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12/07/2022 | FRANCE | N°21-11786

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2022, 21-11786


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juillet 2022

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 865 F-D

Pourvoi n° V 21-11.786

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2022

La société Publicis consultants France, s

ociété à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-11.786 contre les arrêts rendus les 10 janvier 2020 et...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juillet 2022

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 865 F-D

Pourvoi n° V 21-11.786

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2022

La société Publicis consultants France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-11.786 contre les arrêts rendus les 10 janvier 2020 et 8 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, respectivement chambre 1 et chambre 11), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] [P], domicilié [Adresse 4],

2°/ à Pôle emploi direction régionale d'Occitanie, dont le siège est [Adresse 2], établissement public national à caractère administratif,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Publicis consultants France, de Me Carbonnier, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués ([Localité 3], 10 janvier 2020 et 8 décembre 2020) M. [P] a été engagé, à compter du 2 avril 2001, par la société La Rochefoucauld en qualité de responsable du département création. Son contrat de travail a été transféré à la société Publicis consultants France en 2009.

2. Le salarié, qui exerçait des fonctions représentatives du personnel depuis l'année 2006, a saisi la juridiction prud'homale, le 17 mai 2016, en paiement de rappels de salaire.

3. La relation de travail a pris fin le 14 septembre 2019 après que les parties ont signé une convention de rupture dans le cadre d'un plan de départ volontaire.

Examen des moyens

Sur les première et deuxième branches du premier moyen, les première, deuxième, quatrième et cinquième branches du second moyen, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont, soit irrecevables, soit manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt du 10 janvier 2020 de déclarer ses conclusions d'intimée irrecevables, alors :

« 3°/ qu'en se bornant à énoncer, afin d'écarter la force majeure, qu' '‘il n'est cependant pas établi que ces problèmes techniques d'accès à la clé RPVA soient imputables à la modification statutaire antérieure au dépôt des conclusions de l'appelant'‘, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les mails versés aux débats par la société Publicis n'établissaient pas que le non-accès temporaire de l'avocat de la société Publicis à la boîte mail associée à sa clé de communication RPVA était effectivement imputable à la modification statutaire du cabinet Actance, en ce qu'il en résultait qu'à la suite de cette modification statutaire, les associés de celles-ci étaient désormais des SELARLU et non plus des avocats personnes physiques, lesquels, ne pouvant plus représenter le cabinet Actance, ne pouvaient plus accéder à la boîte mail associée à leur clé RPVA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du code de procédure civile, ensemble les articles 909 et 911 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en énonçant, afin d'écarter la force majeure, qu' ‘'il n'est cependant pas établi que ces problèmes techniques d'accès à la clé RPVA soient imputables à la modification statutaire antérieure au dépôt des conclusions de l'appelant'‘, quand cette circonstance ne pouvait pas permettre d'écarter la force majeure, qui devait être appréciée en considération de ce problème technique lui-même, et non de sa cause, la cour d'appel, qui s'est prononcée à partir d'un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du code de procédure civile, ensemble les articles 909 et 911 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en retenant également, afin d'écarter la force majeure, qu' ‘'en outre, il ressort des pièces qu'informé dès la fin du mois de septembre 2018 d'une difficulté, le cabinet d'avocat a saisi le conseil de l'ordre fin octobre 2018 et que cette situation a été réglée au 15 novembre 2018 alors que le délai n'était pas expiré ; à supposer même la persistance d'une difficulté au-delà de cette date, ce qui n'est nullement justifié, le conseil de l'intimé pouvait encore notifier, dans le délai, ses conclusions par lettre recommandée en application des dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile, cet empêchement temporaire ne caractérisant pas une cause étrangère permettant de faire échec à la sanction encourue'‘, quand l'avocat de la société Publicis faisait valoir qu'il n'avait pas eu connaissance de la notification des conclusions d'appelant du 30 octobre 2018 avant le 11 avril 2019, sans relever qu'il en aurait eu connaissance à la date du 15 novembre 2018 et, en toute hypothèse, avant l'expiration du délai de trois mois pour conclure qu'aurait fait courir cette notification, ce qui ne permettait pas de retenir qu'il aurait pu conclure avant l'expiration dudit délai, la cour d'appel, qui s'est déterminée à partir de motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du code de procédure civile, ensemble les articles 909 et 911 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en retenant également, afin d'écarter la force majeure, qu' ‘'en outre, il ressort des pièces qu'informé dès la fin du mois de septembre 2018 d'une difficulté, le cabinet d'avocat a saisi le conseil de l'ordre fin octobre 2018 et que cette situation a été réglée au 15 novembre 2018 alors que le délai n'était pas expiré ; à supposer même la persistance d'une difficulté au-delà de cette date, ce qui n'est nullement justifié, le conseil de l'intimé pouvait encore notifier, dans le délai, ses conclusions par lettre recommandée en application des dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile, cet empêchement temporaire ne caractérisant pas une cause étrangère permettant de faire échec à la sanction encourue'‘, motifs conduisant à priver l'intimé d'une partie du délai qui lui est accordé pour conclure, la cour d'appel a violé les articles 909, 911 et 910-3 du code de procédure civile ;

