LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 septembre 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 947 FS-B
Pourvoi n° J 20-18.511
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
La société Viessmann industrie France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 20-18.511 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [I] [L], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi Grand Est, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Viessmann industrie France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [L], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy, Mme Grandemange, conseillers, Mmes Prache, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 mai 2020), M. [L] a été engagé en qualité de chargé d'études le 14 décembre 2006 par la société Stein énergie chaudières industrielles, aux droits de laquelle vient la société Viessmann industrie France (la société), entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés.
2. Après avoir été convoqué par lettre du 16 février 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, il a adhéré le 7 mars 2017 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait, alors, été proposé, de sorte que la rupture de son contrat de travail est intervenue le 20 mars suivant.
3. Contestant le bien-fondé de cette rupture, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de lui ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail, alors « que si la cause économique de licenciement s'apprécie à l'époque du licenciement, cela n'implique pas nécessairement la production de documents relatifs à la situation de l'entreprise au jour même de la rupture ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la rupture avait été notifiée par lettre du 8 mars 2017 et que la société Viessmann industrie France produisait ses bilans 2013, 2014, 2015 et 2016 ; que l'employeur soulignait qu'il résultait de ces bilans que les pertes subies par la société avaient progressé chaque année depuis 2013 (768 949 euros fin 2013, 900 407 euros fin 2014, 1 837 782 euros fin 2015) jusqu'à atteindre 5 690 884 euros fin 2016 ; qu'en affirmant cependant, pour dire que la preuve n'était pas rapportée de la réalité des difficultés économiques, que le contrat de travail avait pris fin le 20 mars 2017 et que la société ne justifiait pas de sa situation à la date exacte du licenciement, la cour d'appel, qui a ainsi exigé la production d'éléments relatifs à la situation au jour même du licenciement, voire de la date de fin du contrat, au lieu de rechercher si les bilans 2013 à 2016 n'établissaient pas suffisamment la situation économique largement dégradée de la société à l'époque de la rupture, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
5. Aux termes de ce texte, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus.
6. Il en résulte que si la réalité de l'indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d'affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n'est pas établie, il appartient au juge, au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l'évolution significative d'au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
7. Pour dire que le motif économique du licenciement du salarié n'est pas avéré et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société se réfère pour preuve de ses difficultés aux bilans qu'elle produit des années 2013, 2014, 2015 et 2016 et ne justifie pas de sa situation à la date du licenciement autrement qu'en évoquant des résultats prévisionnels, en tout cas n'apporte pas la preuve de la baisse sur trois trimestres consécutifs courant 2016/1er trimestre 2017 des commandes et/ou du chiffre d'affaires.
8. En se déterminant ainsi, quand l'employeur invoquait également des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social et un niveau d'endettement s'élevant à 7,5 millions d'euros à fin décembre 2016, sans rechercher si ce dernier ne justifiait pas de difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un des autres indicateurs économiques énumérés au 1° de l'article L. 1233-3 du code du travail, soit par tout autre élément de nature à les justifier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre de l'indemnité de non-concurrence pour la deuxième année, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, l'article 13 des contrats de travail du 14 décembre 2006 et du 30 octobre 2012 prévoyait une clause de non-concurrence assortie d'une contrepartie financière et réservait à l'employeur une faculté de la dénoncer et de se décharger de l'indemnité mensuelle afférente sous condition de prévenir le salarié par écrit dans les 8 jours suivant la notification de la rupture du contrat ; qu'il précisait en outre que "la durée de cette interdiction de non-concurrence sera d'un an, renouvelable une fois" ; qu'il résultait ainsi de cette clause claire et précise qu'en l'absence de dénonciation dans les huit jours de la notification de la rupture du contrat, l'interdiction de non-concurrence et l'indemnité afférente avait une durée d'un an, sauf si elle faisait l'objet d'un renouvellement par l'employeur ; que la cour d'appel a constaté que l'interdiction de concurrence d'une durée d'un an n'avait pas été renouvelée ; qu'en énonçant que la dénonciation de l'interdiction de concurrence étant prévue en une fois, dans les huit jours suivant la notification de la rupture du contrat, le salarié avait pu croire, à défaut de dénonciation expresse et claire, eu égard à l'ambiguïté née de l'emploi du terme "renouvelable", qu'il restait tenu du respect de la clause pendant encore une année à l'expiration des douze premiers mois et en lui allouant en conséquence l'indemnité de non-concurrence pour la deuxième année, la cour d'appel a dénaturé ladite clause, exempte de toute ambiguïté, et violé le principe susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
10. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme au titre de l'indemnité de non-concurrence pour la deuxième année, l'arrêt retient que l'interdiction de concurrence d'une durée d'un an n'a certes pas été renouvelée, mais que la dénonciation de l'interdiction de concurrence étant prévue en une fois, dans les huit jours suivant la notification de la rupture du contrat, le salarié a pu croire à défaut de dénonciation expresse et claire, eu égard à l'ambiguïté née de l'emploi du terme « renouvelable », qu'il restait tenu du respect de la clause pendant encore une année à l'expiration des douze premiers mois.
