononcer sur la demande après avis motivé de ce comité ; que la cour d'appel a constaté que les conditions de reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée par la salariée n'étaient pas intégralement remplies ; qu'en retenant, pour débouter la victime de ses demandes, que ladite maladie professionnelle n'était pas directement causée par le travail habituel de l'assurée, sans vérifier au besoin d'office si l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles avait été préalablement recueilli par la caisse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. La caisse conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen serait nouveau, mélangé de fait et de droit, et, comme tel, irrecevable.
5. Cependant le moyen qui est de pur droit, est recevable.
Bien fondé du moyen
Vu l'article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 :
6. Il résulte de ce texte que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie, telle qu'elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles, peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle a été directement causée par le travail habituel de la victime. Dans un tel cas, la caisse est tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
7. Pour rejeter la demande de prise en charge, l'arrêt, après avoir constaté qu'il n'était pas contesté que la maladie déclarée par la salariée était inscrite au tableau n° 57 A, retient essentiellement que la première constatation médicale de la pathologie est intervenue plus de six mois après la fin de l'activité de caissière de bureau de tabac de la victime, de sorte que la condition tenant au délai de prise en charge n'est pas remplie, et que, s'agissant de la liste limitative des travaux, la victime invoque pour l'essentiel une activité au titre de vendeuse en boulangerie, dont ni la réalité, ni la consistance ne sont établies. Il relève que, s'agissant de son activité dans le bureau de tabac, l'assurée a invoqué au cours de l'enquête administrative, au titre des travaux limitativement énumérés comme susceptibles de provoquer la maladie, l'ouverture et la fermeture du tiroir des tickets de jeu, et les mouvements en hauteur pour récupérer les paquets de cigarettes, mais qu'il doit être observé que le mouvement d'ouverture d'un tiroir sollicite pour l'essentiel l'avant bras ou les avant bras et que les sollicitations susceptibles de concerner le ou les bras ne répondent pas à la liste limitative des travaux, d'angle supérieur ou égal à 60 ou 90 degrés. Il ajoute que si l'on peut admettre que certains des paquets de tabac étaient situés en hauteur, entraînant l'exécution des mouvements visés par la liste limitative des travaux prévus au tableau n° 57, eu égard à la légèreté de la marchandise, et du fait que l'assurée était droitière, c'était bien l'épaule droite qui était naturellement sollicitée, et qu'à supposer que l'épaule gauche ait pu être occasionnellement sollicitée, il n'est pas permis, au regard de ce caractère occasionnel, de retenir qu'elle l'aurait été dans les conditions de durée exigée par le tableau.
8. Il en déduit que les conditions de reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée par la salariée ne sont pas remplies et que, pour ces même motifs, il n'est pas permis de retenir que cette maladie serait directement causée par le travail habituel de l'assurée.
9. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la victime était atteinte d'une maladie désignée au tableau n° 57 A des maladies professionnelles sans remplir les conditions fixées par celui-ci, de sorte qu'elle ne pouvait statuer sans que l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ait été recueilli, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la contestation par Mme [C] de la décision de la commission de recours amiable du 12 juin 2014, l'arrêt rendu le 16 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ariège aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ariège et la condamne à payer à la SCP Ohl et Vexliard la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour Mme [C]
Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à la prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ariège, à titre de maladie professionnelle, de l'arthrose avec syndrome sous acromial à l'épaule gauche dont elle souffre,
Alors que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelle, dont la prise en charge est sollicitée, peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle a été directement causée par le travail habituel de la victime ; que la caisse est alors tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies et de se prononcer sur la demande après avis motivé de ce comité ; que la cour d'appel a constaté que les conditions de reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée par la salariée n'étaient pas intégralement remplies ; qu'en retenant, pour débouter Mme [C] de ses demandes, que ladite maladie professionnelle n'était pas directement causée par le travail habituel de l'assurée, sans vérifier au besoin d'office si l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles avait été préalablement recueilli par la caisse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité.