La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/09/2022 | FRANCE | N°21-50050

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 septembre 2022, 21-50050


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 675 F-D

Pourvoi n° M 21-50.050

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

Le procureur général près la cour d'appel de Papeete, domici

lié en son parquet général, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-50.050 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Papeete (ch...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 675 F-D

Pourvoi n° M 21-50.050

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

Le procureur général près la cour d'appel de Papeete, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-50.050 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [W] [Z], domiciliée [Adresse 6],

2°/ à M. [O] [H],

3°/ à M. [Y] [B],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les dix moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié et les plaidoiries de Me Molinié, avocat de Mme [Z] et de MM. [H] et [B], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 27 mai 2021 et 8 octobre 2020), [T] [Z] est née le 28 février 2020, à Papeete, de Mme [Z].

2. Le 4 mars 2020, celle-ci a saisi un juge aux affaires familiales d'une demande de délégation de l'exercice de l'autorité parentale sur son enfant au profit de MM. [H] et [B].

Recevabilité du premier des « moyens à l'appui du pourvoi » présentés par le procureur général près la cour d'appel de Papeete, examinée d'office

Vu les articles 608 et 978 du code de procédure civile :

3. Conformément à l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le pourvoi qui n'est pas recevable en application du texte susvisé.

Examen des moyens du pourvoi principal formé contre l'arrêt du 27 mai 2021

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, le troisième moyen, le quatrième moyen, pris en sa seconde branche, les cinquième à septième moyens, le huitième moyen, pris en ses première à sixième branches et huitième branche, les neuvième et dixième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, sur le troisième moyen, sur le quatrième moyen pris en sa seconde branche, sur les cinquième et à septième moyens, huitième moyen, pris en ses première à sixième branches et huitième branche, les neuvième et dixième moyens qui sont irrecevables et sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le procureur général près la cour d'appel de Papeete fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de délégation d'autorité parentale, alors « qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a enfreint la prohibition d'ordre public de la gestation pour autrui spécifiée aux articles 16-7 et 16-9 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 16-7 du code civil, les conventions portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui sont nulles.

7. Ces dispositions reposent sur les principes d'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, qui interdisent, sauf exceptions prévues par la loi, de conclure une convention portant sur un élément du corps humain ou de disposer librement de sa qualité de père ou de mère.

8. Il en résulte que le projet d'une mesure de délégation d'autorité parentale, par les parents d'un enfant à naître, au bénéfice de tiers souhaitant le prendre en charge à sa naissance, n'entre pas dans le champ des conventions prohibées par l'article 16-7 du code civil.

9. En effet, il n'existe pas d'atteinte aux principes de l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, dès lors, d'une part, que l'enfant n'a pas été conçu en vue de satisfaire la demande des candidats à la délégation, d'autre part, que la mesure de délégation, qui n'est qu'un mode d'organisation de l'exercice de l'autorité parentale, est ordonnée sous le contrôle du juge, est révocable et est, en elle-même, sans incidence sur la filiation de l'enfant.

10. La cour d'appel a constaté que la mesure de délégation d'autorité parentale avec prise de contact d'une famille en métropole n'avait été envisagée par la mère de l'enfant qu'au cours de la grossesse.

11. Elle en a exactement déduit que la mesure sollicitée ne consacrait pas, entre la délégante et les délégataires, une relation fondée sur une convention de gestation pour autrui.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. Le procureur général près la cour d'appel de Papeete fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article 377, alinéa 1er du code civil qui ne permet pas, en cas de délégation d'autorité parentale volontaire, une délégation à plusieurs délégataires. »

Réponse de la Cour

14. Aux termes de l'article 377, alinéa 1er, du code civil, les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance.

15. Ces dispositions n'interdisent pas la désignation de plusieurs délégataires lorsque, en conformité avec l'intérêt de l'enfant, les circonstances l'exigent.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le huitième moyen, pris en sa septième branche

Enoncé du moyen

17. Le procureur général près la cour d'appel de Papeete fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que les délégataires n'étaient connus que depuis quelques semaines, et en les qualifiant de proches au sens de l'article 377, alinéa 1er du code civil, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations. »

Réponse de la Cour

18. Aux termes de l'article 377, alinéa 1er, du code civil, les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de l'autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agrée pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance.

19. Si ces dispositions ouvrent la possibilité de désigner comme délégataire une personne ne soit pas membre de la famille, c'est à la condition que celle-ci soit un proche digne de confiance.

20. Ne saurait être considérée comme un proche, au sens du texte précité, une personne dépourvue de lien avec les délégants et rencontrée dans le seul objectif de prendre en charge l'enfant en vue de son adoption ultérieure.

21. Au demeurant, une telle désignation ne serait pas conforme à la coutume polynésienne de la Fa'a'mu, qui permet d'organiser une mesure de délégation de l'autorité parentale dès lors qu'elle intervient au sein d'un cercle familial élargi ou au bénéfice de personnes connues des délégants.

