LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 septembre 2022
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 502 F-D
Pourvoi n° Q 20-21.759
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 SEPTEMBRE 2022
La société Phyto sem, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° Q 20-21.759 contre l'arrêt rendu le 28 juillet 2020 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [D] [Y], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Euromat,
2°/ à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], et ayant un établissement [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Phyto sem, de la SCP Gaschignard, avocat de M. [Y], ès qualités, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BNP Paribas, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 juillet 2020), la société Phyto sem et la société Euromat ont conclu un contrat de fabrication et de montage d'un ensemble d'équipements de manutention, prévoyant le paiement d'un acompte de 20 % à la commande, garanti par une caution de restitution d'acompte par la société BNP Paribas en cas de défaillance de la société Euromat.
2. Le 3 juin 2015, la société Euromat a été mise en liquidation judiciaire avec maintien d'activité jusqu'au 3 septembre 2015, M. [Y] étant désigné en qualité de liquidateur.
3. La société BNP Paribas refusant de payer la somme due au titre de la garantie de restitution de l'acompte versé à la société Euromat par la société Phyto sem, cette dernière l'a assignée en paiement. La société BNP Paribas a appelé en garantie M. [Y], ès qualités, lequel s'est opposé à la restitution du premier acompte et a réclamé le paiement du deuxième acompte prévu par le contrat.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société Phyto sem fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de paiement dirigée contre la société BNP Paribas, de dire que l'acompte payé à la société Euromat est acquis à cette dernière et de la condamner à payer à M. [Y], ès qualités, une certaine somme, alors « que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et que l'acompte n'est qu'une avance sur le paiement du prix, lequel trouve sa cause dans la réalisation de la prestation ; qu'il se distingue des arrhes qui constituent le prix de la libération et de la clause pénale qui a pour objet de réparer de manière forfaitaire le préjudice subi à raison d'une inexécution contractuelle ; que la cour a constaté en l'espèce que la prestation n'était pas réalisée, qu'elle n'avait reçu qu'un commencement d'exécution et que la convention aurait été "résiliée" à raison de son inexécution par la société Phyto sem ; qu'en estimant qu' "aucun motif" ne justifiait que le premier acompte fût restitué, sans autre précision de droit permettant de comprendre le fondement juridique d'une telle décision, la cour a violé l'article 12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 12 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, le juge tranche le litige conformément aux règles
de droit qui lui sont applicables.
6. Pour dire que l'acompte versé par la société Phyto sem à la société Euromat était acquis à cette dernière, rejeter la demande en paiement de la société Phyto sem contre la société BNP Paribas et condamner la société Phyto sem à payer une certaine somme à M. [Y], ès qualités, l'arrêt retient que la résiliation du contrat litigieux est imputable à la société Phyto sem, qui n'a pas procédé au règlement d'une facture et a manifesté par son intervention auprès de la société BNP Paribas son refus de poursuivre l'exécution du contrat, sans pour autant reprocher aucun manquement à la société Euromat. Il relève encore que, compte tenu de la date de paiement du premier acompte, le délai de 8 à 15 semaines prévu pour la livraison du matériel n'était pas expiré lorsque la restitution de l'acompte a été demandée. Il en déduit que c'est donc à juste titre que M. [Y], ès qualités, s'oppose à la restitution de l'acompte, aucun motif ne le justifiant.
7. En statuant ainsi, sans préciser le fondement juridique de sa décision, notamment les raisons pour lesquelles aucun compte de résiliation n'était à faire entre les sociétés Phyto sem et Euromat, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'acompte de 44 220 euros HT payé par la société Phyto sem à la société Euromat est acquis à cette dernière et condamne la société Phyto sem à payer à M. [Y] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Euromat la somme de 25 532 euros, en ce que, confirmant le jugement, il déboute la société Phyto sem de sa demande en paiement de la caution bancaire de la société BNP Paribas solidaire de la société Euromat référencée 02408 KSD 129573/40 de 44 220 euros en faveur de la société Phyto sem, et en ce qu'il statue sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. [Y], ès qualités, et la société BNP Paribas aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas et la condamne à payer à la société Phyto sem la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour la société Phyto Sem.
La société PHYTO SEM FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué DE L'AVOIR déboutée de sa demande de paiement dirigée contre la société BNP PARIBAS, dit que l'acompte de 44 220 € HT payé par la société PHYTO SEM à la société EUROMAT est acquis à cette dernière et de l'avoir condamnée à payer à Me [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société EURO MAT, la somme de 25 532 € ;
1°) ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et que l'acompte n'est qu'une avance sur le paiement du prix, lequel trouve sa cause dans la réalisation de la prestation; qu'il se distingue des arrhes qui constituent le prix de la libération et de la clause pénale qui a pour objet de réparer de manière forfaitaire le préjudice subi à raison d'une inexécution contractuelle ; que la Cour a constaté en l'espèce que la prestation n'était pas réalisée, qu'elle n'avait reçu qu'un commencement d'exécution et que la convention aurait été « résiliée » à raison de son inexécution par la société PHYTO SEM ; qu'en estimant qu' « aucun motif » ne justifiait que le premier acompte fût restitué, sans autre précision de droit permettant de comprendre le fondement juridique d'une telle décision, la Cour a violé l'article 12 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'acompte n'est qu'une avance sur le paiement du prix, lequel trouve sa cause dans la réalisation de la prestation; qu'il se distingue des arrhes qui constituent le prix de la libération et de la clause pénale qui a pour objet de réparer de manière forfaitaire le préjudice subi à raison d'une inexécution contractuelle ; que la Cour a constaté en l'espèce que la prestation n'était pas réalisée et qu'elle n'avait reçu qu'un commencement d'exécution ; qu'en estimant dans ces conditions qu' « aucun motif » ne justifiait que le premier acompte fût restitué, pour cela que la convention aurait été « résiliée » à raison de son inexécution par la société PHYTO SEM, la Cour a méconnu les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 1134 du Code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ;
3°) ALORS QUE l'acompte n'est qu'une avance sur le paiement du prix, lequel trouve sa cause dans la réalisation de la prestation ; qu'il se distingue des arrhes qui constituent le prix de la libération et de la clause pénale qui a pour objet de réparer de manière forfaitaire le préjudice subi à raison d'une inexécution contractuelle ; que la Cour a constaté en l'espèce que la prestation n'était pas réalisée et qu'elle n'avait reçu qu'un commencement d'exécution; qu'en estimant dans ces conditions que le second acompte devait être versé pour cela qu'il était « contractuellement dû », cependant que l'acompte n'est « contractuellement dû » qu'en avance du paiement du prix de la prestation, laquelle n'a pas été réalisée en l'espèce selon les constatations de l'arrêt, la Cour a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134 du Code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.