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07/09/2022 | FRANCE | N°21-16646

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 septembre 2022, 21-16646


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 septembre 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 630 F-B

Pourvoi n° C 21-16.646

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022

La société civile immobilière Mermoz, dont le siège est

[Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-16.646 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le l...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 septembre 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 630 F-B

Pourvoi n° C 21-16.646

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022

La société civile immobilière Mermoz, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-16.646 contre l'arrêt rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne-Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne-Franche-Comté a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société civile immobilière Mermoz, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne-Franche-Comté, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 11 février 2021), par acte sous seing privé du 9 juin 2009, la société Caisse d'épargne de Bourgogne-Franche-Comté (la banque) a consenti à la SCI Mermoz (la SCI) un prêt immobilier remboursable en deux-cent-quarante mensualités et au taux effectif global (TEG) de 4,70 % l'an.

2. Soutenant que ce taux était irrégulier en raison de l'absence de prise en compte des cotisations d'une assurance décès-invalidité à laquelle la banque avait subordonné l'octroi du prêt, la SCI a assigné celle-ci en nullité de la stipulation d'intérêts et en substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel. En appel, elle a demandé la déchéance du droit aux intérêts de la banque.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, dont l'examen est préalable

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer la SCI recevable, alors « qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, sauf si ces nouvelles prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ou qu'elles en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en déclarant la SCI recevable, quand il résulte des énonciations de l'arrêt qu'elle demandait au tribunal de prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels et à la cour d'appel de dire et juger que la sanction d'un taux effectif global erroné est la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, prétention nouvelle, étrangère à toute compensation, qui n'est pas née de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou la révélation d'un fait, ne tendait pas aux mêmes fins que la demande initiale et n'en était ni l'accessoire, ni la conséquence ou le complément, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

5. La demande en annulation d'une stipulation d'intérêts avec substitution du taux légal tend aux mêmes fins que celle en déchéance du droit aux intérêts dès lors qu'elles visent à priver le prêteur de son droit à des intérêts conventionnels.

6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'il appartient à la banque, qui subordonne l'octroi d'un crédit immobilier à la souscription d'une assurance, de s'informer auprès du souscripteur du coût de celle-ci avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entre impérativement ; qu'en reprochant à l'emprunteur de ne pas rapporter la preuve qu'à la date de l'édition de l'offre de prêt, la banque avait connaissance du montant de la cotisation d'assurance invalidité-décès et en se retranchant derrière la circonstance que l'attestation d'assurance et le courrier de l'assureur adressés postérieurement à l'édition de ladite offre ne donnaient aucune précision quant au coût de l'assurance invalidité-décès, quand il incombait à l'établissement prêteur de s'enquérir de ce coût avant de déterminer le taux effectif global, la cour d'appel a violé les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

8. Il résulte de ce texte que, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels, mais que le taux effectif global d'un prêt immobilier ne comprend pas les frais liés aux garanties qui assortissent le prêt, lorsque leur montant ne peut être connu avant la conclusion du contrat.

9. Pour dire que le coût de l'assurance décès-invalidité n'avait pas à être inclus dans le calcul du taux effectif global, l'arrêt retient que la SCI ne rapporte pas la preuve qu'à la date de l'acte de prêt, la banque avait connaissance du montant de la cotisation d'assurance invalidité décès, que celle-ci produit une attestation d'assurance de prêt établie le 12 juin 2009 par l'assureur et une lettre adressée le 16 juin 2009 à la banque par l'assureur, lesquelles ne donnent aucune précision sur le montant des primes d'assurance et que le coût de cette assurance ne pouvait être indiqué avec précision antérieurement à la signature du prêt.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la banque s'était s'informée auprès du souscripteur du coût de l'assurance avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entrait impérativement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bourgogne Franche-Comté aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bourgogne Franche-Comté et la condamne à payer à la SCI Mermoz la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la SCI Mermoz, demanderesse au pourvoi principal.