22. En conséquence, c'est en méconnaissance du texte susvisé que la cour d'appel, après avoir constaté que Mme [Z] était entrée en relation avec MM. [H] et [B] à la suite de recherches d'une famille adoptante en métropole, a accueilli la demande en délégation de l'exercice de l'autorité parentale.

23. Cependant, si une jurisprudence nouvelle s'applique de plein droit à tout ce qui a été réalisé antérieurement à celle-ci et, le cas échéant, sur la base et sur la foi d'une jurisprudence ancienne, la mise en oeuvre de ce principe peut affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, de sorte que, en ces circonstances, le juge doit procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste.

24. En l'occurrence, il doit être relevé, en premier lieu, l'utilisation de la procédure de délégation d'autorité parentale s'inscrit dans un contexte de carence du pouvoir réglementaire. En effet, si les articles L. 224-1 à L. 225-7 du code de l'action sociale et des familles, relatif aux pupilles de l'Etat et à leur adoption, sont applicables en Polynésie française, selon les adaptations qui y sont prévues aux articles L. 562-1 à L. 562-5, les dispositions réglementaires d'application de l'article L. 224-2 du même code, relatif à la composition et aux règles de fonctionnement des conseils de famille institués en Polynésie française, ne sont toujours pas adoptées à ce jour, créant de ce fait une incertitude juridique sur les modalités d'adoption d'un enfant âgé de moins de deux ans sur ce territoire.

25. En deuxième lieu, il doit être rappelé que, dans ce contexte de vide réglementaire imputable à l'Etat, les autorités locales ont aménagé le code de procédure civile applicable en Polynésie française en prévoyant, pour les enfants dont la filiation est établie mais dont les parents souhaitent dès leur naissance mettre en oeuvre un projet d'adoption, une mesure préalable de délégation d'autorité parentale. De manière spécifique, l'article 555, alinéa 3, de ce code, édicte ainsi que la requête en délégation d'autorité parentale doit être accompagnée, lorsque les délégataires ne résident pas en Polynésie française, de l'enquête sociale et de l'avis motivé émanant de l'organisme habilité à le faire suivant la loi de leur domicile ou résidence habituelle.

26. En troisième lieu, il doit être souligné que la délégation aux fins d'adoption a été admise sur ce territoire par une jurisprudence trentenaire de la cour d'appel de Papeete, jusqu'à présent jamais remise en cause.

27. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à la date de la naissance de l'enfant, la mère légale, comme le couple candidat à la délégation, se sont engagés dans un processus de délégation d'autorité parentale en vue d'une adoption, qu'ils pouvaient, de bonne foi, considérer comme étant conforme au droit positif.

28. Dans ces conditions, il apparaît que l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle sanctionnant un tel processus porterait une atteinte disproportionnée aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

29. En outre, de manière concrète, la remise en cause des situations existantes serait de nature à affecter de manière irrémédiable les liens qui se sont tissés ab initio entre l'enfant et les délégataires. En effet, la fin de la mesure de délégation d'autorité parentale, en supprimant tout lien juridique entre eux, pouvant notamment conduire à une rupture définitive des relations de l'enfant avec ceux qui l'élèvent depuis sa naissance, dans un contexte où le projet a été construit en accord avec les parents légaux, et où ceux-ci conservent la faculté de solliciter la révocation de la mesure, si tel est l'intérêt de l'enfant.

30. Dès lors, l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle porterait également une atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur de l'enfant, garanti par l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant, ainsi qu'au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes concernées, garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

31. Ces circonstances exceptionnelles justifient par conséquent de déroger à l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle aux situations des enfants pour lesquels une instance est en cours.

32. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'accueillir le moyen.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé.

Le conseiller referendaire rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par le procureur général près la cour d'appel de Papeete

Le ministère public fait grief à l'arrêt avant dire droit en date du 8 octobre 2020 (n° 332/ADD, PJ) attaqué, d'avoir débouté le ministère public de sa demande du 24 septembre 2020 de désignation d'un administrateur ad hoc pour l'enfant;

Aux motifs que :

"Attendu qu'il résulte de la procédure que [I] [H] et [Y] [B] ont été agréés pour accueillir en vue d'adoption un enfant par arrêté de la présidente du conseil départemental de Lot-et-Garonne du 12 novembre 2019, après établissement d'un rapport psychologique et d'une enquête sociale ; que ceux-ci et [W] [S] [Z] ont formé ensemble le 4 mars 2020 une requête aux fins de délégation parentale sur l'enfant [T] [Z] née le 28 février 2020 en déclarant que celle-ci réside chez les délégataires qui l'élèvent depuis la naissance ; qu'une enquête sociale sur la situation de la mère et des délégataires a été ordonnée par le juge aux affaires familiales le 31 mars 2020 ; qu'aux audiences qui se sont tenues les 9 et 16 avril 2020 et 6 mai 2020, la mère a exposé les circonstances de sa démarche, s'agissant d'un enfant issu d'une relation adultérine à l'insu de son mari et du père biologique, elle-même étant sans travail et ayant charge d'un fils âgé de 12 ans ; que la mère a indiqué être partie prenante au projet d'adoption et être en très bons termes avec les délégataires ; que ces derniers ont exposé leur projet ; que le ministère public a émis un avis réservé dès lors que la délégation d'autorité parentale ne s'inscrit pas dans le milieu familial traditionnel et qu'elle ne semble avoir lieu que pour un motif économique de la part de la mère biologique ;

