LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 21-87.363 F-D
N° 01047
MAS2
7 SEPTEMBRE 2022
CASSATION
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 SEPTEMBRE 2022
M. [R] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bourges, en date du 2 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, de blanchiment, abus de biens sociaux, déclaration mensongère à une administration publique en vue d'obtenir un avantage indu, et présentation de comptes annuels inexacts, a confirmé l'ordonnance de refus de restitution du bien saisi rendue par le juge d'instruction.
Par ordonnance en date du 14 mars 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [R] [K], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [R] [K], mis en examen des chefs susvisés, a saisi le juge d'instruction d'une demande de restitution de son passeport et de sa carte d'identité marocaine placés sous scellés.
3. Par ordonnance du 14 octobre 2021, le juge d'instruction a rejeté la demande.
4. M. [K] a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de restitution formulée par M. [K] alors :
« 1°/ que M. [K] avait sollicité, devant la chambre de l'instruction, la restitution non seulement de son passeport français, mais également de sa carte d'identité marocaine ; qu'en rejetant la demande en tant qu'elle portait sur la restitution de la carte d'identité marocaine, sans donner aucun motif à sa décision sur ce point, la chambre de l'instruction a violé les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que devant la chambre de l'instruction, M. [K] sollicitait la restitution de sa carte d'identité marocaine non à des fins de déplacements transfrontaliers, puisqu'il disposait, pour cela, de sa carte d'identité française, mais « pour accomplir certaines formalités au Maroc, notamment en lien avec la gestion de la société [2] dont le siège est à [Localité 1], qu'il s'agisse des démarches auprès des administrations marocaines (administration fiscale), banque, fournisseurs, etc. » ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de restitution, par motifs éventuellement adoptés
du juge d'instruction, qu' « [R] [K] ne peut sortir du territoire métropolitain sans autorisation préalable délivrée après présentation des copies de titres de transport aller et retour, de réservations d'hébergement et d'éléments justifiant de la nécessité de son déplacement à l'étranger » et que « [R] [K] n'a fourni aucun élément justifiant de la nécessité d'un déplacement à l'étranger, ni même précisé la destination », la chambre de l'instruction a statué par des motifs impropres à fonder ce refus et a violé les articles 137, 99, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 99 et 593 du code de procédure pénale :
6. Selon le second ce ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
7. Pour confirmer le rejet de la demande de restitution, l'arrêt retient que M. [K] n'apporte aucun élément tangible sur les nécessités d'un déplacement au Maroc, notamment en produisant les convocations aux assemblées générales de sa société, soutenant simplement que sa présence sur place est impérative pour effectuer les démarches au Maroc relatives à celle-ci et régler son passif, ces affirmations étant insuffisantes pour satisfaire à la demande de remise de documents lui permettant de quitter le territoire français et rejoindre un pays dont il est ressortissant et qui n'accorde pas d'extradition vers la France.
8. Les juges ajoutent que le Maroc n'est pas un pays où un visa est nécessaire lorsque l'on s'y rend pour une courte période, seul le passeport étant requis, de sorte que l'exception soutenue de la nécessité de disposer du passeport pour solliciter un visa ne peut être sérieusement retenue, que les réservations d'hôtels et de billets d'avions peuvent s'effectuer à partir de plate-formes de réservation en ligne sur simple déclaration du numéro de passeport et non sur présentation préalable de celui-ci, en sorte que le moyen soutenu tenant à la nécessité d'être en possession du passeport pour procéder aux réservations est également inopérant, et qu'enfin le Maroc interdit depuis le 20 mars 2020 toute entrée sur son territoire et les liaisons aériennes qui avaient repris au 15 juin 2021 sont suspendues depuis le 28 novembre 2021 à 23 heures 59 en raison du variant Omicron de la Covid-19.
9. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui n'était pas saisie d'une demande de modification d'un contrôle judiciaire mais d'une demande de restitution de documents d'identité et n'a pas répondu au moyen présenté à cet égard, n'a pas justifié sa décision.
10. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bourges, en date du 2 décembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bourges et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept septembre deux mille vingt-deux.