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21/09/2022 | FRANCE | N°20-23485

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 septembre 2022, 20-23485


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 979 F-D

Pourvoi n° R 20-23.485

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

Mme [Y] [Z], domiciliée [

Adresse 2], [Localité 4], a formé le pourvoi n° R 20-23.485 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2020 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunio...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 979 F-D

Pourvoi n° R 20-23.485

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

Mme [Y] [Z], domiciliée [Adresse 2], [Localité 4], a formé le pourvoi n° R 20-23.485 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2020 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'association Île de La Réunion tourisme (IRT), dont le siège est [Adresse 6], [Localité 5],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3],

défendeurs à la cassation.

L'association Île de La Réunion tourisme a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de Me Carbonnier, avocat de Mme [Z], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Île de La Réunion tourisme, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 23 juin 2020), Mme [Z] a été engagée, le 20 août 2010, par l'association Île de La Réunion tourisme (IRT) en qualité de secrétaire générale. Elle a été promue directrice par interim à compter du 20 janvier 2014.

2. La salariée a été licenciée le 16 novembre 2015.

3. Elle a saisi la juridiction prud'homale, le 9 décembre 2016, afin de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Recevabilité du pourvoi incident de l'employeur contestée par la défense

4. La salariée soutient que l'employeur, ayant déposé un pourvoi principal à l'encontre de l'arrêt du 23 juin 2020 et s'en étant désisté le 25 novembre 2020, ce dont il lui a été donné acte par décision du 7 janvier 2021, le pourvoi incident qu'il entend former est irrecevable par application de l'article 621 du code de procédure civile.

5. Cependant, le pourvoi incident de l'employeur, formé le 23 juin 2021 dans les formes et délais prévus par l'article 1010 du code de procédure civile, postérieurement à la constatation par ordonnance du premier président de son désistement du pourvoi principal qu'il avait précédemment introduit, est recevable, par application des articles 1025 et 403 du code de procédure civile, dès lors que le pourvoi principal dirigé contre le même arrêt par une autre partie, Mme [Z], le 23 décembre 2020, est lui-même recevable.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal de la salariée et les deux moyens du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi que de sa demande en indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que Mme [Z] présentait un décompte précis des heures supplémentaires dont elle sollicitait le règlement, faisant valoir qu'elle travaillait 70 heures par semaine soit 5 145 heures supplémentaires du 10 janvier 2011 au 16 novembre 2015 ; qu'en la déboutant de sa demande en l'état d'une insuffisance probatoire, la cour d'appel a fait peser exclusivement la charge de la preuve sur la salariée et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

8. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

9. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

10. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

11. Pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que la privation d'effet de la clause de forfait-jours ne modifie en rien le régime probatoire applicable aux heures supplémentaires, la salariée devant étayer sa demande. Il énonce que la salariée affirme avoir travaillé soixante-dix heures par semaine du 10 janvier 2011 au 16 novembre 2015 (à compter de la clause de forfait-jours et jusqu'au licenciement), qu'elle liquide sa demande sur cette base sans tenir compte de la prescription triennale, qu'elle invoque le fait que l'employeur l'a soumise à une convention de forfait en jours sans le moindre contrôle, ce qui l'a empêchée « d'anticiper et de pointer » les heures travaillées. Il retient que l'argument est inopérant puisque la salariée n'avait pas à prouver la réalité des heures travaillées mais simplement à étayer sa demande. Il relève que la salariée ne sollicite ou ne fait référence à aucune heure supplémentaire pour la période antérieure à la mise en place du forfait, alors qu'il n'y avait eu aucun changement de fonction, étant rappelé que sa promotion au poste de directrice par intérim était intervenue le 20 janvier 2014, que les bulletins de paye qu'elle produit confirment l'absence d'heures supplémentaires pour la période antérieure à la mise en place du forfait, que, pour le reste, elle ne produit et ne se réfère à aucun élément de nature à étayer sa demande.

