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21/09/2022 | FRANCE | N°20-16075

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 septembre 2022, 20-16075


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2022

Cassation partielle
sans renvoi

M. CATHALA, président

Arrêt n° 946 FS-D

Pourvoi n° M 20-16.075

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 06 février 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU

PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

M. [C] [T], domicilié [Adresse ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2022

Cassation partielle
sans renvoi

M. CATHALA, président

Arrêt n° 946 FS-D

Pourvoi n° M 20-16.075

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 06 février 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

M. [C] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-16.075 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2019 par la cour d'appel de Nancy (chambre de l exécution JEX), dans le litige l'opposant à M. [E] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [T], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [F], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, MM. Barincou, Seguy Mme Grandemange, conseillers, Mmes Prache, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 4 mars 2019) et les productions, M. [T], engagé selon contrats de travail à durée déterminée saisonniers entre le 10 septembre 2010 et le 30 septembre 2012 par M. [F], exploitant agricole, a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et au titre de la rupture, auxquelles il a été fait droit.

2. Le salarié a fait pratiquer une saisie-attribution au préjudice de l'employeur en exécution du jugement rendu le 2 mai 2017 par un conseil de prud'hommes, assorti de l'exécution provisoire de droit, ayant condamné ce dernier à lui payer diverses sommes et notamment une indemnité de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que les frais irrépétibles.

3. L'employeur a contesté cette mesure devant le juge de l'exécution.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer recevable mais mal fondé son appel incident, de dire que la saisie-attribution pratiquée le 6 juin 2017 dénoncée à débiteur le 9 juin suivant, ne produira ses effets que dans la limite de la somme de 10 248,27 euros, et de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors « que lorsqu'un conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, sa décision est exécutoire de droit à titre provisoire, ce qui vaut pour l'ensemble des chefs de dispositif de la décision ; qu'en l'espèce, le conseil des prud'hommes de Bar-le-Duc ayant été saisi d'une telle demande en requalification et y ayant fait droit, par jugement en date du 2 mai 2017, l'ensemble de sa décision était exécutoire de droit ; qu'en jugeant pourtant, pour limiter les effets de la saisie-attribution pratiquée par M. [T] sur le fondement de ce jugement, que la condamnation aux frais irrépétibles n'était pas comprise dans l'exécution provisoire de droit attachée à ce jugement, la cour d'appel a violé l'article 514 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 1245-1 et R. 1454-28 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, et l'article R. 1245-1 du code du travail :

5. Aux termes du premier de ces textes, l'exécution provisoire ne peut pas être poursuivie sans avoir été ordonnée si ce n'est pour les décisions qui en bénéficient de plein droit.

6. Selon le second, lorsqu'un conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en application de l'article L. 1245-2 du code du travail, sa décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

7. Il en résulte que le jugement d'un conseil de prud'hommes qui ordonne la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire dans toutes ses dispositions, y compris celles portant condamnation au titre des frais irrépétibles.

8. Pour limiter les effets de la saisie-attribution pratiquée par le salarié à une certaine somme, l'arrêt retient, par motifs propres, qu'il n'a transmis à la cour aucune pièce permettant de valider la saisie-attribution litigieuse à hauteur d'une somme supérieure à celle de 10 248,27 euros retenue par des motifs pertinents du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bar-le-Duc, qu'il convient d'adopter.

9. Il retient encore, par motifs adoptés, que lorsqu'une décision est frappée d'appel, elle ne peut constituer un titre exécutoire qu'à la condition d'être assortie en toutes ses dispositions de l'exécution provisoire, que par jugement du conseil de prud'hommes du 2 mai 2017, l'employeur a été condamné à payer au salarié les sommes suivantes : 1 487,88 euros correspondant à l'indemnité de requalification, 1 487,88 euros au titre de l'indemnité de licenciement irrégulier, 1 487,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1 487,88 euros au titre des congés payés sur préavis, 1 487,88 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 2 975,76 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il ajoute que cette décision a assorti le règlement de ces sommes, de l'exécution provisoire de plein droit qu'elle a ordonné dans le cadre de son dispositif avant de statuer sur les frais irrépétibles et les dépens. Il conclut que s'il convient de valider la saisie-attribution, son montant devra cependant exclure les frais irrépétibles et leurs intérêts (1 004,10 euros), non compris dans l'exécution provisoire de droit prononcée par le conseil des prud'hommes de Bar-le-Duc.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il convient de dire que la saisie-attribution pratiquée le 6 juin 2017 dénoncée à M. [F] le 9 juin suivant produira ses effets sur la totalité des sommes dues en exécution de la décision du conseil de prud'hommes pour un montant de 11 252,37 euros, en ce compris les frais irrépétibles.

