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21/09/2022 | FRANCE | N°21-50049

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 21 septembre 2022, 21-50049


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 745 F-D

Pourvoi n° K 21-50.049

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

Le procureur général près la cour d'appel de Papeete, domici

lié en son parquet général, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-50.049 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Papeete (c...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 745 F-D

Pourvoi n° K 21-50.049

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

Le procureur général près la cour d'appel de Papeete, domicilié en son parquet général, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-50.049 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [X] [F], ayant été domicilié [Adresse 6],

2°/ à M. [L] [H],

3°/ à Mme [S] [M],

domiciliés tous deux [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les huit moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié et les plaidoiries orales de Me Molinié, avocat de M. [F], de M. [H] et de Mme [M], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 10 juin 2021), [E] [M] est née le 19 novembre 2020, à [Localité 3], de l'union de Mme [M] et de M. [H].
2. Le 27 novembre 2020, ceux-ci ont saisi un juge aux affaires familiales d'une demande de délégation de l'exercice de l'autorité parentale sur leur enfant au profit de M. [F].

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, sur les deuxième à quatrième moyens, sur le cinquième moyen, pris en ses première à septième branches et neuvième branche, sur les sixième à huitième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, les deuxième à quatrième moyens, le cinquième moyen, pris en ses première, deuxième, cinquième à septième et neuvième branches, les sixième et septième moyens, qui sont irrecevables et sur le cinquième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et huitième moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le procureur général près la cour d'appel de Papeete fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de délégation d'autorité parentale, alors « qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a enfreint la prohibition d'ordre public de la gestation pour autrui spécifiée aux articles 16-7 et 16-9 du code civil. »
Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 16-7 du code civil, les conventions portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui sont nulles.

6. Ces dispositions reposent sur les principes d'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, qui interdisent, sauf exceptions prévues par la loi, de conclure une convention portant sur un élément du corps humain ou de disposer librement de sa qualité de père ou de mère.

7. Il en résulte que le projet d'une mesure de délégation d'autorité parentale, par les parents d'un enfant à naître, au bénéfice de tiers souhaitant le prendre en charge à sa naissance, n'entre pas dans le champ des conventions prohibées par l'article 16-7 du code civil.

8. En effet, il n'existe pas d'atteinte aux principes de l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, dès lors, d'une part, que l'enfant n'a pas été conçu en vue de satisfaire la demande des candidats à la délégation, d'autre part, que la mesure de délégation, qui n'est qu'un mode d'organisation de l'exercice de l'autorité parentale, est ordonnée sous le contrôle du juge, est révocable et est, en elle-même, sans incidence sur la filiation de l'enfant.

9. La cour d'appel a constaté que la mesure de délégation d'autorité parentale avec prise de contact d'une famille en métropole n'avait été envisagée par les parents de l'enfant qu'au cours de la grossesse.

10. Elle en a exactement déduit que la mesure sollicitée ne consacrait pas, entre les délégants et le délégataire, une relation fondée sur une convention de gestation pour autrui.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le cinquième moyen, pris en sa huitième branche

Enoncé du moyen

12. Le procureur général près la cour d'appel de Papeete fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en statuant ainsi, et en les qualifiants de proches au sens de l'article 377, alinéa 1er du code civil, après avoir constaté que le délégataire, M. [F] n'était connu que des délégants que depuis quelques semaines la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations. »

Réponse de la Cour

13. Aux termes de l'article 377, alinéa 1er, du code civil, les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de l'autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance,

établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance.

14. Si ces dispositions ouvrent la possibilité de désigner comme délégataire une personne physique qui ne soit pas membre de la famille, c'est à la condition que celle-ci soit un proche digne de confiance.

15. Ne saurait être considérée comme un proche, au sens du texte précité, une personne dépourvue de lien avec les délégants et rencontrée dans le seul objectif de prendre en charge l'enfant en vue de son adoption ultérieure.

16. Au demeurant, une telle désignation ne serait pas conforme à la coutume polynésienne de la Fa'a'mu, qui permet d'organiser une mesure de délégation de l'autorité parentale dès lors qu'elle intervient au sein d'un cercle familial élargi ou au bénéfice de personnes connues des délégants.

17. En conséquence, c'est en méconnaissance du texte susvisé que la cour d'appel, après avoir constaté que Mme [M] et de M. [H] étaient entrés en relation avec M. [F] à la suite de recherches d'une famille adoptante en métropole, a accueilli la demande en délégation de l'exercice de l'autorité parentale.