Attendu que le jugement déféré a retenu que l'enquête sociale et l'avis motivé émanant du conseil général du département figurent au dossier, et que la mesure sollicitée correspond à l'intérêt de l'enfant ;
Attendu qu'a résulté de l'enquête de gendarmerie ordonnée par le juge aux affaires familiales, exécutée le 30 avril 2020, que [W] [Z], âgée de 43 ans, a déclaré avoir été surprise de se trouver enceinte de cinq mois et demi alors qu'elle est séparée de son mari et qu'elle a entretenu une relation extra conjugale ; qu'elle a indiqué avoir trois enfants de trois pères différents dont le dernier est mineur; qu'elle a déclaré qu'elle vivait séparément d'avec son mari qui ignore son accouchement ; qu'elle a connu les candidats à l'adoption par une amie, [F] [D], laquelle a déclaré que la mère était venue la voir quand il était trop tard pour avorter et avoir connu ce couple lorsqu'il était venu à [Localité 7] en vacances en 2019 et s'était renseigné sur les modalités d'adoption locales que cette amie a confirmé le projet d'adoption sans contreparties de la mère, convenu en décembre 2019 ; que [I] [H] et [Y] [B] ont déclaré être venus de métropole à [Localité 7] peu après l'accouchement et avoir vécu avec l'enfant depuis, sans avoir versé de compensation à la mère ; que l'époux de la mère, [X] [J], a déclaré que le couple vit sous le même toit et à l'écart, qu'une procédure de divorce n'a pas été engagée, qu'ils n'ont plus de relations sexuelles depuis deux ans, et qu'il ignorait qu'elle avait été enceinte et avait accouché ;
Attendu que le jugement entrepris a enjoint aux délégataires d'organiser une tutelle dans le cas ou l'importance du patrimoine de la mineure le justifierait ;
Attendu qu'il ne résulte pas de l'ensemble de ces éléments qu'il existe une opposition d'intérêts entre la mineure et ses représentants légaux, dès lors que la délégation de l'autorité parentale, sous réserve de l'appréciation de sa régularité qui fait l'objet de l'instance, paraît s'inscrire dans un projet d'adoption d'un enfant non désiré par une mère en situation matérielle précaire qui n'a pu interrompre sa grossesse et dont l'époux ne reconnaît pas sa paternité, non plus que le père biologique ; que le choix par la mère et par les délégataires d'un même conseil n'est pas en soi de nature, dans ces circonstances, à permettre de caractériser une telle opposition d'intérêts, et qu'il incombe à la juridiction d'apprécier quel est l'intérêt supérieur de l'enfant conformément à la loi ; »

-alors que, statuant ainsi malgré la requête du parquet général qui concluait que l'intérêt de l'enfant était ignoré par la décision de première instance, la cour a préjugé de la conformité de l'intérêt de l'enfant à la requête, a méconnu les limites de sa saisine et a excédé ses pouvoirs

-alors que, constatant que la mère était représentée en appel par l'avocat du couple délégataire, déjà présent pour ces derniers devant le tribunal de première instance et statuant qu'il y avait absence d'opposition d'intérêts entre d'une part ceux de la mère, pourtant assimilés à ceux du couple délégataire, et d'autre part ceux de l'enfant, la cour a insuffisamment motivé sa décision.

ll-B-Le ministère public fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de première instance le 7 mai 2020 qui avait dit que l'autorité parentale sur l'enfant [T], [P], [N], [C] [Z], née le 28 Février 2020 à [Localité 5], sera désormais exercée par Monsieur [I] [G] [H], né le 03 avril 1966 à [Localité 3] de nationalité française, et Monsieur [Y] [A] [M] [B], né le 07 novembre 1978 à [Localité 4] de nationalité française, demeurant tous deux habituellement [Adresse 1].