12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Déclare recevable le pourvoi incident de l'employeur ;

Rejette le pourvoi incident de l'employeur ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [Z] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi que de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 23 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée ;

Condamne l'association Île de La Réunion tourisme aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Île de La Réunion tourisme et la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour Mme [Z], demanderesse au pourvoi principal,

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Madame [Y] [Z] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires outre les congés payés y afférent, et de l'AVOIR en conséquence déboutée de sa demande en indemnité pour travail dissimulé,

ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Que Madame [Z] présentait un décompte précis des heures supplémentaires dont elle sollicitait le règlement, faisant valoir qu'elle travaillait 70 heures par semaine soit 5 145 heures supplémentaires du 10 janvier 2011 au 16 novembre 2015 (conclusions d'appel de Madame [Z], p. 21) ;

Qu'en la déboutant de sa demande en l'état d'une insuffisance probatoire, la cour d'appel a fait peser exclusivement la charge de la preuve sur la salariée et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Madame [Y] [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la somme de 77 000 euros l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et prononcé en violation de la protection de l'article L. 1552-2 du code du travail,

1°) ALORS QUE Madame [Z] sollicitait le versement de la somme de 156 512,88 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (conclusions de Madame [Z], p. 29) ; que l'employeur ne contestait pas le quantum de cette demande (conclusions de la société IRT, p. 13) ;

Qu'en décidant cependant de limiter l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame [Z] à la somme de 77 000 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la cour d'appel a elle-même relevé que le licenciement de Madame [Z] était non seulement dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais également décidé en violation des règles impératives de l'article L. 1152-2 du code du travail relatives à la lutte contre le harcèlement moral (arrêt, p. 8) ;

Qu'en décidant cependant de limiter son indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 77 000 euros correspondant approximativement à 8 mois de salaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1235-3-1 du code du travail ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice subi.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Madame [Y] [Z] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la somme de 15 000 euros l'indemnité réparant le préjudice distinct subi,

ALORS QUE Madame [Z] sollicitait le versement de la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice moral subi (conclusions de Madame [Z], p. 29) ; que l'employeur ne contestait pas le quantum de cette demande (conclusions de la société IRT, p. 13) ;

Qu'en décidant cependant de limiter l'indemnité réparant le préjudice distinct de Madame [Z] à la somme de 15 000 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.
Moyens produits par SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour l'association Île de La Réunion tourisme, demanderesse au pourvoi incident,

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit sans effet la clause de forfait jours et D'AVOIR condamné l'association Ile de la Réunion Tourisme à payer à Mme [Y] [Z] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence d'effet de la clause de forfait jours et de l'absence de contrôle du temps et de l'organisation du travail de la salariée ;