18. Cependant, si une jurisprudence nouvelle s'applique de plein droit à tout ce qui a été réalisé antérieurement à celle-ci et, le cas échéant, sur la base et sur la foi d'une jurisprudence ancienne, la mise en oeuvre de ce principe peut affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, de sorte que, en ces circonstances, le juge doit procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste.

19. En l'occurrence, il doit être relevé, en premier lieu, que l'utilisation de la procédure de délégation d'autorité parentale s'inscrit dans un contexte de carence du pourvoir réglementaire. En effet, si les articles L. 224-1 à L. 225-7 du code de l'action sociale et des familles, relatif aux pupilles de l'Etat et à leur adoption, sont applicables en Polynésie française, selon les adaptations qui y sont prévues aux articles L. 562-1 à L. 562-5, les dispositions réglementaires d'application de l'article L. 224-2 du même code, relatif à la composition et aux règles de fonctionnement des conseils de famille institués en Polynésie française, ne sont toujours pas adoptées à ce jour, créant de ce fait une incertitude juridique sur les modalités d'adoption d'un enfant âgé de moins de deux ans sur ce territoire.

20. En deuxième lieu, il doit être rappelé que, dans ce contexte de vide réglementaire imputable à l'Etat, les autorités locales ont aménagé le code de procédure civile applicable en Polynésie française, en prévoyant, pour les enfants dont la filiation est établie mais dont les parents souhaitent dès leur naissance mettre en oeuvre un projet d'adoption, une mesure préalable de délégation d'autorité parentale. De manière spécifique, l'article 555, alinéa 3, de ce code, édicte ainsi que la requête en délégation d'autorité parentale doit être accompagnée, lorsque les délégataires ne résident pas en Polynésie française, de l'enquête sociale et de l'avis motivé émanant de l'organisme habilité à le faire suivant la loi de leur domicile ou résidence habituelle.

21. En troisième lieu, il doit être souligné que la délégation aux fins d'adoption a été admise sur ce territoire par une jurisprudence trentenaire de la cour d'appel de Papeete, jusqu'à présent jamais remise en cause.

22. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à la date de la naissance de l'enfant, les parents légaux, comme le couple candidat à la délégation, se sont engagés dans un processus de délégation d'autorité parentale en vue d'une adoption, qu'ils pouvaient, de bonne foi, considérer comme étant conforme au droit positif.

23. Dans ces conditions, il apparaît que l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle sanctionnant un tel processus porterait une atteinte disproportionnée aux impératifs de sécurité juridique et de confiance légitime.

24. En outre, de manière concrète, la remise en cause des situations existantes serait de nature à affecter de manière irrémédiable les liens qui se sont tissés ab initio entre l'enfant et les délégataires. En effet, la fin de la mesure de délégation d'autorité parentale, en supprimant tout lien juridique entre eux, peut conduire à une rupture définitive des relations de l'enfant avec ceux qui l'élèvent depuis sa naissance, dans un contexte où le projet a été construit en accord avec les parents légaux et où ceux-ci conservent la faculté de solliciter la révocation de la mesure, si tel est l'intérêt de l'enfant.

25. Dès lors, l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle porterait également une atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur de l'enfant, garanti par l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant, ainsi qu'au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes concernées, garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

26. Ces circonstances exceptionnelles justifient par conséquent de déroger à l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle aux situations des enfants pour lesquels une instance est en cours.

27. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'accueillir le moyen.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par le procureur général près la cour d'appel de Papeete

MOYENS A L'APPUI DU POURVOI

Le ministère public fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'autorité parentale sur l'enfant [E] [K] [W] [I] [H] [M] née le 19 novembre 2020 à Papeete sera désormais exercée par [X] [F] né le 14 juillet 1985 à Abbeville

II-A-_Aux motifs que :

ll-A-l « En droit interne, lorsque, comme en l'espèce, la filiation de l'enfant a été établie, et que les parents n'ont pas perdu le droit d'exercer l'autorité parentale, l'enfant peut être élevé par d'autres personnes que ses parents biologiques si ces derniers ont délégué l'autorité parentale, ou s'ils ont consenti à une adoption et que celle-ci peut être prononcée.

Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance (C civ., art. 377-1).