II-B-1 Aux motifs que :

II-B-l-a « A la différence de l'adoption, la délégation volontaire de l'autorité parentale ne porte pas atteinte à la filiation, à l'identité ou à la nationalité de l'enfant. Il n'est pas séparé de ses parents contre leur gré dès lors que leur consentement a été libre et exempt de contrepartie ou de fraude. La mesure doit être prise dans l'intérêt supérieur de l'enfant compte tenu des circonstances qui la justifient. »

et que: « Un auteur souligne que : « La délégation de l'autorité parentale par les parents d'un enfant de moins de deux ans, à une personne qui souhaite l'adopter, permet de contourner la règle de l'article 348-5 du code civil qui impose la remise de l'enfant de moins de deux ans à l'Aide sociale à l'enfance, et permet aux parents de choisir les futurs parents adoptifs de leur enfant qui, en attendant, vivra déjà auprès d'eux »

et que: « D'autre part, en Polynésie française, peu de parents songent à remettre expressément leur enfant au service de l'aide à l'enfance en vue d'une admission comme pupille de l'État, et ce même lorsqu'ils bénéficient de l'accompagnement du service social. À leurs yeux, la remise de l'enfant à des tiers désireux à terme de l'adopter par une délégation volontaire de l'autorité parentale n'est pas un abandon. Ils disent «donner», confier leur enfant. Ceux qui se sentent dans l'impossibilité de faire grandir leur enfant restent attachés à la possibilité de choisir ceux qui les substitueront. Ils ont ainsi le sentiment de prendre la mesure la plus protectrice pour leur enfant qu'ils ne se sentent pas en capacité de faire grandir. "

et que: «il ne résulte pas de l'ensemble des dispositions qui ont été rappelées que la délégation de l'autorité parentale sur un enfant âgé de moins de deux ans à une personne qui a formé le projet d'adopter celui-ci ultérieurement soit interdite par la loi ou par les traités.

Et il n'en résulte pas non plus qu'une telle pratique constitue nécessairement et par elle-même un détournement de procédure et une fraude à la loi. En effet, le contrôle exercé par le juge aux affaires familiales permet effectivement d'atteindre, dans le respect primordial de l'intérêt supérieur de l'enfant, l'objectif de prévenir les trafics portant sur des nouveau-nés.

La possibilité d'ententes illicites contrevenant à l'indisponibilité du corps humain, que le ministère public doit combattre dans l'exercice de ses attributions et dans l'intérêt de la société et des personnes à qui celle-ci doit protection, ne permet pas de constituer une présomption de mauvaise foi contre les requérants qui s'adressent à justice. C'est, au contraire, l'obligation de soumettre leur projet à l'autorité judiciaire qui est de nature à permettre de prévenir les délits d'abandon ou d'incitation à l'abandon d'enfant, et de les sanctionner.

Le juge aux affaires familiales dispose des pouvoirs nécessaires pour vérifier s'il existe des circonstances qui exigent la délégation, si le délégataire remplit les conditions pour exercer l'autorité parentale dans l'intérêt supérieur de l'enfant, si consentement des parents n'est pas vicié ou déterminé par une fraude, et si ceux-ci peuvent bénéficier d'une assistance sociale ou judiciaire. »
et que : « Contrairement à l'adoption, la délégation de l'autorité parentale est révocable ou modifiable. Il n'existe donc pas inévitablement de détournement de procédure ou de fraude à la loi lorsqu'elle est réalisée dans la perspective d'une adoption. Le contrôle du juge aux affaires familiales doit porter sur la sincérité et sur la faisabilité d'un maintien des liens des parents avec l'enfant. »

et que : « Par conséquent, le ministère public n'est pas bien fondé à soutenir :(...)

- que la pratique de la délégation volontaire de l'autorité parentale destinée à permettre une adoption ultérieure est contraire aux dispositions de l'article 348-5 du code civil, lequel n'admet de consentement à l'adoption d'un enfant de moins de deux ans que pour une adoption familiale ou lorsque l'enfant est remis par le service de l'aide sociale à l'enfance, cela dans le but exprès de permettre la garantie d'indisponibilité du corps humain qu'apporte l'action administrative, qui doit être la même sur l'ensemble du territoire de la République ;

alors que les conditions et les effets de la délégation volontaire de l'autorité parentale sont différents de ceux de l'adoption simple ou plénière, et que, si la responsabilité des collectivités publiques peut se trouver engagée à l'égard des enfants recueillis, des parents délégants ou des personnes délégataires en raison du caractère incomplet en Polynésie française de la réglementation organisant le recueil aux fins d'adoption par le service de l'aide à l'enfance, cela ne peut conduire le juge aux affaires familiales à renoncer, par a priori, à apprécier dans chaque espèce, en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, s'il existe des circonstances qui justifient une délégation volontaire de l'autorité parentale, et si la décision des parents de confier leur enfant à un proche digne de confiance plutôt qu'à un établissement agréé ou au service de l'aide à l'enfance est libre, sincère et exempte de fraude;