7°/ qu'en se bornant à relever, pour déclarer irrecevables les conclusions d'intimé de la société Publicis et, partant, lui refuser le droit de défendre, en appel, aux prétentions du salarié, en particulier de contester la présomption de discrimination qu'elle a dès lors retenue et d'apporter la preuve contraire, par une énonciation générale et abstraite, que ‘'le délai imparti de trois mois (est) compatible avec le but nécessaire et légitime de favoriser la célérité de la procédure d'appel avec représentation obligatoire ainsi que le respect de l'accès au juge ainsi que d'un procès équitable conforme à l'exigence de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales'‘, sans tenir compte, à cet égard, du fait que l'avocat de la société Publicis ignorait que des conclusions d'appelant avaient été déposées et lui avaient été notifiées, faisant courir un délai de dépôt et de notification des conclusions d'intimé, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 910-3 du code de procédure civile, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du même code.

7. Constitue un tel cas de force majeure en procédure civile, la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.

8. Après avoir constaté que l'appelant avait notifié et remis ses conclusions au greffe par la voie électronique le 30 octobre 2018 et que l'intimée avait notifié et remis ses conclusions au greffe par la voie électronique le 18 avril 2019, la cour d'appel a relevé, d'abord, qu'il n'était pas établi que les problèmes techniques d'accès à la clé du réseau privé virtuel des avocats (RPVA) de son avocat invoqués par l'intimée fussent imputables à la modification statutaire de son cabinet, antérieure au dépôt des conclusions de l'appelant et ensuite, qu'informé à la fin du mois de septembre 2018 des problèmes techniques d'accès à la clé du RPVA, le conseil de l'intimée avait saisi le conseil de l'Ordre fin octobre 2018 et que cette situation avait été réglée le 15 novembre 2018 alors que le délai pour conclure de l'intimée n'était pas expiré.

9. Faisant ainsi ressortir que l'intimée ne s'était heurtée à aucun événement insurmontable, caractérisant un cas de force majeure, c'est à bon droit, sans méconnaître les exigences du droit à un procès équitable, que la cour d'appel a prononcé l'irrecevabilité de ses conclusions.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. La société fait grief à l'arrêt du 8 décembre 2020, de la condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaires, des congés payés afférents et de dommages-intérêts, de lui ordonner de lui délivrer un bulletin de paie récapitulatif conforme à sa décision dans le délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci, alors « que les conclusions d'appel doivent comporter l'indication, pour chaque prétention, des pièces invoquées et de leur numérotation et qu'un bordereau récapitulatif des pièces leur est annexé ; que pour condamner la société Publicis à payer au salarié les sommes de 46.598,25 euros bruts à titre de rappel de salaires, outre 4.559,82 euros bruts au titre des congés payés afférents, et 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel s'est fondée sur ‘'la pièce 53 de la société, figurant dans le dossier remis à la cour par le salarié'‘, document qui ne figure pas au nombre des pièces régulièrement produites, selon les modalités précitées, par le salarié ; qu'elle a ainsi violé l'article 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. Selon l'article 909 du code de procédure civile l'intimé qui n'a pas conclu dans le délai qui lui est imparti par cet article n'est pas recevable à soulever un incident de communication de ses pièces par l'appelant.

13. La société n'ayant pas conclu dans le délai qui lui était imparti, c'est sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel a statué en se fondant sur les pièces produites par l'appelant.

14. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Publicis consultants France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Publicis consultants France et la condamne à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Publicis consultants France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société Publicis fait grief à l'arrêt attaqué, rendu par la Cour d'appel de Paris le 10 janvier 2020, d'avoir confirmé l'ordonnance du Conseiller de la mise en état du 24 mai 2019 ayant déclaré ses conclusions d'intimé irrecevables ;

Alors, d'une part, que délai de trois mois dans lequel les conclusions d'intimé doivent, à peine d'irrecevabilité, être remises au greffe et notifiées à l'avocat de l'appelant court à compter de la notification des conclusions de l'appelant ; qu'en déclarant les conclusions d'intimé de la société Publicis déposées et notifiées le 18 avril 2019 irrecevables, au visa de ces dispositions, sans nier qu'à la suite de problèmes techniques d'accès à sa clé RPVA son avocat n'avait eu connaissance de la notification des conclusions d'appelant du 30 octobre 2018 que le 11 avril 2019, soit après l'expiration du délai de trois mois pour conclure qu'aurait fait courir cette notification, la Cour d'appel a violé les articles 909 et 911 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été mises à même d'en débattre contradictoirement ; qu'en déclarant les conclusions d'intimé de la société Publicis déposées et notifiées le 18 avril 2019 irrecevables, sans nier qu'à la suite de problèmes techniques d'accès à sa clé RPVA son avocat n'avait eu connaissance de la notification des conclusions d'appelant du 30 octobre 2018 que le 11 avril 2019, soit après l'expiration du délai de trois mois pour conclure qu'aurait fait courir cette notification, la Cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, violant ainsi les articles 15 et 16 du code de procédure civile ;

Alors, de troisième part, qu'en se bornant à énoncer, afin d'écarter la force majeure, qu'« il n'est cependant pas établi que ces problèmes techniques d'accès à la clé RPVA soient imputables à la modification statutaire antérieure au dépôt des conclusions de l'appelant », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les mails versés aux débats par la société Publicis n'établissaient pas que le non-accès temporaire de l'avocat de la société Publicis à la boite mail associée à sa clé de communication RPVA était effectivement imputable à la modification statutaire du cabinet Actance, en ce qu'il en résultait qu'à la suite de cette modification statutaire, les associés de celles-ci étaient désormais des SELARLU et non plus des avocats personnes physiques, lesquels, ne pouvant plus représenter le cabinet Actance, ne pouvaient plus accéder à la boite mail associée à leur clé RPVA, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du code de procédure civile, ensemble les articles 909 et 911 du code de procédure civile ;

Alors, de quatrième part, qu'en énonçant, afin d'écarter la force majeure, qu'« il n'est cependant pas établi que ces problèmes techniques d'accès à la clé RPVA soient imputables à la modification statutaire antérieure au dépôt des conclusions de l'appelant », quand cette circonstance ne pouvait pas permettre d'écarter la force majeure, qui devait être appréciée en considération de ce problème technique lui-même, et non de sa cause, la Cour d'appel, qui s'est prononcée à partir d'un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du code de procédure civile, ensemble les articles 909 et 911 du code de procédure civile ;

Alors, de cinquième part, qu'en retenant également, afin d'écarter la force majeure, qu'« en outre, il ressort des pièces qu'informé dès la fin du mois de septembre 2018 d'une difficulté, le cabinet d'avocat a saisi le conseil de l'ordre fin octobre 2018 et que cette situation a été réglée au 15 novembre 2018 alors que le délai n'était pas expiré ; à supposer même la persistance d'une difficulté au-delà de cette date, ce qui n'est nullement justifié, le conseil de l'intimé pouvait encore notifier, dans le délai, ses conclusions par lettre recommandée en application des dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile, cet empêchement temporaire ne caractérisant pas une cause étrangère permettant de faire échec à la sanction encourue », quand l'avocat de la société Publicis faisait valoir qu'il n'avait pas eu connaissance de la notification des conclusions d'appelant du 30 octobre 2018 avant le 11 avril 2019, sans relever qu'il en aurait eu connaissance à la date du 15 novembre 2018 et, en toute hypothèse, avant l'expiration du délai de trois mois pour conclure qu'aurait fait courir cette notification, ce qui ne permettait pas de retenir qu'il aurait pu conclure avant l'expiration dudit délai, la Cour d'appel, qui s'est déterminée à partir de motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du code de procédure civile, ensemble les articles 909 et 911 du code de procédure civile ;