La requête doit être accompagnée, lorsque les délégataires ne résident pas en Polynésie française, de l'enquête sociale et de l'avis motivé émanant de l'organisme habilité à le faire suivant la loi de leur domicile ou résidence habituelle (C.P.C.P.F, art. 555).
Le juge aux affaires familiales fait procéder, s'il l'estime utile, à toutes mesures d'informations complémentaires et notamment celles qui sont prévues à l'article 541, il peut à cet effet commettre le juge des enfants. Lorsqu'une procédure d'assistance éducative a été diligentée à l'égard d'un ou plusieurs enfants, le dossier en est communiqué au juge aux affaires familiales (art. 556). Pour le cours de l'instance, le juge aux affaires familiales peut ordonner toute mesure provisoire relative à l'exercice de l'autorité parentale (art. 557). Le juge aux affaires familiales entend les père, mère, tuteur, ainsi que l'association qui a recueilli l'enfant et toute personne dont l'audition lui paraît utile (art. 558).

Le droit de consentir à l'adoption du mineur n'est jamais délégué (C. civ., art. 377-3).

L'adoption n'est permise qu'en faveur des enfants âgés de moins de quinze ans, accueillis au foyer du ou des adoptants depuis au moins six mois (C civ., art. 345).
Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux (art. 346).

Peuvent être adoptés (art. 347) :
1° Les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l'adoption ;
2° Les pupilles l'État ;
3° Les enfants déclarés abandonnés dans les conditions prévues aux articles 381-1 et 381-2.
Lorsque les père et mère ou le conseil de famille consentent à l'adoption de l'enfant en le remettant au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un organisme autorisé pour l'adoption, le choix de l'adoptant est laissé au tuteur avec l'accord du conseil de famille des pupilles de l'État ou du conseil de famille de la tutelle organisée à l'initiative de l'organisme autorisé pour l'adoption (art. 348-4).

Sauf le cas où il existe un lien de parenté ou d'alliance jusqu'au sixième degré inclus entre l'adoptant et l'adopté, le consentement à l'adoption des enfants de moins de deux ans n'est valable que si l'enfant a effectivement remis au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un organisme autorisé pour l'adoption (art. 348-5).
Le placement en vue de l'adoption est réalisé par la remise effective aux futurs adoptants d'un enfant pour lequel il a été valablement et définitivement consenti à l'adoption, d'un pupille de l'État ou d'un enfant déclaré abandonné par décision judiciaire (art. 351).

Les enfants dont la filiation est établie, non orphelins et dont les parents n'ont pas été déchus de l'autorité parentale, peut être admis en qualité de pupille de l'État dans les cas suivants (CAS en vigueur en Polynésie française, art, L224-4) :
-avoir expressément été remis au service chargé de l'aide sociale à l'enfance en vue de leur admission comme pupilles de l'État par les personnes qui ont qualité pour consentir à leur adoption, depuis plus de deux mois ;
-avoir expressément été remis au service chargé de l'aide sociale à l'enfance depuis plus de six mois par leur père ou leur mère en vue de leur admission comme pupilles de l'État et dont l'autre parent n'a pas fait connaître au service, pendant ce délai, son intention d'en assumer la charge ; avant l'expiration de ce délai de six mois, le service s'emploie à connaître les intentions de l'autre parent ;
-avoir fait l'objet d'une déclaration judiciaire d'abandon.

A la différence de l'adoption, la délégation volontaire de l'autorité parentale ne porte pas atteinte à la filiation, à l'identité ou à la nationalité de l'enfant. il n'est pas séparé de ses parents contre leur gré dès lors que leur consentement a été libre et exempt de contrepartie ou de fraude. La mesure doit être prise dans l'intérêt supérieur de l'enfant compte tenu des circonstances qui la justifient.
Un auteur souligne que : «La délégation de l'autorité parentale par les parents d'un enfant de moins de deux ans, à une personne qui souhaite l'adopter, permet de contourner la règle de l'article 348-5 du code civil qui impose la remise de l'enfant de moins de deux ans à l'Aide sociale à l'enfance, et permet aux parents de choisir les futurs parents adoptifs de leur enfant qui, en attendant, vivra déjà auprès d'eux.

Une telle démarche n'est pas sans risque pour la personne qui recueille l'enfant, car le délégant peut revenir à tout moment sur la délégation, celle-ci ne faisant en outre pas obstacle à l'établissement de la filiation de l'enfant à l'égard de l'autre parent» (A. Gouttenoire, Répertoire Dalloz de droit civil Autorité parentale n° 368). »

et que: « D'autre part, en Polynésie française, peu de parents songent à remettre expressément leur enfant au service de l'aide à l'enfance en vue d'une admission comme pupille de l'État, et ce même lorsqu'ils bénéficient de l'accompagnement du service social. À leurs yeux, la remise de l'enfant à des tiers désireux à terme de l'adopter par une délégation volontaire de l'autorité parentale n'est pas un abandon. ils disent « donner », confier leur enfant. Ceux qui se sentent dans l'impossibilité de faire grandir leur enfant restent attachés à la possibilité de choisir ceux qui les substitueront. ils ont ainsi le sentiment de prendre la mesure la plus protectrice pour leur enfant qu'ils ne se sentent pas en capacité de faire grandir.