- que la pratique de la délégation volontaire de l'autorité parentale destinée à permettre une adoption ultérieure doit être prohibée en ce qu'elle permet des conventions de procréation ou de gestation pour le compte d'autrui qui sont contraires à l'ordre public et nulles, en tout cas sur le territoire français, et contreviennent aux lois et traités (Convention de La Haye régissant l'adoption internationale) qui interdisent l'adoption directe auprès des familles vulnérables, la conception d'enfants aux fins d'adoption, les fausses déclarations de paternité ainsi que l'adoption d'enfants via l'internet, en dissociant artificiellement la remise de l'enfant et son adoption ultérieure et en empêchant que des évaluations soient faites de manière complète et suivie sur le projet d'adoption ou l'existence d'autres solutions familiale ou sociale locale ;

alors que le juge aux affaires familiales dispose, comme il a été dit, de pouvoirs étendus pour apprécier les circonstances dans lesquelles la délégation volontaire de l'autorité parentale est demandée, la liberté et la sincérité du consentement des parents, l'existence d'une fraude ou de contreparties matérielles ou financières, permettant de caractériser dans chaque espèce s'il y a eu ou non atteinte au principe d'indisponibilité du corps humain et d'interdiction de la gestation pour autrui, en faisant intervenir tant les services sociaux que ceux de police judiciaire ; et qu'une demande de délégation volontaire de l'autorité parentale à un proche digne de confiance en raison des circonstances, même quand elle est présentée dans la perspective d'une demande d'adoption ultérieure, ne saurait être rejetée sans un examen par le juge, dans chaque espèce, du respect des conditions légales et de l'intérêt supérieur de l'enfant ; »

et que « ainsi qu'a statué le premier juge, en application de l'article L 227-1 du Code de l'action sociale et des familles qui dispose que le mineur accueilli hors du domicile de ses parents doit être placé sous la protection des autorités publiques, le jugement est transmis au président du conseil général du lieu de résidence de l'enfant, chargé de cette protection. »

et que : « La délégation volontaire de l'autorité parentale sur un enfant âgé de moins de deux ans à un tiers proche digne de confiance lorsque les circonstances l'exigent n'est pas illicite. Elle ne constitue pas, en soi, un détournement de procédure ou une fraude à la loi, même quand elle s'inscrit dans un projet d'adoption ultérieure de l'enfant. »

et que : « L'audience devant le juge aux affaires familiales a permis de vérifier le caractère libre et éclairé du consentement de la mère. souhaite le maintien des liens avec l'enfant comme mis en oeuvre avec les délégataires et dans la perspective d'une adoption.

La relation qui s'est nouée avec les époux [H] [B] se présente comme la construction d'un projet de vie pour l'enfant. La recherche de cette relation a été dirigée par la mère vers un couple adoptant en métropole quand elle a réalisé qu'elle était enceinte d'une enfant que ni son mari ni le père supposé ne reconnaissent. La mise en relation s'est faite par une amie qui elle-même avait confié un enfant en vue d'une adoption en métropole. La relation s'est développée au quotidien lors d'un séjour des époux [H] [B] à [Localité 7] pendant les vacances de fin d'année. ils se sont temporairement installés à [Localité 7] après l'accouchement, durant la procédure et l'interruption des vols en raison de la période d'urgence sanitaire. L'ensemble des déclarations, dont celle de la sage-femme, témoigne qu'un rapport de proximité et de confiance s'est instauré entre eux autour de la petite fille. »

- alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a enfreint la prohibition d'ordre public de gestation pour autrui spécifiée aux articles 16-7 et 16-9 du code civil.

-alors qu'en statuant ainsi, alors même qu'elle sait que la procédure de délégation d'autorité parentale, utilisée dans un tel contexte, a pour principal objectif de confier définitivement cet enfant aux délégataires, la cour d'appel a détourné la procédure de délégation d'autorité parentale de ses fins

-alors qu'en statuant ainsi, en consacrant une délégation d'autorité parentale aux fins d'adoption, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 348-4 du code civil qui ne prévoit pas pour les parents biologiques la possibilité de choisir les adoptants, choix tout aussi impossible au terme de l'article 29 de la convention de la Haye régissant l'adoption internationale.

-alors qu'en statuant ainsi, se référant à l'article 227-1 du code de l'action sociale et des familles non applicable en Polynésie française, la décision de la cour d'appel a manqué de base légale.

ll-B-1-b « C'est le régime de la délégation de l'autorité parentale qui est appliqué par les juridictions françaises à l'institution de la kafala (recueil des enfants orphelins, abandonnés ou nés hors mariage) dans les pays de droit musulman qui ne connaissent pas l'adoption.

La jurisprudence de la cour d'appel de Papeete retient que le placement d'un enfant à l'aide sociale à l'enfance en vue d'une adoption n'est pas possible en Polynésie française en raison du caractère incomplet des textes, et que la délégation volontaire de l'autorité parentale par des parents polynésiens à des personnes agréées en métropole pour adopter est licite dès lors que les conditions légales sont remplies, et que le consentement de chacun des parents à la délégation est libre, éclairé et sans réserve (CA Papeete 6 mars 2014 RG n°14/00042 -12 mai 2016 RG n° 16/00115).