La société Mermoz fait grief à l'arrêt attaqué DE L'AVOIR déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

ALORS, 1°), QU'il appartient à la banque, qui s'oppose à la demande de l'emprunteur fondée sur le caractère erroné du taux effectif global, de prouver que les frais liés aux garanties dont le crédit est assorti n'étaient pas déterminés ou déterminables au jour de l'acte de prêt ; qu'en faisant peser sur l'emprunteur la charge de prouver que le montant de la cotisation d'assurance invalidité-décès ne pouvait être déterminé à la date de l'édition de l'offre de prêt, quand une telle charge incombait à l'établissement prêteur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

ALORS, 2°), QUE le coût de la souscription, par l'emprunteur, d'une assurance couvrant les risques invalidité et décès qui conditionne la conclusion du prêt doit être mentionné dans l'offre de prêt et être intégré au calcul du taux effectif global, sauf lorsque son montant n'est pas déterminable lors de la conclusion du contrat de prêt ; qu'en excluant la prise en compte du coût de l'assurance invalidité-décès dans le calcul du taux effectif global, au motif que celui-ci ne pouvait être « indiqué avec précision » avant la signature du contrat de prêt, quand il suffisait qu'un tel coût soit déterminable, la cour d'appel a violé les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

ALORS, 3°), QU'il appartient à la banque, qui subordonne l'octroi d'un crédit immobilier à la souscription d'une assurance, de s'informer auprès du souscripteur du coût de celle-ci avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entre impérativement ; qu'en reprochant à l'emprunteur de ne pas rapporter la preuve qu'à la date de l'édition de l'offre de prêt, la banque avait connaissance du montant de la cotisation d'assurance invalidité-décès et en se retranchant derrière la circonstance que l'attestation d'assurance et le courrier de l'assureur adressés postérieurement à l'édition de ladite offre ne donnaient aucune précision quant au coût de l'assurance invalidité-décès, quand il incombait à l'établissement prêteur de s'enquérir de ce coût avant de déterminer le taux effectif global, la cour d'appel a violé les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

ALORS, 4°), QUE les dispositions relatives au taux effectif global, qui doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt, sont d'ordre public, de sorte que l'emprunteur ne peut y renoncer dans l'acte de prêt ; qu'en se fondant, pour refuser de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque, sur les stipulations contractuelles excluant la prime d'assurance de la détermination du taux effectif global, quand ces stipulations contrevenaient à des dispositions d'ordre public, la cour d'appel a violé les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucaud, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté, demanderesse au pourvoi incident.

La société Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la SCI Mermoz revevable ;

alors que à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, sauf si ces nouvelles prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ou qu'elles en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en déclarant la SCI Mermoz recevable, quand il résulte des énonciations de l'arrêt qu'elle demandait au tribunal de prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels et à la cour d'appel de dire et juger que la sanction d'un taux effectif global erroné est la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, prétention nouvelle, étrangère à toute compensation, qui n'est pas née de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou la révélation d'un fait, ne tendait pas aux mêmes fins que la demande initiale et n'en était ni l'accessoire, ni la conséquence ou le complément, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 21-16646
Date de la décision : 07/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

APPEL CIVIL - Demande nouvelle - Définition - Demande tendant aux mêmes fins que la demande initiale (non) - Applications diverses

INTERETS - Demande en annulation d'une stipulation d'intérêts avec substitution du taux légal en première instance - Demande en déchéance du droit aux intérêts en appel - Demande nouvelle (non)

La demande en annulation d'une stipulation d'intérêts avec substitution du taux légal tend aux mêmes fins que celle en déchéance du droit aux intérêts dès lors qu'elles visent à priver le prêteur de son droit à des intérêts conventionnels


Références :

Articles 564 et 565 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 11 février 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 sep. 2022, pourvoi n°21-16646, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : Me Haas, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.16646
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