Ainsi la procédure de la délégation volontaire de l'autorité parentale fait-elle l'objet de dispositions particulières du code de procédure civile de la Polynésie française (art. 555ss). Conscient de ce que cette procédure y est utilisée pour prendre en charge des enfants de moins de deux ans en vue de leur adoption, le législateur polynésien l'a strictement encadrée en donnant au juge aux affaires familiales de larges pouvoirs d'information, qui sont effectivement exercés par les juridictions, et en subordonnant la délégation à la justification d'un agrément en vue de l'adoption pour les personnes non-résidentes en Polynésie française. »

et que : « Mais il ne résulte pas de l'ensemble des dispositions qui ont été rappelées que la délégation de l'autorité parentale sur un enfant âgé de moins de deux ans à une personne qui a formé le projet d'adopter celui-ci ultérieurement soit interdite par la loi ou par les traités.
Et il n'en résulte pas non plus qu'une telle pratique constitue nécessairement et par elle-même un détournement de procédure et une fraude à la loi. En effet, le contrôle exercé par le juge aux affaires familiales permet effectivement d'atteindre, dans le respect primordial de l'intérêt supérieur de l'enfant, l'objectif de prévenir les trafics portant sur des nouveau-nés. »

et que: Contrairement à l'adoption, la délégation de l'autorité parentale est révocable ou modifiable. Il n'existe donc pas inévitablement de détournement de procédure ou de fraude à la loi lorsqu'elle est réalisée dans la perspective d'une adoption. »

et enfin que :« La délégation volontaire de l'autorité parentale sur un enfant âgé de moins de deux ans à un tiers proche digne de confiance lorsque les circonstances l'exigent n'est pas illicite. Elle ne constitue pas, en soi, un détournement de procédure ou une fraude à la loi, même quand elle s'inscrit dans un projet d'adoption ultérieure de l'enfant. »

- alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a enfreint la prohibition d'ordre public de gestation pour autrui spécifiée aux articles 16-7 et 16-9 du Code civil

- alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 348-4 du code civil qui ne prévoit pas pour les parents biologiques la possibilité de choisir les adoptants, choix tout aussi impossible au terme de l'article 29 de la convention de la Haye régissant l'adoption internationale

- alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, alors même qu'elle sait que la procédure de délégation d'autorité parentale, utilisée dans un tel contexte, a pour principal objectif de confier définitivement cet enfant aux délégataires détourne la procédure de délégation d'autorité parentale de ses fins

ll- A- 2 « C'est le régime de la délégation de l'autorité parentale qui est appliqué par les juridictions françaises à l'institution de la kafala (recueil des enfants orphelins, abandonnés ou nés hors mariage) dans les pays de droit musulman qui ne connaissent pas l'adoption.

La jurisprudence de la cour d'appel de Papeete retient que le placement d'un enfant à l'aide sociale à l'enfance en vue d'une adoption n'est pas possible en Polynésie française en raison du caractère incomplet des textes, et que la délégation volontaire de l'autorité parentale par des parents polynésiens à des personnes agréées en métropole pour adopter est licite dès lors que les conditions légales sont remplies, et que le consentement de chacun des parents à la délégation est libre, éclairé et sans réserve (CA Papeete 6 mars 2014 RG n° 14/00042 -12 mai 2016 RG n° 16/00115).

En effet, si les dispositions du code de l'action sociale et des familles organisant la remise des enfants pupilles de l'État au service social (CAS, art. L224-1 à 9 et L225-1 à 7, art. L562-1 et 3) sont applicables en Polynésie française et qu'il existe des structures habilitées à accueillir les enfants et à recevoir le consentement des parents pour l'adoption, les dispositions permettant non seulement la mise en oeuvre du projet individualisé pour chacun des pupilles de l'État, mais également le consentement à l'adoption de ces enfants, demeurent inapplicables à défaut de texte réglementaire ayant fixé la composition et les règles de fonctionnement du conseil de famille.

De fait, le recueil de l'enfant par le service de l'aide à l'enfance n'est à l'heure actuelle pas organisé par la Direction de la Solidarité, de la Famille et de l'Égalité (DSFE), et la solution de remise de l'enfant demandée par le ministère public n'est pas effective. La DSFE diffuse une information qui indique aux candidats à l'adoption que la délégation volontaire de l'autorité parentale par les parents est le préalable à toute adoption. »

- alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donné une toute autre portée à la jurisprudence de la cour de cassation qui n'entend permettre le recours à la délégation d'autorité parentale que lorsque l'enfant est étranger et que l'adoption est interdite dans le pays d'origine de l'enfant.