Alors, de sixième part, qu'en retenant également, afin d'écarter la force majeure, qu'« en outre, il ressort des pièces qu'informé dès la fin du mois de septembre 2018 d'une difficulté, le cabinet d'avocat a saisi le conseil de l'ordre fin octobre 2018 et que cette situation a été réglée au 15 novembre 2018 alors que le délai n'était pas expiré ; à supposer même la persistance d'une difficulté au-delà de cette date, ce qui n'est nullement justifié, le conseil de l'intimé pouvait encore notifier, dans le délai, ses conclusions par lettre recommandée en application des dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile, cet empêchement temporaire ne caractérisant pas une cause étrangère permettant de faire échec à la sanction encourue », motifs conduisant à priver l'intimé d'une partie du délai qui lui est accordé pour conclure, la Cour d'appel a violé les articles 909, 911 et 910-3 du code de procédure civile ;

Et alors, enfin, qu'en se bornant à relever, pour déclarer irrecevables les conclusions d'intimé de la société Publicis et, partant, lui refuser le droit de défendre, en appel, aux prétentions de Monsieur [P], en particulier de contester la présomption de discrimination qu'elle a dès lors retenue et d'apporter la preuve contraire, par une énonciation générale et abstraite, que « le délai imparti de trois mois (est) compatible avec le but nécessaire et légitime de favoriser la célérité de la procédure d'appel avec représentation obligatoire ainsi que le respect de l'accès au juge ainsi que d'un procès équitable conforme à l'exigence de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales », sans tenir compte, à cet égard, du fait que l'avocat de la société Publicis ignorait que des conclusions d'appelant avaient été déposées et lui avaient été notifiées, faisant courir un délai de dépôt et de notification des conclusions d'intimé, la Cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

La société Publicis fait grief à l'arrêt attaqué, rendu par la Cour d'appel de Paris le 8 décembre 2020, d'avoir, infirmant le jugement entrepris de ce chef, condamné la société Publicis à payer à Monsieur [P] les sommes de 46.598,25 euros bruts à titre de rappel de salaires, outre 4.559,82 euros bruts au titre des congés payés afférents, et 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'ordonné à la société Publicis de délivrer à Monsieur [P] un bulletin de paie récapitulatif conforme à sa décision dans le délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci ;

Alors, d'une part, qu'en considérant, après avoir exclu toute discrimination en termes de « niveau de rémunération », les salariés auxquels Monsieur [P] entendait être comparé ne se trouvant pas dans une situation identique à la sienne, que pouvait néanmoins être retenue une « discrimination en terme d'évolution de sa rémunération », tenant à ce qu'il n'avait pas bénéficié des augmentations de salaire des cadres de sa catégorie, 3-4, tout en relevant que « en 2015, 14 salariés n'avaient pas eu d'augmentation depuis plus de 5 ans (7 hommes et 7 femmes) dont M. [P] », sans qu'il ait été soutenu que ces salariés auraient exercé des fonctions syndicales, ce qui excluait toute discrimination à cet égard tenant aux activités syndicales de Monsieur [P], la Cour d'appel a violé les articles L 1132-1 et L 1134-1 du code du travail ;

Alors, d'autre part, qu'en considérant, après avoir exclu toute discrimination en termes de « niveau de rémunération », les salariés auxquels Monsieur [P] entendait être comparé ne se trouvant pas dans une situation identique à la sienne, que pouvait néanmoins être retenue une « discrimination en terme d'évolution de sa rémunération », tenant à ce qu'il n'avait pas bénéficié des augmentations de salaire des cadres de sa catégorie, 3-4, sans réfuter les motifs du jugement entrepris, que la société Publicis était réputée s'être appropriée, en application de l'article 954 du code de procédure civile, selon lesquels, la comparaison devant s'effectuer avec les salariés qui exerçaient les mêmes fonctions de directeur artistique sénior que Monsieur [P], « les augmentations individuelles de 2006 à 2016 des directeurs artistiques séniors ont été en moyenne de 9,54 % alors que Monsieur [L] [P] a bénéficié d'augmentations dont le total aboutit à 9,43 % », la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, de troisième part, que les conclusions d'appel doivent comporter l'indication, pour chaque prétention, des pièces invoquées et de leur numérotation et qu'un bordereau récapitulatif des pièces leur est annexé ; que pour condamner la société Publicis à payer à Monsieur [P] les sommes de 46.598,25 euros bruts à titre de rappel de salaires, outre 4.559,82 euros bruts au titre des congés payés afférents, et 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, la Cour d'appel s'est fondée sur « la pièce 53 de la société, figurant dans le dossier remis à la cour par M. [P], document qui ne figure pas au nombre des pièces régulièrement produites, selon les modalités précitées, par Monsieur [P] ; qu'elle a ainsi violé l'article 954 du code de procédure civile ;