AUX MOTIFS QUE Madame [Z] demande que la clause contractuelle de forfait-jours soit privée d'effet, qu'il lui soit alloué la somme de 10.000 euros pourla nullité de celle-ci, celle de 52.170,96 euros pour l'indemnité de travail dissimulé, celle de 321.408,15 euros au titre des heures supplémentaires et celle de 32.140,81 euros pour les congés payés en découlant. Le contrat de travail, en ses dispositions résultant de l'article 3 de l'avenant du 10 janvier 2011, stipule un forfait-jours de 210 jours annuel sur I'année civile pouvant i'excéder la durée mensuelle légale du travail sans que cela ne donne lieu au paiementd'heures supp\émentaires". Il précise encore "en contrepartie, Mme [Z] bénéficiera d'un nombre annuel de JRTT dont les modalités de prises sont définies par les accords applicables à l'entreprise et dont le calcul est présenté chaque fin d'année pour I'année suivante". Madame [Z] cite l'article Xlll bis de la convention collective nationale des organismes de tourisme, dont I'applicabilité à I'entreprise n'est pas discutée, et qui prévoit la possibilité du forfait-jours pour les cadres volontaires avec un nombre inaximum de jours travaillés de 210. ll précise comme modalités de contrôle : - la tenue par l'employeur d'un document mensuelfaisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualificatiôn des jours de repos, ce récapitulatif devant être signé par le salarié, - le suivi mensuel par le supérieur hiérarchique de l'organisation et de la charge de travail, - un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique portant sur l'organisation et la charge de travail ainsi que sur l'amplitude des journées d'activité. Madame [Z] n'est pas fondée à invoquer l'absence de convention individuelle de forfait-jours dès lors que celle-ci est intégrée dans l'avenant précité qu'elle a signé. Elle invoque l'absence de suivi (mensuel et annuel). L'lRT ne conteste pas cette réalité mais en renvoie la responsabilité à la salariée en charge des ressources humaines et fait valoir qu'elle ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Ce faisant c'est omettre que les dispositions conventionnelles précitées s'imposent à l'employeur et que leur mise en oeuvre est à la charge du supérieur hiérarchique du salarié soit en l'espèce le directeur, pour la période où la salariée était secrétaire générale, et le président du conseil d'adminisiration, pour la période où Madame [Z] était directrice par intérim. A supposer que Madame [Z] n'ait pas mis-en.oeuvre les modalités de contrôle conventionndlles pour les salariés dont elle était supérieur hiérarchique, il n'en résultait qu'une faute pouvant faire l'objet d'une procédure disciplinaire, ce qui n'est pas le cas puisque le courrier de rupture qui fixe les limites du débat quant aux fautes pouvant justifier le licenciement n'en fait pas état. L'lRT ne s'étant pas prévalu de cette éventuelle faute, il ne peut plus l'invoquer. L'lRT invoque avoir assuré, par son président, le suivi mensuel.des jours travaillés et fait état d'entretiens mensuels au cours desquels étaient régulièrement évoquées la charge, les conditions de travail et la santé de la salariée. ll produit.pour en justifier le courriel de Monsieur [F], ancien président, adressé au directeur général le 28 août 2018 (pièce 21). Ce document n'est pas conforme aux formes prévues par l'article 202 du code de procédure civile et ne permet pas de s'assurer de l'identité de son auteur. Par ailleurs, il émane de l'auteur de la lettre de licenciement. Admettre la valeur probante de ce courrier reviendrait à permettre à l'IRT de se constituer une preuve à lui-même. Le même ancien président pourrait de la même façon attester de la réalité des fautes qu'il a lui-même retenues dans la lettre de licenciement. Ces deux motifs imposent de considérer ce courriel comme non probant. L'IRT n'invoque aucun autre élément quant à la mise en oeuvre des modalités de contrôle du forfait-jours et ne produit aucun récapitulatif mensuel signé de la salariée. ll en résulte que I'lRT ne justifie pas de la mise en oeuvre de ces modalités de contrôle. Madame [Z] est en conséquence fondée à invoquer les carences de I'employeur de ce chef. La conséquence juridique en découlant est que la convention de fodait jours est privée d'effet. Madame [Z] est alors autorisée à demander le paiement des heures supplémentaires réalisées. [?] La privation d'effet de la clause de forfait indépendamment du bien fondé ou non des demandes relatives aux heures supplémentaires, est de nature à justifier : une demande spécifique du préjudice en résultant dès lors que la salariée s'est trouvée de fait sans protection organisée de ses conditions de travail (temps de travail, déconnection). Il convient de rappeler que Madame [Z] est devenue directrice par intérim à compter du 20 janvier 2014 avec les contraintes en découlant. L'IRT étant une association, son pilotage relevait de sa directrice qui mettait en oeuvre les décisions et orientations du conseil d'administration et du bureau. Par ailleurs, l'effectif salarial de l'entreprise est supérieur à 50 personnes, selon la requête introductive, et sa mission essentielle consistait dans la mise en oeuvre et la satisfaction de la politique touristique de la Région Réunion, son donneur d'ordre. ll n'est pas contesté que la salariée participait aux "événements" locaux, métropolitains ou à l'étranger en vue de promouvoir la destination touristique de I'lle. L'IRT, qui conclut à la validité de la convention de forfait, ne conteste pas spécifiquement le bien fondé de cette demande et n'argumente pas sur l'absence de préjudice ainsi que sur la prise en compte de la compensation des missions extérieures ayant pu avoir une incidence sur le temps de travail de la salariée. ll est alors retenu que I'IRT n'a pas satisfait à ses obligations en matière de contrôle du temps et d'organisation du travail de la salariée. Le préjudice en résultant est fixé, compte tenu des éléments utilement débattus par les parties, à la somme de 5.000 euros. Le jugement est infirmé pour avoir rejeté la demande.