- alors que le code civil applicable en la Polynésie française n'interdit pas l'adoption ;

- alors que la même cour d'appel prononce régulièrement des jugements d'adoption d'enfants par application du code civil;

-alors que l'absence d'arrêté organisant le conseil de famille ne fait pas obstacle à la possibilité d'adopter;

-alors que l'éventuelle mauvaise interprétation des textes par l'administration territoriale du service de l'aide à l'enfance ne fait pas obstacle à l'application de la loi par la cour d'appel;

II-A-3 « Par un arrêt du 5 novembre 2008 (n° 07-20.868), la Cour de cassation, première chambre civile, a rejeté un pourvoi formé contre un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 19 décembre 2006 au motif qu'après avoir relevé d'abord l'absence de toute contrainte ou manoeuvre des époux [C]... pour inciter la mère de naissance de [T], Mme [Z]..., à l'abandonner ou pour obtenir son consentement, ensuite l'absence de dissimulation ou de tromperie quant à la sincérité du but de l'adoption, à la situation de l'enfant ou à celle de la mère, enfin que la prise en charge de l'enfant dans le cadre de la délégation d'autorité parentale prononcée par le tribunal de Papeete ne caractérisait pas la fraude et que l'absence de remise préalable effective de l'enfant aux services polynésiens d'aide sociale à l'enfance compétents ne pouvait être imputée aux époux [C]..., c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a décidé qu'il n'y avait eu ni fraude, ni dol de la part des adoptants, condition nécessaire, aux termes de l'article 353-2 du code civil, pour ouvrir la tierce opposition.»

- alors qu'en statuant ainsi, la cour d'appel donne une portée à l'arrêt de la cour de cassation non transposable en l'espèce dès lors que l'article 353-2 du code civil, appliqué par la haute juridiction, concerne exclusivement la recevabilité de la tierce opposition à l'encontre d'un jugement d'adoption;

- alors qu'en statuant ainsi, en se référant à un arrêt sans constater l'analogie des situations ni en préciser les motifs, la cour d'appel de Papeete n'a pas motivé sa décision;

II-B - aux motifs que :

II-B-l « Le couple parental est très jeune et instable, sans moyens propres d'existence. Il est largement à la charge d'un entourage familial lui-même fluctuant. Des violences au sein du couple et l'addiction aux stupéfiants ont motivé une procédure d'assistance éducative. Une troisième grossesse n'a pas été anticipée et la mère aurait préféré un garçon.

En l'absence de tout projet de vie auprès de ses parents, l'enfant est exposé, dès sa naissance, au risque de devenir un enfant qui ne pourra trouver sa place, que ce soit matériellement, affectivement ou pour assurer sa protection, sa santé et son éducation, ni auprès de ses parents, ni dans la famille ou l'entourage proche de ceux-ci en Polynésie française. ».

et que : « La relation qui s'est nouée avec le délégataire se présente comme la construction d'un projet de vie pour l'enfant. Les parents ont exprimé leur volonté de faire grandir celui-ci auprès de [X] [F] après avoir constaté les qualités humaines et éducatives de celui-ci. »

- alors qu'en statuant ainsi, dans le domaine particulier de la délégation d'autorité parentale volontaire, le juge ne saurait fonder sa décision sur la précarité matérielle et financière des parents, étrangère aux circonstances exigées par l'article 377 aI 1 du Code Civil, la décision de la cour d'appel a manqué de base légale;

- alors qu'en statuant ainsi, dans le domaine particulier de la délégation d'autorité parentale volontaire, la cour a insuffisamment motivé sa décision qui ne saurait se fonder sur une supposée absence de projet de parentalité d'un enfant à peine né ;

- alors qu'en statuant ainsi, dans le domaine particulier de la délégation d'autorité parentale volontaire et faute de tirer les conséquences des motifs tenant au sexe de l'enfant, la cour a insuffisamment motivé sa décision.

ll-B-2- « Sur le consentement des parents à la délégation et sur le choix du délégataire

La décision des parents de déléguer l'autorité parentale et leur choix du délégataire doivent être appréciés au regard des circonstances qui exigent une telle mesure. Il n'est pas indispensable que la relation entre eux ait été longue pour que s'établissent une proximité et un rapport de confiance.

Devant la cour, il est clairement manifesté que le père comme la mère déclarent consentir à la délégation de l'autorité parentale à [X] [F], sans que l'homosexualité de celui-ci ou la circonstance que leur fille puisse être élevée au sein d'un couple masculin y fasse obstacle.