En effet, si les dispositions du code de l'action sociale et des familles organisant la remise des enfants pupilles de l'État au service social (CAS, art. L224-1 à 9 et L225-1 à 7, art. L562-1 et 3) sont applicables en Polynésie française et qu'il existe des structures habilitées à accueillir les enfants et à recevoir le consentement des parents pour l'adoption, les dispositions permettant non seulement la mise en oeuvre du projet individualisé pour chacun des pupilles de l'État, mais également le consentement à l'adoption de ces enfants, demeurent inapplicables à défaut de texte réglementaire ayant fixé la composition et les règles de fonctionnement du conseil de famille.

De fait, le recueil de l'enfant par le service de l'aide à l'enfance n'est à l'heure actuelle pas organisé par la Direction de la Solidarité, de la Famille et de l'Egalité (DSFE), et la solution de remise de l'enfant demandée par le ministère public n'est pas effective. DSFE diffuse une information qui indique aux candidats à l'adoption que la délégation volontaire de l'autorité parentale par les parents est le préalable à toute adoption. »

-alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donné une toute autre portée à la jurisprudence de la cour de cassation qui permettait le recours à la délégation d'autorité parentale que lorsque l'enfant est étranger et que l'adoption est interdite dans le pays d'origine de l'enfant,

-alors que le code civil applicable en la Polynésie française n'interdit pas l'adoption ;

-alors que la même cour d'appel prononce régulièrement des jugements d'adoption d'enfants par application du code civil;

-alors que l'absence d'arrêté organisant le conseil de famille ne fait pas obstacle à la possibilité d'adopter;

-alors que l'éventuelle mauvaise interprétation des textes par l'administration territoriale du service de l'aide à l'enfance ne fait pas obstacle à l'application de la loi par la cour d'appel.

ll-B-1-c. « Sur le nombre de délégataires :

La délégation par une mère de l'autorité parentale aux deux grands-parents a été jugée valable alors que, le père étant sous curatelle et incapable de s'occuper de l'enfant au vu des rapports d'enquête sociale, la désignation des grands-parents comme délégataires était conforme à l'intérêt de l'enfant âgé de 8 ans qui rencontrait confort et sécurité auprès d'eux (CA Lyon 1er mars 1994 JurisData 1994-049670).

Les droits et devoirs que confère l'autorité parentale ont pour but la protection de l'enfant (garde, logement, déplacements, relations, correspondances, santé, personnalité) et son éducation (scolaire, professionnelle, religieuse, politique et morale). La justification de l'exercice de l'autorité parentale par une décision de justice est systématiquement demandée par les administrations et les organismes publics ou privés quand elle ne résulte pas de la filiation. En cas de délégation de l'autorité parentale, c'est le délégataire qui devient personnellement civilement responsable des dommages causés aux tiers par l'enfant.
Il est, en l'espèce, dans l'intérêt supérieur de l'enfant qu'il soit donné effet au choix de ses parents de déléguer l'autorité parentale aux deux époux [H] allier.

L'exercice de l'autorité parentale par deux délégataires constitue en effet pour l'enfant une sécurité matérielle indispensable dans sa vie quotidienne en cas d'indisponibilité d'un des époux délégataires par accident, maladie ou tout autre cas fortuit, dès lors qu'un hémisphère le séparera de sa mère, laquelle n'a pas les ressources pour assurer sa subsistance et son éducation. »

-alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article 377 alinéa 1 du code civil qui ne permet pas, en cas de délégation d'autorité parentale volontaire, une délégation à plusieurs délégataires;

-alors que l'intérêt supérieur de l'enfant ne saurait être invoqué à l'appui d'une interprétation contraire à un texte clair;

ll-B-l-d « Par un arrêt du 5 novembre 2008 (n° 07-20.868), la Cour de cassation, première chambre civile, a rejeté un pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 19 décembre 2006 au motif qu'après avoir relevé d'abord l'absence de toute contrainte ou manoeuvre des époux [U]... pour inciter la mère de naissance de [E], Mme [K] .. , à l'abandonner ou pour obtenir son consentement, ensuite l'absence de dissimulation ou de tromperie quant à la sincérité du but de l'adoption, à la situation de l'enfant ou à celle de la mère, enfin que la prise en charge de l'enfant dans le cadre de la délégation d'autorité parentale prononcée par le tribunal de Papeete ne caractérisait pas la fraude et que l'absence de remise préalable effective de l'enfant aux services polynésiens d'aide sociale à l'enfance compétents ne pouvait être imputée aux époux X .. , c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a décidé qu'il n'y avait eu ni fraude, ni dol de la part des adoptants, condition nécessaire, aux termes de l'article 353-2 du code civil, pour ouvrir la tierce opposition. »

-alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel donne à l'arrêt de la cour de cassation une portée non transposable à l'espèce dès lors que l'article 353-2 du code civil, appliqué par la haute juridiction, concerne exclusivement la recevabilité de la tierce opposition à l'encontre d'un jugement d'adoption;

-alors qu'en statuant ainsi, en se référant à un arrêt sans constater l'analogie des situations ni en préciser les motifs, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision.

ll-B-2-aux motifs que :

« L'enquête de gendarmerie ne révèle pas de contrepartie financière ou matérielle. Les déclarations ne mentionnent que le paiement des frais de clinique par les délégataires. »

-alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est contredite dans sa motivation;

ll-B-3-aux motifs que :

ll-B-3-a
"Les vérifications faites par le juge résultent de l'audition de la mère et des délégataires et d'une enquête de gendarmerie demandée par le procureur de la République.
Le juge aux affaires familiales a ordonné une enquête sociale confiée à la DSFE. Le rapport n'a pas été déposé.
L'affaire a été instruite et jugée pendant la période d'urgence sanitaire en raison de la pandémie de covid-19.
Il résulte de l'enquête de gendarmerie que :
[W] [Z] était âgée de 43 ans. Elle a eu trois autres enfants de pères différents. Elle est sans profession. Elle vit avec son mari [X] [J] et leur enfant âgé de 12 ans. Le couple est en instance de divorce ; chacun vit séparément dans une partie de la maison. [T] [Z] est issue d'une relation hors mariage selon la mère, et son mari n'est pas au courant. Elle s'est rendue compte de sa grossesse à cinq mois et demi. «J'ai de suite pensé à l'adoption car ni moi ni mon mari n'avons d'emploi».

et que :

« il résulte de la procédure que la requête aux fins de délégation volontaire de l'autorité parentale repose sur un ensemble précis et concordant de circonstances qui exigent une telle mesure :

Il n'existe pas de couple parental. La mère et son mari sont en instance de divorce. mari ignorait sa grossesse. Il a fait l'objet d'une composition pénale en 2019 pour menaces de mort sur elle. Le couple ne travaille pas. Le père supposé ne reconnaît pas sa paternité.

En l'absence de tout projet de vie auprès de sa mère, l'enfant est exposé, dès sa naissance, au risque de devenir un enfant qui ne pourra trouver sa place, que ce soit matériellement, affectivement ou pour assurer sa protection, sa santé et son éducation, ni auprès de ses parents, ni dans la famille ou l'entourage proche de ceux-ci en Polynésie française.

Aucun élément n'a été trouvé en faveur d'une solution intrafamiliale ou de proximité. Missionnée pour réaliser une enquête sociale, la DSFE n 'a pas répondu. »

-alors qu'en statuant ainsi, la décision de la cour d'appel a manqué de base légale, sa décision ne saurait se fonder, dans le domaine particulier de la délégation d'autorité parentale volontaire, sur la précarité matérielle et financière de la mère, étrangère aux circonstances exigées par l'article 377 alinéa 1 du code civil ;
-alors qu'en statuant ainsi, dans le domaine particulier de la délégation d'autorité parentale volontaire, la cour a insuffisamment motivé sa décision qui ne saurait se fonder sur une supposée absence de projet de parentalité d'un enfant à peine né;
-alors qu'en statuant ainsi, aucun service social n'ayant été saisi pour tenter de résoudre les difficultés de la mère ou lui proposer au contraire une procédure d'adoption, la cour a insuffisamment motivé sa décision.

ll-B-3 -b « Sur le consentement des parents à la délégation et sur le choix du délégataire :

La décision des parents de déléguer l'autorité parentale et leur choix du délégataire doivent être appréciés au regard des circonstances qui exigent une telle mesure. Il n'est pas indispensable que la relation entre eux ait été longue pour que s'établissent une proximité et un rapport de confiance. »

et que:

"Les évaluations faites pour l'agrément des époux [H] allier en vue d'adopter corroborent que ceux-ci sont des personnes dignes de confiance en ce qui concerne l'exercice d'une autorité parentale déléguée.

En définitive, la relation entre la mère et les délégataires s'est déroulée dans la continuité du projet conçu par la mère d'un accueil de l'enfant à naître par un couple qui lui offrirait des moyens de se développer meilleurs que dans sa famille biologique, laquelle est non seulement en situation de précarité, mais aussi non préparée à lui offrir une place. C'est ce projet partagé et conforté lors de la relation avec les époux [H] [B] qui a créé une proximité, sans qu'il soit en rien établi que la relation ait été fondée sur un consentement vicié ou sur une fraude ou sur une gestation pour autrui, les délégataires n'ayant été connus de la mère que peu avant l'accouchement.

Cette relation s'est déroulée en toute transparence. Aucun élément ne permet de retenir une intention de tromper le juge aux affaires familiales.