ALORS QU'en matière prud'homale la preuve est libre ; que rien ne s'oppose à ce que le juge prud'homal examine une attestation établie par une personne ayant représenté l'employeur lors de la procédure de licenciement et qu'il appartient seulement à ce juge d'en apprécier souverainement la valeur et la portée ; qu'en l'espèce, en refusant, pour statuer sur la validité de la clause contractuelle de forfait jours, de prendre en compte le courriel de M. [F], ancien président, adressé au directeur général le 28 août 2018, aux motifs qu'il émane de l'auteur de la lettre de licenciement, qu'admettre la valeur probante de ce courrier reviendrait à permettre à l'IRT de se constituer une preuve à lui-même, que le même ancien président pourrait de la même façon attester de la réalité des fautes qu'il a lui-même retenues dans la lettre de licenciement, et que ces deux motifs imposent de considérer ce courriel comme non probant (cf. arrêt attaqué p. 3), la cour d'appel a violé les articles 201 et 202 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et prononcé en violation de la protection de I'article L. 1552-2 du code du travail, D'AVOIR condamné l'association lle de la Réunion Tourisme à payer à Mme [Z] les sommes de 77.000 euros pour l'indemnité de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 26.085,48 euros pour l'indemnité compensatrice de préavis, 2.608,54 pour les congés payés en découlant, 6.521,37 euros pour le salaire de la mise à pied conservatoire, 652,13 euros pour les congés payés en découlant, 9.274,82 euros pour I'indemnité conventionnelle de licenciement, et 15.000 euros en réparation du préjudice distinct, et D'AVOIR condamné l'association lle de la Réunion Tourisme à rembourser au Pôle Emploi les sommes versées à Mme [Z] au titre de I'assurance chômage dans la limite de six mois d'indemnités ;