Les rapports de la DSFE, tant devant le juge des enfants que devant le juge aux affaires familiales, exposent que ce consentement a été réfléchi, notamment par le père, en pleine conscience de l'orientation sexuelle de [X] [F]. Une prise en charge des parents conjointe par le service de la protection de l'enfance et par la cellule adoption a été mise en oeuvre. La cour ne peut voir dans l'action sur mandat judiciaire de ces institutions, qui est précisément documentée et motivée, une entreprise de conditionnement des parents.

Aucun élément ne permet de retenir que la délégation de l'autorité parentale résulte d'une fraude ou que des contreparties matérielles en soient la cause.

La relation qui s'est nouée avec le délégataire se présente comme la construction d'un projet de vie pour l'enfant. Les parents ont exprimé leur volonté de faire grandir celui-ci auprès de [X] [F] après avoir constaté les qualités humaines et éducatives de celui-ci. Le rapport d'enquête sociale indique qu'un autre contact avec un couple métropolitain n'a pas eu de suite. C'est après mûre réflexion et en pleine connaissance de l'orientation sexuelle de M. [F] que le père a donné son consentement qu'il a expressément réitéré devant la cour au motif de la confiance qu'il lui accorde et de l'intérêt de l'enfant.

Les évaluations faites pour l'agrément de [X] [F] en vue d'adopter corroborent que celui-ci est une personne digne de confiance en ce qui concerne l'exercice d'une autorité parentale déléguée..

En définitive, la relation entre les parents et le délégataire s'est déroulée dans la continuité du projet conçu par les parents d'un accueil de l'enfant à naître par un futur adoptant qui lui offrirait des moyens de se développer meilleurs que dans sa famille biologique, laquelle n'est pas préparée à lui offrir une place en raison de son nombre d'enfants et de son instabilité. C'est ce projet partagé et conforté lors de la relation avec [X] [F] qui a créé une proximité, sans qu'il soit en rien établi que la relation ait été fondée sur un consentement vicié ou sur une fraude ou sur une gestation pour autrui, le délégataire n'ayant été connu des parents que pendant la grossesse et après leur décision de confier l'enfant à un tiers.

Cette relation s'est déroulée en toute transparence. Aucun élément ne permet de retenir une intention de tromper le juge aux affaires familiales.

Aucun autre proche digne de confiance n'a été proposé pour accueillir l'enfant. L'enquête sociale de la DSFE n'a pas fait d'autre proposition. Les entretiens réalisés dans ce cadre ont constitué un accompagnement des parents.

Il est ainsi suffisamment établi que le consentement des parents n'a pas été vicié ou entaché de fraude, et que leur choix du délégataire s'est porté sur un proche digne de confiance. »

et que: « À l'audience, du juge aux affaires familiales du 8 février 2021, les parents ont confirmé leur consentement à la délégation de l'autorité parentale. « Nous avons bien réfléchi. Avec les deux aînées et plus un troisième qui arrive c'est dur pour nous. »

Néanmoins, le père a exprimé son opposition à ce que [X] [F] se mette en couple avec un autre homme. »

et que: « Âgé de 23 ans, le père est le dernier d'une fratrie de 12 enfants. Il a été élevé en partie par une tante. Faute de soutien familial, il n'a pas poursuivi d'études après une première année de CAP. Il fait des jardins et vend des fruits.
Agée de 21 ans, la mère est la dernière d'une fratrie de trois enfants dont l'aînée a été fa'a'mu au sein de la famille. Elle a arrêté ses études en seconde du fait de sa grossesse. Elle est sans emploi.
Le couple s'est formé quand le père avait 18 ans et la mère 16 ans. Des conflits conjugaux ont abouti à des séparations. Le couple reste marqué par l'instabilité. Une mesure d'assistance éducative est exercée.
Le couple a vécu chez les parents de la mère puis chez la tante du père. Il n'a pas de logement fixe.
Après leurs deux aînées, la troisième grossesse n'a pas été attendue. Le projet d'adoption a été encouragé par l'entourage familial, notamment une soeur aînée de la mère qui a rencontré [X] [F] La mère a pensé à l'adoption parce qu'elle aurait voulu un garçon, parce que le couple est sans ressources et n 'a pas de conditions matérielles satisfaisantes, et parce que son compagnon ne la soutient pas au quotidien. Le père s'est d'abord opposé à l'adoption, puis a rejoint la mère et a confirmé ce projet pour la soutenir.
Le père a manifesté sa surprise quant à l'identité sexuelle de [X] [F], souhaitant se donner le temps de réfléchir avant de confirmer le projet d'adoption, tout en exprimant sa confiance.
Les parents se projettent dans une adoption simple.