Alors, de quatrième part, que pour condamner la société Publicis à payer à Monsieur [P] les sommes de 46.598,25 euros bruts à titre de rappel de salaires, outre 4.559,82 euros bruts au titre des congés payés afférents, et 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, la Cour d'appel a énoncé qu'« au visa de la pièce 53 de la société, figurant dans le dossier remis à la cour par M. [P], sa demande de rappel de salaire est détaillée dans ses écritures dans les termes suivants? » mais que « les pourcentages figurant sur la pièce 53 et ceux retenus par M. [P] dans ses écritures sont différents. Dès lors et en fonction des éléments dont la cour dispose, étant rappelé qu'il incombe aux parties de fournir les éléments nécessaires au succès de ses prétentions, le rappel de salaire sera calculé sur les bases suivantes : - 2012 : 4,07 % : 2.588,52 euros, - 2013 : 5,42 % : 6.175,94 euros, - 2014 : 3,41 % : 8.555,28 euros, - 2015 : augmentation limitée à la moyenne de salaire de la catégorie soit 6.200 euros : 2.244,72 euros, - 2016 : 4,92 % : 13.760,46 euros. - 2017 : 13.060,44 euros, - 2018 (de janvier au 8 mars 2013, date d'acceptation du congé de reclassement, faute de plus de justificatif sur la date de la cessation de la relation contractuelle) : 2.457,61 euros, soit un total de 46.598,25 euros bruts » ; qu'elle a ainsi alloué à Monsieur [P] une augmentation, pour l'année 2016, de 4,92 % en se fondant sur la pièce 53, retraçant l'évolution de la rémunération des salariés relevant, notamment, de la catégorie 3-4, pour les années 2012 à 2016, qui mentionne bien un tel taux ; qu'en se prononçant de la sorte, après avoir constaté que Monsieur [P] avait bénéficié, en 2016, d'une augmentation de 116,67 euros, elle l'a fait bénéficier à la fois de l'augmentation générale de sa catégorie, 3-4, et de celle dont il avait déjà bénéficié ; qu'elle a ainsi violé les articles L 1132-1 du code du travail et 1103 du code civil ;

Et alors, enfin, que pour condamner la société Publicis à payer à Monsieur [P] les sommes de 46.598,25 euros bruts à titre de rappel de salaires, outre 4.559,82 euros bruts au titre des congés payés afférents, et 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, la Cour d'appel a énoncé qu'« au visa de la pièce 53 de la société, figurant dans le dossier remis à la cour par M. [P], sa demande de rappel de salaire est détaillée dans ses écritures dans les termes suivants? » mais que « les pourcentages figurant sur la pièce 53 et ceux retenus par M. [P] dans ses écritures sont différents. Dès lors et en fonction des éléments dont la cour dispose, étant rappelé qu'il incombe aux parties de fournir les éléments nécessaires au succès de ses prétentions, le rappel de salaire sera calculé sur les bases suivantes : - 2012 : 4,07 % : 2.588,52 euros, - 2013 : 5,42 % : 6.175,94 euros, - 2014 : 3,41 %: 8.555,28 euros, - 2015 : augmentation limitée à la moyenne de salaire de la catégorie soit 6.200 euros : 2.244,72 euros, - 2016 : 4,92 % : 13.760,46 euros. - 2017 : 13.060,44 euros, - 2018 (de janvier au 8 mars 2018, date d'acceptation du congé de reclassement, faute de plus de justificatif sur la date de la cessation de la relation contractuelle) : 2.457,61 euros, soit un total de 46.598,25 euros bruts » ; qu'en allouant à Monsieur [P] une augmentation de 13.060,44 euros pour l'année 2017 et de 2.457,61 euros de janvier au 8 mars 2018 sans assortir sa décision, de ce chef, de motifs de nature à la justifier, la pièce n° 53 ne concernant que les années 2012 à 2016, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-11786
Date de la décision : 12/07/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2022, pourvoi n°21-11786


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.11786
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