AUX MOTIFS QUE Madame [Z] conteste le bien fondé des motifs du licenciement et invoque le fait que son véritable motif est consécutif à son courrier du 23 septembre 2015 par lequel elle a dénoncé les risques psychosociaux résultant du comportement du président. Elle invoque de ce chef la protection du lanceur d'alerte. Le bien fondé de ce moyen est nécessairement préalable à I'examen des motifs du licenciement. ll convient de rappeler que la protection de I'article L. 1152-2 du code du travail interdit notamment toute sanction à l'encontre d'un salarié ayant dénoncé une situation de harcèlement moral sauf I'hypothèse de mauvaise foi de celui-ci. En l'espèce, celle-ci n'est pas invoquée. ll convient donc d'examiner les termes du courrier précité afin de déterminer s'ils constituent une dénonciation de harcèlement moral et, dans un second temps, si la sanction prononcée à I'encontre de Madame [Z] est susceptible d'en être la conséquence et ce indépendamment des termes du courrier de rupture qui n'expriment pas nécessairement le véritable motif de la sanction. Si le moyen de la salariée est limité à 8 lignes sur 31 pages de conclusions, la cour a l'obligation, s'agissant d'une protection d'ordre public, de rechercher, comme elle y est invitée, les éléments de nature à le justifier, le fait que l'IRT n'ait pas estimé utile de répondre au moyen demeurant indifférent de ce chef. Par son courrier du 23 septembre 2013 adressé au président de I'IRT, Madame [Z] a demandé une "enquête du CHSCT pour mesure d'urgence - situation de RPS au sein de l'lRT'. Elle fait état d'une situation dégradée persistante malgré une alerte de la médecine du travail et des mesures prises par elle-même, comme directrice et présidente du CHSCT. Elle fait état d'un emportement présidentiel de la veille lors d'une réunion avec la responsable du pôle marketing et communication, Madame [M], ainsi qu'un autre la semaine précédente toujours avec le même service et devant la médecine du travail et le cabinet [J], les membres du CHSCT, le délégué syndical et la responsable des ressources humaines. Ces débordements, dans un contexte où le président souhaite "dégager [O]", soit Madame [O] [M] (pièce 7, courriel du 22 septembre 2015 de la salariée au président), relèvent bien de la dénonciation d'un possible harcèlement moral envers cette dernière. Madame [Z] fait ensuite état de sa situation personnelle caractérisée par des mesures vexatoires (retrait de signature, exclusion dg prise de décision, dossiers qérés directement avèc les équipes sans en être informée), l'indisponibilité constante du président à son égard, le discours agressif et les propos diffamatoires de ce dernier. Les faits ainsi énoncés relèvent d'un harcèlement moral. La salariée a demandé in fine une enquête du CHSCT, la cessation par I'employeur des agissements dénoncés porlant atteinte à sa dignité personnelle et professionnelle ainsi qu'à celle de son équipe. Le courrier de Madame [Z] a alors valeur de dénonciation de situations de harcèlement moral. La salariée bénéficie en conséquence de la protection de I'article L. 1152-2 déjà cité, pour autant que le licenciement soit consécutif à la dénonciation. Cela suppose en pratique que les fautes retenues par le courrier de rupture soient non avérées ou artificielles et invoquées pour éluder le véritable motif du licenciement tel qu'invoqué par la salariée. Madame [Z] a été en arrêt de travail pour raison médicale du 23 au 25 septembre puis du 28 septembre jusqu'au 31 octobre 2015. La convocation à l'entretien préalable est du 26 octobre 2015. Les fautes retenues par le courrier de rupture sont antérieures au courrier de dénonciation du 23 septembre 2015 et à l'arrêt de travail du même jour. La première faute reprochée à la salariée concerne le non-renouvellement d'un financement [H] arrivant à échéance en octobre 2015. Par un courrier du 16 octobre 2015, le président a demandé au banquier concerné la prorogation des échéances au 08 octobre 2015 au mois de mars 2016 et pour le prochain renouvellement du plafond un délai plus long de 18 mois comme envisagé par un courriel de la banque du 18 aout 2014. ll n'en résulte pas une véritable demande de renouvellement de la convention de financement confortant le grief. Par ailleurs, Madame [Z] conteste la légitimité du motif en I'absence de "preuve de la validation de ta convention de fiiancemenf' de la Région Réunion non parvenue. L'IRT ne répond pas à ce moyen opposant et le courriel précité du président n'en fait nullment ètat. Ce premier grief ne peut être retenu les manquements n'étant pas établis. La deuxième faute concerne le financement FEDER excluant certaines dépenses réalisées hors procédure de mise en concurrence avec un impact négatif de quelques 2.400.000 euros dans les comptes de l'association. L'lRT expose l'historique de la problématique soulevée reiative à des dépenses des exercices 2013 et 2014 et précise en page 7 de ses conclusions "Monsieur [F], le Président, sera contraint de reprendre les choses en main en demandant aux services de faire le nécessaire (Pièce 11)" . Cette pièce est un courrier de l'IRT du 04 juin 2015 adressé par le président à la Région Réunion. Curieusement, l'IRT ne fait pas état dans ses conclusions de sa pièce 9 qui est un courrier de sa directrice du service administratif et financier du 24 juin 2015 relatif à la liquidation du solde de la subvention FEDER 2013. Il en résulte que l'IRT avait déjà connaissance de cette problématique en février 2015. S'agissant de dépenses non éligibles pour l'essentiel en l'absence de mise en concurrence, la suite était connue d'avance et la note du pôle liquidation de la Région Réunion du 14 octobre 2015 (pièce 12), qui maintient l'inéligibilité des dépenses concernées à l'exception du marché Forwardkeys pour 77 .454,12 euros (sur un total de 1.006.858,40 euros), ne peut être considérée comme ayant révélé cette problématique. Il convient de préciser que l'IRT vise sa pièce 7 dans son argumentaire relatif au FEDER alors que celle-ci concerne la convention [H] dont il a déjà été fait état. Pour les fonds FEDER 2014, la Région Réunion a demandé à I'IRT notamment la transmission "des documents nécessaires à l'instruction" dont les actes relatifs aux marchés par son courrier du 19 mai 2015 (pièce 10) qui précise que lors de la réunion technique du 11 février 2015 ont été expliqués "les enjeux et les modalités réglementaires du nouveau Programme Opérationnel FEDER" pour lequel la collectivité est l'autorité de gestion, "cette responsabilité nouvelle nous conduit à être d'autant plus exigeant dans le traitement des demandes de subventions FEDER". L'IRT y a répondu par un courrier du 04 juin 2015 sous la signature du président ou du service administratif et financier (pièce 11). Mais ce courrier ne concerne que le budget FEDER 2015 non visé par le courrier de rupture. Si l'IRT estime que les fautes de Madame [Z] sont soulevées par la Région dans son courrier du 19 mai, il en résulte qu'il en avait connaissance à réception. Pour le reste, l'IRT ne produit pas de pièce relative aux fonds FEDER 2014 si ce n'est le courrier de Madame [Z] du 14 septembre 2015 à la Région (pièce 13) mais qui concerne la faute suivante (marché Promopress). Il en résulte que I'affirmation de la lettre de licenciement relative à un montant de 1.500.000 euros de dépenses non éligibles pour le FEDER 2014 n'est nullement établie. Dès lors, les fautes invoquées relatives aux fonds FEDER 2013 et 2014 ne sont donc pas à retenir à l'encontre de la salariée. La troisième faute invoquée concerne le marché Promopress pour lequel le courrier de rupture relève "de graves irrégularités dans la passation du marché", l'IRT produisant le courrier de Madame [Z] du 14 septembre 2015 (pièce 13) qu'il considère inapproprié, sans expliciter ce caractère. Par ailleurs, le courrier de la salariée permet de retenirque le marché Promopress concernait les fonds FEDER 2014 et qu'il portait "sur des prestations d'achat d'espace et conseil en achat d'espaces sur le marché France sur une durée de 3 ans et demi'. ll s'est avéré que le marché Promopress ne concernait que le territoire français et non les marchés francophones. ll en est résulté que les dépenses relatives à la Suisse et à la Belgique ont été exclues du budget FEDER 2014 (169.476,63 euros Hl) et affectées sur le budget Région 2014, étant précisé que selon le courriel de la salariée du 22 septembre 2015 (pièce 19), dont le président était destinataire en copie et dont les termes