[X] [F] a obtenu le 10 février 2020 du conseil départemental de la Somme un agrément pour l'accueil d'un enfant en vue de l'adoption. Il est directeur d'école et intermittent du spectacle comme mannequin. Ses parents et frère et soeur ont compris l'expression de son homosexualité, puis son projet d'adoption. Célibataire, il a eu deux expériences de vie en couple. Il est arrivé en Polynésie française en juillet 2020 après avoir pris une disponibilité, s'étant renseigné sur l'adoption auprès d'une association en métropole. Il a rencontré la soeur aînée de [S] [M] en septembre 2020. Il déclare avoir informé d'emblée les parents de son orientation sexuelle. Il a participé au suivi de grossesse en véhiculant la mère lors de ses examens. Il a rencontré la famille des parents à plusieurs reprises. Il a été invité par les parents à prendre l'enfant en charge à la clinique après l'accouchement, en recoupant le cordon ombilical. Il occupait une chambre individuelle avec le bébé. Il propose régulièrement aux parents de déjeuner ensemble et a des contacts réguliers par téléphone ou messagerie. Il envisage une adoption simple ou plénière. Il est hébergé avec l'enfant en appartement avec l'aide d'un réseau amical. Il est propriétaire d'une maison à [Localité 2]. »

- alors qu'en statuant ainsi, le consentement des parents à la délégation devant s'étudier distinctement du choix. du délégataire dont il ne peut découler, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;

- alors qu'en statuant ainsi, le consentement libre et éclairé des parents devant s'étudier au jour de la signature de la requête, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;

alors qu'en statuant ainsi, sans prendre en compte les réticences majeures du père et les demandes de restitution de l'enfant exprimées par les parents et refusées par M. [F], la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;

-alors qu'en statuant ainsi, en considérant que le consentement à la délégation d'autorité parentale volontaire est plein et entier sans prendre en compte les pressions exercées tant par M. [F] que par la famille biologique que par la DSFE, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;

- alors qu'en ne statuant pas sur les circonstances de la remise de l'enfant et de la signature de la requête, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;

- alors qu'en statuant ainsi, le consentement libre et éclairé des parents ne pouvant se déduire de la seule absence de vice ou de fraude constaté ou d'intention de tromper le juge, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;

- alors qu'en statuant ainsi, la qualité de proche digne de confiance d'un délégataire devant se constater au moment de la remise de l'enfant et de la requête, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;

- alors qu'en statuant ainsi, et en les qualifiant de proches au sens de l'article 377 aI 1 du Code civil, après avoir constaté que le délégataire M.[F] n'était connu des délégants que depuis quelques semaines la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations;

-alors qu'en statuant ainsi, le caractère digne de confiance d'un délégataire devant s'apprécier par le juge également sur sa capacité à respecter tant les fonctions parentales des parents, que le maintien du lien entre l'enfant et ses parents et la nature par définition réversible de la délégation d'autorité parentale, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision ;

ll-B-3

que « Les parents souhaitent le maintien des liens avec leur fils. Ils s'orientent vers une adoption simple. »

et que: « Les droits et devoirs que confère l'autorité parentale ont pour but la protection de l'enfant (garde, logement, déplacements, relations, correspondances, santé, personnalité) et son éducation (scolaire, professionnelle, religieuse, politique et morale). La justification de l'exercice de l'autorité parentale par une décision de justice est systématiquement demandée par les administrations et les organismes publics ou privés quand elle ne résulte pas de la filiation. En cas de délégation de l'autorité parentale, c'est le délégataire qui devient personnellement civilement responsable des dommages causés aux tiers par l'enfant.

Il est, en l'espèce, dans l'intérêt supérieur de l'enfant qu'il soit donné effet au choix de ses parents de déléguer la totalité de l'autorité parentale à [X] [F].

L'exercice complet de l'autorité parentale constitue en effet pour l'enfant une sécurité matérielle indispensable dans sa vie quotidienne, dès lors qu'un hémisphère le séparera de ses parents, lesquels n'ont pas les ressources ni la stabilité pour assurer sa subsistance et son éducation.

D'autre part, les parents peuvent demander, en cas de rupture ou d'altération des liens avec l'enfant, l'application des dispositions de l'article 377-2 du code civil : la délégation pourra, dans tous les cas, prendre fin ou être transférée par un nouveau jugement, s'il est justifié de circonstances nouvelles. Le droit de consentir à l'adoption n'est jamais délégué (art. 377-3).

