LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 21-86.515 F-D
N° 01056
MAS2
7 SEPTEMBRE 2022
REJET
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 SEPTEMBRE 2022
M. [J] [F] et Mme [C] [F], épouse [O], ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, en date du 27 octobre 2021, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef de fraude fiscale, a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de M. [J] [F] et Mme [C] [F], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction générale des finances publiques et la direction départementale des finances publiques du Cantal, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [J] [F] et Mme [C] [F] ont été poursuivis, selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, du chef de fraude fiscale pour avoir soustrait frauduleusement la société [1], dont ils étaient co-gérants, à l'établissement des impôts et au paiement partiel de la taxe sur la valeur ajoutée exigible au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, en souscrivant des déclarations mensuelles de TVA minorées.
3. Par deux ordonnances du 14 mai 2019, le juge délégué a homologué la proposition de peine formée par le procureur de la République, a déclaré la constitution de partie civile de la direction générale des finances publiques recevable en la forme et a renvoyé l'affaire sur les intérêts civils.
4. Par jugement en date du 30 juin 2020, le tribunal correctionnel a condamné solidairement M. et Mme [F] à payer à l'administration générale des finances publiques la somme de 427 515 euros, correspondant à la taxe fraudée et aux pénalités afférentes.
5. M. et Mme [F], ainsi que l'administration fiscale ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que M. [F] et Mme [O] seraient solidairement tenus avec la SARL [1] au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée fraudée et des pénalités afférentes, alors « que la mesure de solidarité fiscale prononcée à l'encontre d'un dirigeant de société condamné pour fraude fiscale revêt pour ce dernier le caractère d'une punition lorsqu'il ne dispose d'aucune action récursoire efficace contre la société redevable légale des impôts fraudés dont il doit s'acquitter à sa place ; qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée au regard de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que l'arrêt ayant constaté que la SARL [1], redevable légale de la taxe fraudée et des pénalités
afférentes, avait été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 23 mars 2015, et M. [F] et Mme [O] ne disposant pas ainsi d'une action récursoire contre cette société susceptible d'aboutir efficacement au paiement des impôts fraudés dont ils assureraient en définitive la charge à sa place, la mesure de solidarité fiscale prononcée à leur égard pour sanctionner le délit de fraude fiscale dont ils ont été déclarés coupables constitue une sanction ayant le caractère d'une punition ; qu'en ordonnant ainsi à l'encontre de M. [F] et Mme [O] la solidarité fiscale avec la SARL [1], sans s'expliquer sur la gravité des faits, la personnalité des intéressés et leur situation personnelle, et sans donc apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée à leur droit de propriété par la mesure prononcée, la cour d'appel a violé les articles 132-1 et 132-20 du code pénal, 1745 du code général des impôts et 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
7. Pour prononcer à l'encontre des prévenus, la mesure de solidarité fiscale, l'arrêt attaqué énonce que Mme et M. [F], qui étaient à la période des faits co-dirigeants et associés majoritaires, contestent en réalité le délit de fraude fiscale puisque évoquant des erreurs commises alors que la décision retenant leur culpabilité au titre du délit de fraude fiscale, qui n'a pas fait l'objet d'appel, est aujourd'hui définitive.
8. En l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître les textes visés au moyen.
9. En effet, le prononcé par le juge correctionnel de la solidarité fiscale prévue à l'article 1745 du code général des impôts, qui constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public et non une peine au sens de l'article 132-1 du code pénal, n'est pas soumis aux prescriptions des articles 485-1 du code de procédure pénale ni, le cas échéant, au contrôle du caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé.
10. Dès lors, le moyen doit être écarté.
11. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept septembre deux mille vingt-deux.