ne sont pas discutés, faisait état de l'absence de consommation de la totalité du budget Région. ll n'en est donc résulté qu'un changement de traitement comptable et non un manque de financement de la dépense. Ainsi, les irrégularités dans la passation du marché invoquées ne sont nullement justifiées. Le manque de suivi, visé par le courrier de rupture, l'est à I'inverse. Par ailleurs les pertes mentionnées dans la lettre de licenciement soit 178.767,73 euros pour 2014 et 193.659,50 euros pour 2015 ne sont nullement justifiées, la prise en charge des dépenses concernées par le budget régional étant intervenue. Le manquement retenu n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier la rupture de la relation salariale s'agissant d'une erreur d'appréciation du périmètre d'un nouveau marché différent du précédent (marché Atout France), problématique éludée par les salariés chargés de la mise en oeuvre du marché. S'agissant d'une erreur d'appréciation-et non d'un manquement délibéré aux obligations contractuelles le grief ne peut être retenu. La faute suivante concerne l'opération Net Manager. Il est ici reproché à Madame [Z] de ne pas avoir respecté le budget voté de 20.000 euros alors- que.les dépenses se sont élevées à plus de 100.000 euros ("concernant cette manifestation, le bureau a voté un budget de 20.000 euros pour un voyage de presse"). Ce voyage correspond au contrat signé le 16 mai 2014 (pièce 17) relatif au parrainage de l'opération Net Manager 2014 se déroulant à Shanghai du 03 au 07 juin 2014 comprenant la participation de deux personnes (Mesdames [Z] et [M]). Son prix était de 11.500 euros HT. L'IRT produit le contrat relatif au marché 2015 de 31.000 euros, et non de 20.000 euros (pièce 1S). Ce contrat a été signé par le président le 31 juillet 2014. Il convient de préciser qu'il prévoit un honoraire de 6.000 euros HT pour le commanditaire. (Net Manager) et un montant de 25.000 euros HT pour le parrainage officiel de l'opération Net Manager 2015. Au regard des termes de la lettre de licenciement, le budget de 20.000 euros voté par le bureau ne concerne que le contrat 2014 (contrat de parrainage de 13.800 euros TTC plus frais de mission de deux personnes pour 7.776,75 euros soit un total de 21.516,75 euros). De ce point de vue, l'allégation d'un dépassement de plus de 100.000 euros n'est pas fondée, étant précisé que le montant des dépenses concernées sera abordé infra. ll convient de plus de relever que le grief mentionné dans le courrier de rupture tiré de la participation d'une troisième personne, sans validation du président, à la manifestation de Shanghai n'est pas justifié, les frais n'apparaissarit pas dans le décompte des_sommes payées (pièce 16) ce dont il résuite que sa prise en charge n'a pas pesé sur l'IRT. L'IRT produit en pièce 16, déjà citée, un tableau relatif au budget Net Manager 2O14 et 2015 retenant un total de 106.038,87 euros (28.478,56 euros TTC pour 2014 et 77.560,31 euros TTC pour 2015). Il n'est pas contesté que ce document est la réponse d'une salariée, Madame [X], à la demande du président. Aucune pièce n'est produite pour justifier I'imputation de ces dépenses aux opérations concernées par les contrats. Les dates de réalisation et de transmission au. président sont par ailleurs inconnues. Ces imprécisions privent le tableau de force probante. Par ailleurs, le cumul des années 2014 et 2015 n'est fait que pour gonfler artificiellement le coût total des dépenses, celles relatives au premier contrat du 18 mai 2014 étant nécessairement connues par l'IRT plus de deux mois avant I'engagement de la procédure disciplinaire. Il convient de souligner que l'IRT cite en page 10 de ses conclusions une partie des termes d'un courrier de Madame [X] qu'elle ne produit pas. ll ne sera donc pas tenu compte des termes de ce supposé courrier. Madame [Z] explique que le grief procède d'un amalgame ce qui est avéré dès que les seules dépenses à prendre en considération son celles résultant du contrat de 2014 et des frais de mission en découlant (7.776,75 euros selon le tableau précité). Les autres postes de dépenses pour un total de 6.901,81 euros concernent des missions de repérage (Partenariat MICE) dont aucun élément ne permet de démontrer qu'ils sont en lien avec le contrat précité. Pour le contrat 2015, il convient de préciser qu'il concerne l'accueil à la Réunion de "l'opération événementielle Net Managers 2015", l'IRT en étant le partenaire officiel. Cette opération entraînait des frais pour "vendre" la destination Réunion aux professionnels concernés. Par ailleurs, la lettre de licenciement ne fait pas état d'un dépassement de budget pour cette opération distincte de la précédente. Ainsi, il doit être retenu que l'amalgame fait par l'IRT entre les deux opérations est artificiel voire fallacieux. La faute suivante est relative à des bons de commande, les règles internes imposant la signature du président pour les opérations supérieures à 10.000 euros. La lettre de licenciement ne cite que l'opération Net Manager. Mais l'opération 2014 a fait l'objet d'une validation par le bureau et le président d'alors avait nécessairement connaissance du fait qu'il n'avait pas signé la convention de parainage ne serait-ce que par le déplacement à Shanghai de Mesdames [Z] et [M] début juin 2014 sans qu'il n'y ait eu la moindre suite dans le délai de la prescription disciplinaire. Quant à l'opération 2015, le contrat a été signé par le président lui-même. Pour les autres dépenses mentionnées dans le tableau précité, il convient de relever qu'aucun prestataire n'a bénéficié d'un paiement supérieur à 10.000 euros. Ce grief est tout autant injustifié que le précédent. ll résulte des motifs qui précèdent que les seuls faits avérés qui procèdent d'une erreur d'appréciation ne constituent pas un manquement aux obligations contractuelles d'une gravité suffisante pour justifier la rupture. Le licenciement est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [Z] étant par ailleurs fondée à invoquer les dispositions de I'article L. 1152-2 du code du travail bien qu'elle n'invoque pas sa nullité. Au jour de la rupture, Madame [Z] avait une ancienneté de cinq années. Son salaire brut de la dernière année travaillée a été de 115.848,65 euros, prime à périodicité comprise, (attestation Pôle Emploi, pièce 5) soit une moyenne brute de 9.654,05 euros. Compte tenu de ces éléments et du préjudice subi, l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixée à la somme de 77.000 euros. ll est fait droit à la demande pour les autres indemnités de rupture non contestées dans leur décompte soit les sommes suivantes : - 26.085,48 euros pour le préavis, - 2.608,54 pour les congés payés en découlant, - 6.521,37 euros pour le salaire de la mise à pied conservatoire, - 652,13 euros pour les congés payés en découlant. Madame [Z] demande la somme de 9.274,82 euros pour l'indemnité conventionnelle de licenciement, rejetée par l'arrêt du 12 décembre 2017 statuant en référé. Cette indemnité est due dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, il est donc fait droit à la demande. Madame [Z] demande la somme de 75.000 euros en réparation du préjudice moral subi, étant précisé qu'elle ne demande pas aux termes des motifs de ses conclusions la réparation du préjudice résultant d'un harcèlement moral. Ce préjudice est réel au regard des motifs en partie fallacieux du licenciement, pour un autre d'une gravité insuffisante et pour le dernier du fait de son caractère fallacieux ainsi qu'au regard de la protection attachée à la dénonciation d'un harcèlement moral. Le licenciement étant tout à la fois illégitime et prononcé en violation des règles impératives de I'article L. 1152-2du code du travail, Madame [Z] est indemnisée du préjudice en résultant par une indemnité de 15.000 euros. La remise d'une attestation Pôle Emploi et des bulletins de paye d'octobre et novembre 2015 conformes au présent arrêt est ordonnée. L'astreinte demandée n'apparaÎt pas nécessaire et n'est donc pas ordonnée. Madame [Z] doit être indemnisée de ses frais irrépétibles à concurrence de la somme demandée de 5.000 euros. L'effectif salarial de l'IRT étant supérieur à onze, l'ancienneté de Madame [Z] étant supérieure à deux années, les dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail sont d'application impérative. L'employeur est donc condamné au remboursement des sommes versées par I'assurance chômage dans la limite de six mois, aucune circonstance ne justifiant une minoration de cette peine.