D'autre part, les parents peuvent demander, en cas de rupture ou d'altération des liens avec l'enfant, l'application des dispositions de l'article 377-2 du code civil : la délégation pourra, dans tous les cas, prendre fin ou être transférée par un nouveau jugement, s'il est justifié de circonstances nouvelles. Le droit de consentir à l'adoption n'est jamais délégué (art. 377-3). Ces dispositions garantissent le maintien des liens avec les parents pendant la délégation et la liberté de leur consentement en cas d'adoption.»

- alors qu'en statuant ainsi, sans avoir tiré les conséquences de la volonté des parents de maintenir les liens avec l'enfant et notamment des droits de visite et de correspondance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations;

alors qu'en statuant ainsi, en justifiant par l'existence d'une procédure de rétractation judiciaire, l'absence de prise en compte de la volonté des parents et de ses modalités, la cour d'appel a outrepassé ses pouvoirs et n'a pas suffisamment motivé sa décision;

- alors qu'en statuant ainsi, sans examiner si les droits de l'enfant tels que définis par les conventions internationales et notamment les articles 7, 8, 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20.11.1989, étaient respectés la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision;

ll-BA aux motifs que :

« La cause a été débattue et plaidée en audience non publique du 8 avril 2021, devant M. RlPOLL, conseiller faisant fonction de président, Mme PINET-URlOT, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, »

et que:

« En application des dispositions de l'article 556 du code de procédure civile de la Polynésie française, la cour a eu connaissance du dossier de la procédure d'assistance éducative ouverte à l'égard des trois enfants de [H] [L] et [S] [M] : [H] [M] [R] [A] [G] [D] née le 16 novembre 2018 à [Localité 4] ; [H] [M] [U] née le 21 décembre 2019 à [Localité 4] ; [H] [M] [E] [K] [W] [I] née le 19 novembre 2020 à [Localité 3]. »

et que:

« Il résulte d'autre part de la procédure d'assistance éducative qu'une mesure de suivi en milieu ouvert prise le 13 mai 2020 à l'égard des deux aînées a été étendue à [E] [H] [M] par jugement du 1er mars 2021. Celle-ci a été placée auprès de la Direction de la solidarité, de la famille et de l'égalité jusqu 'au 31 décembre 2021. Les parents et [X] [F]ont un droit de visite évolutif dont les modalités seront fixées par le service social. L'ouverture de la procédure d'assistance éducative a été motivée par des violences conjugales et la consommation de stupéfiants au domicile par le père, et par l'immaturité de la mère alors enceinte une seconde fois. Les enfants ont été confiés à celle-ci à condition qu'elle réside chez ses parents. Le placement de [E] [H] [M] a fait suite à une demande du service éducatif du 12 février 2021 préconisant le placement de l'enfant auprès de [X] [F] à la suite de la demande de délégation de l'autorité parentale à ce dernier. Le juge des enfants n'a pas suivi cette proposition en raison du rejet de celle-ci faute de consentement des parents, de la non-finalisation d'un projet en vue d'une adoption simple ou plénière, et de la nécessité de rechercher également des solutions dans la famille élargie ou en institution. Les rapports du service social confirment les renseignements résultant de l'enquête sociale ordonnée par le juge aux affaires familiales. Le rapport du 12 février 2021 mentionne une prise en charge conjointe du couple par le service de protection de l'enfance et la cellule adoption. Il fait état d'un travail avec le père qui dit surmonter, dans l'intérêt de sa fille, ses questions quant à l'homosexualité de [X] [F]. Il résulte de la procédure que la requête aux fins de délégation volontaire de l'autorité parentale repose sur un ensemble précis et concordant de circonstances qui exigent une telle mesure »

- alors qu'en statuant ainsi, en prenant en compte des pièces communiquées ultérieurement au débat, sans l'accord du ministère public, ni réouverture des débats, ni même information des parties de la communication du dossier d'assistance éducative, la cour d'appel a violé les formes de procédure et notamment le principe du contradictoire repris par l'article 6 al 3 du code de procédure civile de Polynésie française qui énonce « le juge doit en toute circonstance faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction »;

Par ailleurs, le ministère public fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'arrêt sera notifié par les soins du ministère public au président du Conseil général du domicile habituel du délégataire conformément aux dispositions de l'article L. 227-1 du Code de l'action sociale et des familles

alors qu'en statuant ainsi, l'article 227-1 du code de l'action sociale et des familles n'étant pas applicable en Polynésie française, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 21-50049
Date de la décision : 21/09/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 10 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 21 sep. 2022, pourvoi n°21-50049


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.50049
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