14. Par ailleurs, la critique du moyen ne vise pas les chefs de dispositif de l'arrêt relatifs à la recevabilité de l'appel incident et au rejet de la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, que la cassation prononcée ne permet pas d'atteindre.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare mal fondé l'appel incident de M. [T] et dit que la saisie-attribution pratiquée le 6 juin 2017 dénoncée à M. [F] le 9 juin suivant ne produira ses effets que dans la limite de la somme de 10 248,27 euros, l'arrêt rendu le 4 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que la saisie-attribution pratiquée le 6 juin 2017 dénoncée à M. [F] le 9 juin suivant produira ses effets sur la totalité des sommes dues pour un montant de 11 252,37 euros, en ce compris les frais irrépétibles ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [F] à payer à la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Mariette, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [T]

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable mais mal fondé l'appel incident de M. [C] [T], d'avoir dit que la saisie-attribution pratiquée le 6 juin 2017 dénoncée à débiteur le 9 juin suivant, ne produira ses effets que dans la limite de la somme de 10 248,27 €, et d'avoir débouté M. [T] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Aux motifs propres que « si l'intimé a relevé appel incident à la date du 18 janvier 2018, soit avant la signification de ce désistement, force est de constater que celui-ci n'a transmis à la cour aucune pièce permettant de valider la saisie-attribution litigieuse à hauteur d'une somme supérieure à celle de 10 248,27 € retenue par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bar-le-Duc ; qu'il convient de juger mal fondée cette demande incidente, d'en débouter Monsieur [T] et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; que Monsieur [T] sollicite par ailleurs la condamnation de l'appelant au paiement de la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de la somme de 4 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles ; qu'en l'absence de démonstration de ce que l'appel relevé par Monsieur [F] ait été interjeté de manière abusive et dilatoire et compte tenu du retrait de la contestation de l'appelant en cours de procédure, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts présentée par Monsieur [T] dont le préjudice résultant du retard dans le paiement des condamnations prononcées par le conseil des prud'hommes de Bar-le-Duc n'est au demeurant pas établi » (arrêt attaqué, p. 3),

Et aux motifs adoptés du premier juge que « Sur le bien-fondé de la saisie-attribution ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières de la saisie des rémunérations prévues par le code du travail ; qu'il est constant que lorsqu'une décision est frappée d'appel, elle ne peut constituer un titre exécutoire qu'à la condition d'être assortie en toutes ses dispositions de l'exécution provisoire ; que par jugement du conseil des prud'hommes en date du 2 mai 2017, M. [E] [F] a été condamné à payer à M. [C] [T] les sommes suivantes : - 1 487,88 € correspondant à l'indemnité de requalification, - 1 487,88 € au titre de l'indemnité de licenciement irrégulier, - 1 487,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 1 487,88 € au titre des congés payés sur préavis, 1 487,88 € au titre de l'indemnité de licenciement, - 2 975,76 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que cette décision a assorti le règlement de ces sommes, de l'exécution provisoire de plein droit qu'elle a ordonné dans le cadre de son dispositif avant de statuer sur les frais irrépétibles et les dépens ; que par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article R. 1245-1 du code du travail, que la décision du conseil de prud'hommes saisi d'une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée en application de l'article L. 1251-2 du code du travail est exécutoire de droit à titre provisoire ; que par conséquent, nonobstant l'appel interjeté par les parties, M. [C] [T] dispose à l'encontre de M. [F], de créances exigibles, même si ce n'est qu'à titre provisoire, dont le recouvrement se fera à ses risques, à charge pour lui de rétablir le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre venait ultérieurement à être modifié ; qu'il n'appartient donc pas au juge de l'exécution d'apprécier le bien-fondé de la créance ou les chances de succès de l'appel interjeté, mais seulement de constater que la saisie-attribution pouvait légalement être diligentée en exécution du jugement du conseil de prud'hommes du 2 mai 2017, dûment signifié qui a condamné M. [E] [F] au paiement de diverses créances de nature salariale et indemnitaire ; que s'il convient donc de valider la saisie-attribution, son montant devra cependant exclure les frais irrépétibles et leurs intérêts (1 004,10 €), non compris dans l'exécution provisoire de droit prononcée par le conseil des prud'hommes de Bar-le-Duc ; que pour ce qui concerne les frais de procédure contestés par M. [F], l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution précise que les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés ; que les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire, restent à la charge du créancier sauf s'ils concernent un acte dont l'accomplissement est prescrit par la loi ; qu'en l'espèce, le décompte de frais établi le 06 juin 2017 par la SELARL Pieton et Losa ne souffre d'aucune critique, en ce compris les frais provisionnels nécessités par les mesures d'exécution forcée ; qu'il convient en conséquence de débouter M. [E] [F] de l'ensemble de ses demandes ; qu'en conséquence, la saisie-attribution pratiquée le 6 avril 2017 ne pourra produire ses effets que dans la limite de 10 248,27 € » (jugement entrepris, p. 4 et 5) ;

Alors que lorsqu'un conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, sa décision est exécutoire de droit à titre provisoire, ce qui vaut pour l'ensemble des chefs de dispositif de la décision ; qu'en l'espèce, le conseil des prud'hommes de Bar-le-Duc ayant été saisi d'une telle demande en requalification et y ayant fait droit, par jugement en date du 2 mai 2017, l'ensemble de sa décision était exécutoire de droit ; qu'en jugeant pourtant, pour limiter les effets de la saisie attribution pratiquée par M. [T] sur le fondement de ce jugement, que la condamnation aux frais irrépétibles n'était pas comprise dans l'exécution provisoire de droit attachée à ce jugement, la cour d'appel a violé l'article 514 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 1245-1 et R. 1454-28 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-16075
Date de la décision : 21/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 04 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 sep. 2022, pourvoi n°20-16075


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.16075
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