Aucun autre proche digne de confiance n'a été proposé pour accueillir l'enfant. L'enquête de gendarmerie n'a pas fait apparaître d'intervention des services sociaux dans ce foyer.

il est ainsi suffisamment établi que le consentement de la mère n'a pas été vicié ou entaché de fraude, et que son choix des délégataires s'est porté sur des proches dignes de confiance.»

- alors qu'en statuant ainsi, le consentement des parents à la délégation devant s'étudier distinctement du choix du délégataire dont il ne peut découler, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;
-alors qu'en statuant ainsi, le consentement libre et éclairé des parents devant s'étudier au jour de la signature de la requête, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;
-alors qu'en statuant ainsi, le consentement libre et éclairé des parents ne pouvant se déduire de la seule absence de vice ou de fraude constaté ou d'intention de tromper le juge, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;
-alors qu'en ne statuant pas sur les circonstances de la remise de l'enfant et de la signature de la requête, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;
-alors qu'en statuant ainsi, en considérant que le consentement à la délégation d'autorité parentale volontaire est plein et entier sans prendre en compte les pressions de l'environnement des délégataires et par la rencontre et la parole donnée aux délégants venus de loin, par leur prise en charge des frais de clinique, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;
-alors qu'en statuant ainsi, la qualité de proche digne de confiance d'un délégataire devant se constater au moment de la remise de l'enfant et de la requête, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;
-alors qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que les délégataires n'étaient connus que depuis quelques semaines, et en les qualifiants de proches au sens de l'article 377 alinéa 1 du code civil, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations;
-alors qu'en statuant ainsi, le caractère digne de confiance d'un délégataire devant s'apprécier par le juge également sur sa capacité à respecter tant les fonctions parentales des parents, que le maintien du lien entre l'enfant et ses parents et la nature par définition réversible de la délégation d'autorité parentale, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision.

II-B-3 -c« Sur le contenu de la délégation :
Le jugement doit être confirmé quant à la délégation de la totalité de l'autorité parentale, et ce pour les mêmes motifs que ceux qui conduisent à valider la délégation de l'autorité parentale faite aux deux époux [H] [B], dans l'intérêt supérieur de l'enfant compte tenu des circonstances de l'espèce : à savoir l'impératif de garantir la sécurité de l'enfant dans sa vie quotidienne et son éducation, y compris en cas d'empêchement de l'un ou l'autre délégataire, alors que la mère est très éloignée et ne peut assumer cette charge.

D'autre part, les parents peuvent demander, en cas de rupture ou d'altération des liens avec l'enfant, l'application des dispositions de l'article 3 du code civil : la délégation pourra, dans tous les cas, prendre fin ou être transférée par un nouveau jugement, s'il est justifié de circonstances nouvelles. Le droit de consentir à l'adoption n'est jamais délégué (art. 377-3).

Le jugement dont appel a exactement en droit et justement en fait constaté que les conditions légales de l'article 377 du code civil et les conditions procédurales du code de procédure civile de la Polynésie française sont remplies, et retenu que la délégation de l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant [T] [P] [N] [C] [Z], née le 28 février 2020 à [Localité 5], aux époux [I] [H] et [Y] [B] répond pleinement à l'intérêt supérieur de l'enfant.

Il sera par conséquent confirmé.»

-alors qu'en statuant ainsi, par un raisonnement in abstracto qui imposerait une délégation totale dès lors que la mère serait éloignée, sans avoir tiré les conséquences de la volonté de la mère de maintenir des liens, droits de visite, de correspondance ou autres, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;
-alors qu'en statuant ainsi, en considérant que l'existence d'une procédure de rétractation judiciaire, suppléait à l'absence de prise en compte de la volonté de la mère et de ses modalités dans délimitation de la délégation d'autorité parentale, la cour d'appel a outrepassé ses droits et n'a pas suffisamment motivé sa décision;
-alors qu'en statuant ainsi, sans examiner si les droits de l'enfant tels que définis par les conventions internationales étaient respectés, et notamment les articles 7, 8, 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20.11.1989, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision.

ll-C-Le ministère public fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir « débouté de sa fin de non-recevoir », argumentant que :

« Pour les motifs qui seront exposés plus loin, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête pour contrevenir à la règle de l'unicité du délégataire de l'autorité parentale doit être rejetée »
-alors qu'en déclarant la requête recevable, la cour d'appel a violé l'article 377 alinéa 1 du code civil, la délégation d'autorité parentale ne pouvant être déposée que par les seuls parents délégants.
-alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 377 alinéa 1 du code civil, le ministère public n'ayant pas invoqué le principe de l'unicité du délégataire pour le dépôt requête dès lors qu'aucun délégataire ne peut demander une délégation d'autorité parentale volontaire.
Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 21-50050
Date de la décision : 21/09/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 27 mai 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 sep. 2022, pourvoi n°21-50050


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.50050
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award