1°) ALORS QUE, pour invalider un licenciement au motif qu'il a été prononcé suite à la dénonciation, par le salarié, de faits de harcèlement moral, il faut que le salarié ait clairement qualifié de la sorte les faits qu'il impute à l'employeur ; qu'en l'espèce, Mme [Z] faisait valoir que son licenciement était consécutif à son courrier du 23 septembre 2015 adressé au président de I'IRT, par lequel elle avait dénoncé les risques psychosociaux résultant du comportement de son président (cf. arrêt attaqué p.4) ; que la cour d'appel a relevé que, par son courrier du 23 septembre 2013, Mme [Z] avait demandé une "enquête du CHSCT pour mesure d'urgence - situation de RPS au sein de l'lRT', fait état d'une situation dégradée persistante malgré une alerte de la médecine du travail et des mesures prises par elle-même, comme directrice et présidente du CHSCT, d'un emportement présidentiel de la veille lors d'une réunion avec la responsable du pôle marketing et communication, Mme [M], ainsi qu'un autre la semaine précédente toujours avec le même service et devant la médecine du travail et le cabinet [J], les membres du CHSCT, le délégué syndical et la responsable des ressources humaines, et de sa situation personnelle caractérisée par des mesures vexatoires (retrait de signature, exclusion dg prise de décision, dossiers gérés directement avec les équipes sans en être informée), l'indisponibilité constante du président à son égard, le discours agressif et les propos diffamatoires de ce dernier, et demandé in fine une enquête du CHSCT, la cessation par l'employeur des agissements dénoncés porlant atteinte à sa dignité personnelle et professionnelle ainsi qu'à celle de son équipe (cf. arrêt attaqué p. 5) ; qu'en accordant néanmoins à Mme [Z] la protection prévue par l'article L. 1152-2 du code du travail, tandis qu'il résultait de ses constatations que la salariée n'avait pas dénoncé des faits qualifiés par elle d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