11. En statuant ainsi, alors que le contrat de travail du salarié stipulait que « la durée de cette interdiction de concurrence sera d'un an, renouvelable une fois » et qu'elle avait constaté que cette interdiction n'avait pas été renouvelée pour une nouvelle période d'un an, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation des chefs de dispositif disant le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur à payer une indemnité de non-concurrence pour la deuxième année n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de M. [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamne la société Viessmann industrie France à lui payer les sommes de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 21 601,5 euros au titre de l'indemnité de non-concurrence pour la deuxième année, ce avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2017, et ordonne le remboursement à Pôle emploi à la charge de la société Viessmann industrie France des indemnités de chômage versées à M. [L] dans la limite de six mois d'indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail, l'arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Mariette, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Viessmann industrie France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Viessmann industrie France FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. [L] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Viessmann industrie France à payer à M. [L] la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR ordonné le remboursement à Pôle Emploi à la charge de la société Viessmann industrie France des indemnités de chômage versées à M. [L] dans la limite de six mois d'indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l'article L 1233-69 du code du travail,
1. ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Viessmann industrie France produisait ses bilans 2013, 2014, 2015 et 2016 ; qu'en affirmant ensuite, pour dire que la preuve n'était pas rapportée de la réalité des difficultés économiques, qu'elle ne justifiait pas de sa situation à la date du licenciement autrement qu'en évoquant des résultats prévisionnels pour 2016, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE si la cause économique de licenciement s'apprécie à l'époque du licenciement, cela n'implique pas nécessairement la production de documents relatifs à la situation de l'entreprise au jour même de la rupture ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la rupture avait été notifiée par lettre du 8 mars 2017 et que la société Viessmann industrie France produisait ses bilans 2013, 2014, 2015 et 2016 ; que l'employeur soulignait qu'il résultait de ces bilans que les pertes subies par la société avaient progressé chaque année depuis 2013 (768 949 € fin 2013, 900 407 € fin 2014, 1 837 782 € fin 2015) jusqu'à atteindre 5 690 884 € fin 2016 (conclusions d'appel, p. 15) ; qu'en affirmant cependant, pour dire que la preuve n'était pas rapportée de la réalité des difficultés économiques, que le contrat de travail avait pris fin le 20 mars 2017 et que la société ne justifiait pas de sa situation à la date exacte du licenciement, la cour d'appel, qui a ainsi exigé la production d'éléments relatifs à la situation au jour même du licenciement, voire de la date de fin du contrat, au lieu de rechercher si les bilans 2013 à 2016 n'établissaient pas suffisamment la situation économique largement dégradée de la société à l'époque de la rupture, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
3. ALORS en outre QUE selon l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment 1° à des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à : a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ; b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ; c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ; d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus » ; qu'il n'est pas nécessaire que les trimestres consécutifs ainsi visés incluent celui en cours au jour de la rupture ; qu'en l'espèce, la lettre de rupture du 8 mars 2017 invoquait, s'agissant d'une entreprise d'au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés, une baisse de chiffre d'affaires et des commandes sur au moins trois trimestres consécutifs de 2016 en comparaison avec la même période de l'année 2015 ; qu'en retenant à l'appui de sa décision, pour dire que la preuve n'était pas rapportée de la réalité des difficultés économiques, que l'employeur n'apportait pas la preuve de la baisse sur trois trimestres consécutifs courant 2016 /1er trimestre 2017 des commandes et/ou du chiffre d'affaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
