LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 septembre 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 613 F-D
Pourvoi n° V 21-17.628
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022
1°/ M. [E] [D],
2°/ Mme [C] [R], épouse [D],
tous deux domiciliés [Adresse 1] (Monaco),
ont formé le pourvoi n° V 21-17.628 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant à la société Le Cap d'Ail, société à responsabilité limitée, dont le siège est chez Sogedom, [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. et Mme [E] [D], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Le Cap d'Ail, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mars 2021), la société Le Cap d'Ail, après avoir acquis les biens immobiliers dépendant de la communauté de M. [N] [D] et son épouse [K] [D], à la suite de la mise en liquidation judiciaire de cette dernière, a conclu, le 14 avril 1997, avec M. [E] [D] et Mme [C] [R] épouse [D], leur fils et belle-fille, une promesse synallagmatique de vente portant sur l'appartement et ses dépendances constituant la résidence principale des parents.
2. Le 9 juin 2016, M. et Mme [E] [D] ont assigné la société Le Cap d'Ail en réalisation forcée de la vente.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. et Mme [D] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors :
« 1°/ que la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a accord des parties sur la chose et sur le prix, le délai fixé pour sa réitération par acte authentique ne présentant pas un caractère extinctif, sauf stipulation contraire de la promesse, mais constituant la date à partir de laquelle l'une des parties peut contraindre l'autre à s'exécuter ; que la promesse de vente du 14 avril 1997 déterminait précisément la chose vendue et son occupation, ainsi que son prix, le délai fixé pour sa réitération par acte authentique n'ayant pas été stipulé à peine de caducité de la promesse de vente qui prévoyait expressément que l'une des parties pouvait judiciairement contraindre l'autre à réitérer la vente, laquelle stipulait « qu'elle lie définitivement les parties » ; qu'en énonçant qu'il résultait de cet acte que les parties avaient fait de la réitération de la vente par acte authentique dans le délai maximum de deux ans à compter de la signature de la promesse de vente une condition essentielle de leur contrat ayant déterminé leur consentement, ce à peine de caducité de la promesse de vente, la cour d'appel a violé l'article 1589 du code civil ;
2°/ que l'exécution sans réserve et en toute connaissance de cause d'un acte frappé de caducité pendant plus de dix ans après cette caducité vaut confirmation de l'acte ; que, conformément aux stipulations de la promesse de vente, la SARL Le Cap d'Ail a laissé aux parents et beaux-parents des bénéficiaires de cet acte la jouissance gratuite des biens vendus à charge pour eux d'en acquitter tous les frais et charges, ce qu'ils ont fait ; qu'en affirmant péremptoirement que cette exécution de la promesse de vente pendant 13 ans sans demander aux occupants, titrés par cette promesse de vente, ni redevance d'occupation ni départ des lieux, aux motifs inopérants que le gérant de la SARL Le Cap d'Ail « aurait eu d'autres soucis à régler », la cour d'appel a violé l'article 1338 ancien du code civil, devenu l'article 1182 du même code. »
Réponse de la Cour
4. En premier lieu, la cour d'appel a relevé que, par une clause d'interprétation stricte, la réitération de la promesse par acte authentique dans un délai de deux ans était stipulée comme condition essentielle sans laquelle les parties n'auraient pas contracté.
5. Procédant à une interprétation souveraine des autres clauses de l'acte que leur rapprochement rendait nécessaire, elle a retenu que la mention selon laquelle la convention liait définitivement les parties montrait que celles-ci avaient voulu affirmer expressément leur intention de s'assujettir à toutes les conditions convenues dans l'avant-contrat pour parvenir à la conclusion de l'opération qu'elles avaient décidée dans son principe et que le recours à l'exécution forcée supposait un empêchement à la signature de l'acte authentique survenu au cours du délai maximal de deux années.
6. Elle en a exactement déduit que la promesse de vente ne valait pas vente et que le terme de la condition essentielle ayant été dépassé sans que la réalisation de la vente ait été sollicitée, le contrat de vente ne s'était pas valablement formé et que la promesse était devenue caduque.
7. En second lieu, ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la condition, pour M. et Mme [N] [D], de la cession de leur biens immobiliers à la société Le Cap d'Ail était de pouvoir continuer à habiter l'appartement qui constituait leur résidence principale, la cour d'appel a pu retenir que le fait d'avoir laissé ces derniers dans les lieux pendant treize ans sans demander le paiement d'une redevance d'occupation ou leur départ ne pouvait s'analyser comme une exécution, par la promettante, de la convention la liant à M. et Mme [E] [D] et une renonciation à ses droits en découlant.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [E] [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [E] [D]
Mme [E] [D] et Mme [C] [R] épouse [D] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué de les AVOIR déboutés de leurs demandes tendant à la régularisation forcée par acte authentique de la promesse synallagmatique de vente conclue le 14 avril 1997 avec la sarl le Cap d'Ail ;
1°) ALORS QUE la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a accord des parties sur la chose et sur le prix, le délai fixé pour sa réitération par acte authentique ne présentant pas un caractère extinctif, sauf stipulation contraire de la promesse, mais constituant la date à partir de laquelle l'une des parties peut contraindre l'autre à s'exécuter ; que la promesse de vente du 14 avril 1997 déterminait précisément la chose vendue et son occupation, ainsi que son prix, le délai fixé pour sa réitération par acte authentique n'ayant pas été stipulé à peine de caducité de la promesse de vente qui prévoyait expressément que l'une des parties pouvait judiciairement contraindre l'autre à réitérer la vente, laquelle stipulait « qu'elle lie définitivement les parties » ; qu'en énonçant qu'il résultait de cet acte que les parties avaient fait de la réitération de la vente par acte authentique dans le délai maximum de deux ans à compter de la signature de la promesse de vente une condition essentielle de leur contrat ayant déterminé leur consentement, ce à peine de caducité de la promesse de vente, la cour d'appel a violé l'article 1589 du code civil ;
2°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE l'exécution sans réserve et en toute connaissance de cause d'un acte frappé de caducité pendant plus de dix ans après cette caducité vaut confirmation de l'acte ; que, conformément aux stipulations de la promesse de vente, la sarl Le Cap d'Ail a laissé aux parents et beaux-parents des bénéficiaires de cet acte la jouissance gratuite des biens vendus à charge pour eux d'en acquitter tous les frais et charges, ce qu'ils ont fait ; qu'en affirmant péremptoirement que cette exécution de la promesse de vente pendant 13 ans sans demander aux occupants, titrés par cette promesse de vente, ni redevance d'occupation ni départ des lieux, aux motifs inopérants que le gérant de la sarl Le Cap d'Ail « aurait eu d'autres soucis à régler » (sic), la cour d'appel a violé l'article 1338 ancien du code civil, devenu l'article 1182 du même code.