2°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, Mme [Z] avait été licenciée notamment en raison de ses carences dans la réalisation du budget 2015, ayant abouti à l'absence de remboursement à l'IRT par le FEDER de nombreuses dépenses faute de mise en concurrence (cf. lettre de licenciement – production) ; que l'IRT avait produit devant la cour d'appel une note relative au solde du « programme d'actions 2013 » de l'Ile de la Réunion Tourisme au titre du programme opérationnel FEDER 2007-2013, datée du 14 octobre 2015 (pièce de l'employeur n° 12) qui confirmait le caractère inéligible de certaines dépenses à hauteur de 900 000 € (cf. production et conclusions d'appel de l'employeur p. 7-8) ; qu'en estimant néanmoins, sans avoir analysé la note précitée, que les fautes invoquées relatives aux fonds FEDER 2013 et 2014 n'étaient pas à retenir à l'encontre de la salariée, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 455 et 458 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties, exprimées dans leurs conclusions ; qu'en l'espèce, Mme [Z] a été licenciée notamment pour avoir inscrit, sans autorisation de son employeur, à la manifestation Net manager ayant eu lieu à Shanghai trois personnes au lieu de deux comme prévu dans le contrat (cf. lettre de licenciement – production) ; que dans ses conclusions d'appel, la salariée a expressément reconnu dans ses écritures qu'une troisième personne avait été invitée (cf. conclusions d'appel de la salariée p. 27) ; qu'en retenant néanmoins que le grief mentionné dans le courrier de rupture tiré de la participation d'une troisième personne, sans validation du président, à la manifestation de Shanghai n'était pas justifié (cf. arrêt p. 7), la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE la lettre d'énonciation des motifs de licenciement fixe les limites du litige ; que le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait notamment à Mme [Z] de ne pas avoir présenté de budget définitif pour l'opération Net manager (cf. lettre de licenciement – production) ; qu'en jugeant injustifiés les griefs afférents à l'opération Net Manager, sans se prononcer sur le grief figurant dans la lettre de licenciement relatif à l'absence de présentation d'un budget définitif pour cette opération par Mme [Z] (cf. production), la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1332-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-23485
Date de la décision : 21/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 23 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 sep. 2022, pourvoi n°20-23485


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.23485
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