4. ALORS QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que la société ne produisait pas une analyse prévisionnelle de l'évolution de sa situation économique pour 2017 dont elle devait disposer les 9 et 16 janvier 2017, dates de consultation du CHSCT et du comité d'entreprise sur le projet de réorganisation de la société et de licenciement collectif de 9 salariés, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
5. ALORS en toute hypothèse QUE lorsque le licenciement est prononcé en raison d'une réorganisation, le juge doit rechercher si celle-ci est justifiée soit par des difficultés économiques, soit par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt (p. 5) que la lettre de licenciement visait une réorganisation et mentionnait que les enjeux étaient la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et même sa pérennité ; qu'en se bornant, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, à énoncer que la preuve n'était pas rapportée de la réalité des difficultés économiques, sans vérifier si la réorganisation n'était pas justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
La société Viessmann industrie France FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Viessmann industrie France à payer à M. [L] la somme de 21 601,58 € bruts au titre de l'indemnité de non-concurrence pour la deuxième année,
1. ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, l'article 13 des contrats de travail du 14 décembre 2006 et du 30 octobre 2012 prévoyait une clause de non-concurrence assortie d'une contrepartie financière et réservait à l'employeur une faculté de la dénoncer et de se décharger de l'indemnité mensuelle afférente sous condition de prévenir le salarié par écrit dans les 8 jours suivant la notification de la rupture du contrat ; qu'il précisait en outre que « la durée de cette interdiction de non-concurrence sera d'un an, renouvelable une fois » ; qu'il résultait ainsi de cette clause claire et précise qu'en l'absence de dénonciation dans les huit jours de la notification de la rupture du contrat, l'interdiction de non-concurrence et l'indemnité afférente avait une durée d'un an, sauf si elle faisait l'objet d'un renouvellement par l'employeur ; que la cour d'appel a constaté que l'interdiction de concurrence d'une durée d'un an n'avait pas été renouvelée ; qu'en énonçant que la dénonciation de l'interdiction de concurrence étant prévue en une fois, dans les huit jours suivant la notification de la rupture du contrat, le salarié avait pu croire, à défaut de dénonciation expresse et claire, eu égard à l'ambiguïté née de l'emploi du terme « renouvelable », qu'il restait tenu du respect de la clause pendant encore une année à l'expiration des douze premiers mois et en lui allouant en conséquence l'indemnité de non-concurrence pour la deuxième année, la cour d'appel a dénaturé ladite clause, exempte de toute ambiguïté, et violé le principe susvisé ;
2. ALORS QUE lorsqu'une clause de non-concurrence prévoit une interdiction de non-concurrence pour une certaine durée, renouvelable une fois, sa durée est limitée à la période initiale en l'absence de renouvellement notifié par l'employeur au salarié ; que la contrepartie financière n'est donc pas due pour la deuxième période, peu important la croyance du salarié qu'il restait tenu au respect de la clause ; qu'en l'espèce, la clause de non-concurrence précisait que « la durée de cette interdiction de non-concurrence sera d'un an, renouvelable une fois » ; que la cour d'appel a constaté que l'interdiction de concurrence d'une durée d'un an n'avait pas été renouvelée ; qu'en condamnant cependant la société Viessmann industrie France au paiement de l'indemnité de non-concurrence pour la deuxième année, au prétexte inopérant que le salarié avait pu croire qu'il restait tenu du respect de la clause pendant encore une année à l'expiration des douze premiers mois, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 du code civil.